Publié le 09 juillet 1989 à 00h00 – Mis à jour le 09 juillet 1989 à 00h00
UNE manifestation et un concert géant ne s’improvisent pas en un jour… et demandent beaucoup d’argent. Le budget de la journée du 8 juillet n’aura pas été facile à boucler : en quelques semaines, les organisateurs ont dû dénicher près de 1,5 million de francs. Les comptes de cette journée sont pourtant « simples, clairs et douloureux », selon le chanteur Renaud. La manifestation et le concert coûteront chacun plus de 700 000 francs. Soit, au total, près de 1,5 million de francs pour cette journée « anti-sommet » de la place de la Bastille. Un budget d’« amis » souligne Renaud : en temps normal, et sans bénévolat, le concert à lui seul, aurait coûté de 2 millions à 3 millions de francs.
Comment s’en sortir ? Les sans-culottes de « Ça suffat comme ci » ont commencé par s’adresser _ en toute amitié _ à la Mission du Bicentenaire. Sept représentants, avec bien sûr, à leur tête, Renaud et Gilles Perrault, ont donc rencontré le président de la mission, Jean-Noël Jeanneney, il y a un mois. Les discussions ont été « courtoises », mais la mission faisait un peu la grimace : les « anti-sommet », qui avaient détourné le logo officiel du Bicentenaire en donnant aux colombes tricolores de Folon des allures de bombardiers, n’ont cessé de dénoncer les « fastes outrageants » du Bicentenaire… La réponse de la Mission n’a pas tardé. L’anti-sommet n’a pas reçu un sou.
La manifestation, à elle seule, coûte près de 700 000 francs : 170 000 francs de tracts et de quatre-pages, 100 000 francs de T-shirts, 60 000 francs de cartes postales et d’autocollants, 90 000 francs d’affiches, autant de badges, et 265 000 de publicité dans le Monde et Libération. L’organisation, qui a pu trouver le septième de cette somme _ 100 000 francs _ grâce aux contributions de la cinquantaine d’associations signataires de l’appel, espérait réunir le reste _ ou une partie du reste _ en vendant son logo au cours de la manifestation. En attendant, Rotographie, l’imprimerie de la Ligue communiste révolutionnaire, aura avancé une bonne partie de ces dépenses.
Le soutien des maisons de disques
Le concert du soir, qui devait réunir Renaud, Johnny Clegg, Manno Négra, les Négresses vertes et Malavoi, revenait, lui aussi, à environ 700 000 francs. Les maisons de disques ont versé leur obole : Virgin, celle de Renaud et Manno Négra, et EMI-Pathé-Marconi, celle de Johnny Clegg, ont offert 250000 francs. Elles couvrent donc à elles deux 35 % des dépenses. Sans logo, sans « sponsoring » officiel _ et visible _ et sans apparition sur la scène. Elles n’ont d’ailleurs, disent-elles, rien demandé. Et elles n’espèrent, disent-elles encore, pas grand-chose. Tout juste, sans doute, une citation dans les remerciements sur écran vidéo.
Les forains installés sur la place de la Bastille pendant la journée du samedi devaient contribuer, eux aussi, au financement du concert : tous ont payé une concession pour installer leur buvette et vendre leurs sandwichs sur les lieux du rassemblement. L’organisation comptait ainsi réunir par ce biais 100000 francs. Restait un trou de 350000 francs, comblé en totalité par Renaud, qui tenait à ce concert et qui dispose, dit-il, « de moyens plus élevés que la moyenne ». Il y avait pourtant une solution : il y a une semaine, une « grande boisson gazeuse américaine » est venue offrir ses services aux responsables de l’appel. Ils en rient encore, disent-ils. Cette firme proposait, en échange de quelques deniers, de couvrir le podium, consacré au pillage du tiers-monde par les « nantis », d’affiches aux couleurs Coca…
Source : Le Monde