20 janvier 2001
SYLVAIN CORMIER
L’Agenda
Spectacle

Le titi s’amène chez nous avec ses mots et ses convictions
Revoilà le titi sans tambour ni trompette, presque en catimini, l’oiseau rapplique en queue de tournée française à la fois discrète et triomphale. Tournée de petites salles bondées partout. Le pays entier est Morgane de lui, c’est sûr.
Le grand retour de Renaud Séchan au Québec sera tout sauf grandiloquent de Québec à Shawinigan, le « chanteur énervant » s’amène avec rien d’autre qu’une guitare, un piano, des chansons et un mot d’ordre: pas de promo.
Revoilà Renaud. Ça faisait une paille. Traduisons: une mèche. Huit ans depuis les grosses boums au parc des lies et à l’Agora de Québec. Sept ans depuis le dernier album de matériel neuf, A la belle de mai. Revoilà le titi sans tambour ni trompette: presque en catimini, l’oiseau rapplique en queue de tournée française à la fois discrète et triomphale. Tournée de petites salles bondées partout. C’est pareil ici: de prolongation en prolongation, on en est à six soirs au Spectrum, à Partir de ce dimanche (plus lundi et les 2, 3, 5 et 6 février). Ça afflue aussi en région, au Théâtre du Vieux Terrebonne (25 janvier) comme au Vieux Clocher de Sherbrooke (le 26). Le pays entier est Morgane de lui, c’est sûr.
Pas si sûr. On le constate depuis l’album Hexagone de 1975: il y a les pro. Renaud et les anti-Renaud. Même au sein des meilleures familles communistes, il y a des factions pour et contre. Pour les uns, certes majoritaires, Renaud est le poète rebelle par excellence, le réfractaire absolu, le digne fils putatif de Brassens (qu’il a chanté et même sculpté en bas-relief!), l’irréductible pourfendeur de bourgeois, le défenseur de la nature opprimée pour qui « Jamais une statue ne sera assez grande / Pour dépasser la cime du moindre peuplier » (Fatigué), le pote officiel à Coluche, le vrai de vrai, le pur et dur, le seul qu’a pas lourdé la cause, ouais. La chetron sauvage, comme il se décrit lui-même en verlan.
Pour d’autres, le Séchan, c’est le type même du faux derche, toujours du bon côté d’un univers manichéen avec les méchants patrons, les sales militaires et tous ceux qui jouent « à celui qui pisse le plus loin » au même pilori du démago populo. Soyons francs, je suis un anti. Mais non, pas un nanti. Un anti. En Renaud, héros du prolétariat, je ne crois point. Mais ce n’est pas le personnage qui m’énerve. Vedette du showbiz ou son contraire, à mon sens, c’est pareil. Refuser toutes les entrevues comme il en a décidé pour cette tournée intimiste, c’est comme les accorder toutes. Showbiz quand même. Version verlan.
Là où il me les casse souverainement, c’est dans la forme. Le timbre morne, la note invariablement fausse, les mélodies interchangeables, j’ai jamais pu. Une démangeaison. Tellement que je n’entends pas les mots: j’arrête aux phonèmes. Dadi dadi dadaaa, dada dada dadiiii. Syndrome Brassens, dites-vous? Probablement. C’est un peu comme Dylan: fallait franchir le Rubicon nasillard pour apprécier. De fait, quand je lis Renaud, je me réconcilie avec le corpus. Me jette pas, c’est vrai que c’est bigrement tendre: « Mais me jette pas / J’me f’rai tout p’tit, tout plat / Me jette pas/ Ou jette-toi avec moi. » Cheveu blanc, c’est vraiment une évocation fine et sentie du moment où l’on se sent vieillir: « J’ai l’impression qu’la mort étale en riant / Un manteau d’hermine sur ma pauvre tête ».
D’où l’intérêt du nouveau spectacle. Dans les interstices entre la guitare et le piano, dimanche au Spectrum, on entendra bien les paroles. Au contraire de la plupart d’entre vous, ce sera ma première expérience de Renaud et c’est une chance que ce soit la plus dénudée. Ouste le foulard rouge, blanchis les cheveux jaunes. Un homme, des mots, des convictions: comme le titre de son double album de grands succès l’indique, on risque bien d’obtenir « L’Absolutely meilleur of Renaud ».
Source : Le HLM des Fans de Renaud