Québec, Le dimanche 2 mars 2003
ARTS ET VIE
NICOLAS HOULE
NHoule@lesoleil.com
⬛ Depuis que Renaud, le chanteur « énervant », a fait son retour sur disque, l’an dernier, c’est la communauté française au chanteur grand complet qui semble s’énerver. Le premier enregistrement
du père de Mistral gagnant en sept ans, réalisé avec un budget fort appréciable, a d’abord soulevé l’enthousiasme des critiques. Puis il a été suivi, à l’automne, d’un abécédaire signé par son grand frère, Thierry Séchan, pour ensuite être consacré, il y a quelques semaines, aux Victoires de la musique. Cette nouvelle lune de miel n’est visiblement pas terminée. C’est en effet au tour du peintre, photographe, navigateur et voyageur d’origine marocaine, Titouan Lamazou, d’y aller de sa contribution avec un album illustré combinant photos, esquisses, peintures et mémoires des séances d’enregistrement de Boucan d’enfer.
Les cousins français en font-ils trop ? Peut-être. Or, s’il est vrai que le plus récent disque de Renaud n’est pas son meilleur. qu’il compte des redites et que le chanteur a trouvé le moyen d’amoindrir son filet de voix en le diluant dans le Ricard, il n’en demeure pas moins qu’il abrite de petites perles comme Manhattan-Kaboul, Baltique ou la pièce-titre.
Que sa parution soit justifiée ou non, on ne peut nier que Renaud par Titouan, publié chez Gallimard, vaut le détour. Espèce de fenêtre donnant sur les studios que Renaud a visités, notamment le célèbre Abbey Road des Beatles, l’œuvre dresse un portrait de l’artiste et nous fait rencontrer ses collaborateurs -musiciens et technicien- le tout commenté avec la naïveté et l’émerveillement du néophyte qui découvre un nouvel univers.
Titouan a su figer la naissance de « Boucan d’enfer »
De la console d’enregistrement aux maintes guitares de Bucolo, du look faussement américain des rockeurs français à celui, gracieux, d’Axelle Red, Titouan a su figer la naissance de Boucau d’enfer avec des clichés profondément chaleureux, des huiles soignées, des lavis minimalistes, des crayonnés impressionnistes ou encore des montages qui empruntent tant à la photo qu’à la peinture. Au fil des pages s’insèrent les paroles de chacune des chansons du disque, quelques partitions ainsi que certains des manuscrits des textes. Et parce qu’une telle publication serait incomplète sans musique, un CD avec un inédit, Mou paradis perdu, permet d’entendre un Renaud qui s’émeut sur ses souvenirs d’enfance.
Ouvrage fort réussi, Renaud par Titouan est un scrapbook à haute teneur artistique, un bel objet dont les fans se délecteront et qui, à sa façon, dépoussière l’aura que Renaud avait enfouie dans un nuage d’idées noires.
TITOUAN, Renaud par Titouan, Gallimard, Paris, 2003, (sans pagination)
Source : Le Soleil