Publié le 28 février 2003
Hubert Heyrendt
Jeudi et vendredi, Renaud a reçu un triomphe pour ses retrouvailles avec la Belgique. Il a comblé Forest National en lui offrant une soirée sur la place de son petit village.
Il est 20h25. Forest National trépigne d’impatience. Le chanteur énervant a du retard. Le public est varié: des vieux, des jeunes, des familles,… Les blousons noirs et les santiags ont disparu mais la ferveur est restée. Elle semble se renouveler d’année en année.
Soudain, les lumières s’éteignent. On se retrouve alors sur la place d’un petit village, avec sa fontaine, sa mairie, son hôtel et bien entendu son bar «Chez Renard». A l’intérieur… Renaud et son noir son-blou. Le public exulte de voir celui qu’il attendait depuis plusieurs années. «Comme y’a eu Gainsbourg et Gainsbarre / Y’a le Renaud et le Renard, Le Renaud ne boit que de l’eau / Le Renard carbure au Ricard.»
Renaud n’a jamais eu une grande voix. Aujourd’hui, il n’en a plus du tout. Les premières chansons sont à la limite de l’inaudible, l’acoustique de la salle bruxelloise n’aidant en rien. N’importe quel débutant serait hué. Mais avec Renaud, c’est autre chose, bien au-delà du simple concert. Le chanteur a besoin de ses spectateurs, comme ces derniers ont besoin de lui. Ces retrouvailles sont plutôt de l’ordre de la communion.
Et Renaud de nous expliquer ce qu’il a fait pendant ces années d’absence: «Hier au Rendez-vous des amis / Hou là là je m’suis mis minable / Putain d’muflée que j’me suis pris / Lamentable.» Après «Pochtron!», l’ambiance est à la nostalgie avec les splendides «En cloque» et «La pêche à la ligne». L’occasion pour les briquets de s’allumer et pour le public de chanter.
Renaud alterne morceaux de son nouvel album et anciens tubes. «Germaine» nous entraîne pour un musette sur la place du village au son de l’accordéon et sous les lampions. La salle danse et donne de la voix.
«Cinq cents connards sur la ligne de départ / Et Johnny Halliday sur la ligne d’arrivée.» En un refrain, tout est dit du néo-colonialisme du Paris-Dakar. Le public applaudit, avant de se laisser bercer par la mélancolie de «La ballade nord-irlandaise» : «J’ai voulu planter un oranger / Là où la chanson n’en verra jamais / Là où les arbres n’ont jamais donné / Que des grenades dégoupillées.» Cette chanson pacifiste donne l’occasion de tester l’applaudimètre – au plus bas – de George W. Bush. La guerre en Irak ne séduit décidément pas les amis de la chetron sauvage.
Une jolie surprise
Après cet intermède antimilitariste, Renaud invite Axelle Red pour l’inévitable «Manhattan-Kaboul». La Rousse s’assied alors au piano pour nous offrir son «Je me fâche», sous l’œil du Renard assis à la terrasse de son bistrot, la clope au bec. Mais l’heure tourne et c’est déjà le moment des rappels: «Manu», «Mistral gagnant», «Morgane de toi»,… sans oublier le triomphal «Dès que le vent soufflera», qui finit de convaincre que Renaud et ses adorateurs ne font qu’un.
Renaud était en très grande forme, dialoguant avec son public sans cesse. Mais après 2h30 de concert et une trentaine de chansons, il fallait se dire au revoir, en retrouvant Germaine «Dans mon H.L.M».
© La Libre Belgique 2003