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Les concerts mythiques de la fête de l’Humanité (19 épisodes) |
Publié le 10 septembre 2024
C’est la Fête de l’Humanité qui sera choisie par Claude Berri pour l’avant-première de son adaptation du roman d’Émile Zola, Germinal. Avec un Renaud, acteur principal du film, qui entonne, en patois, devant un public conquis, les chansons de son album hommage au peuple du Nord et des mines.
Dimanche 12 septembre 1993. Bruno Masure, présentateur du journal télévisé de France 2, évoque en direct le sujet événement : « La présence sur la Grande Scène de la Fête de l’Huma de toute l’équipe du film Germinal. » Le réalisateur Claude Berri, les actrices et acteurs Miou-Miou, Gérard Depardieu et Renaud sont là, sur la Grande Scène de La Courneuve, pour présenter au public de la Fête ce que Pierre Laurent, ancien sénateur et journaliste à l’époque de l’Humanité Dimanche, décrit comme « le film de la rentrée ».
Et même plus : l’œuvre littéraire de Zola parue dès 1884 et sa très attendue transcription cinématographique constituent un jalon de l’histoire de la classe ouvrière française. Germinal à la Fête, quoi de plus évident ?
Une semaine avant le concert, l’Humanité annonce sur quatre pages la nouvelle. L’éditorial de Claude Cabanes, titré « Dans le pré », évoque le contexte politique : la droite est aux manettes depuis cinq mois avec le gouvernement d’Édouard Balladur. Il reprend un extrait du texte d’intention, signé Claude Berri et intitulé « Pourquoi Germinal ? » publié sur la même page : « Les idées, la politique sont des bulldozers qui font bouger le monde. »
« C’est l’histoire de la classe ouvrière, des gens qui luttent, qui résistent à l’oppression et aux injustices ! »
Le réalisateur y parle également de son enfance au faubourg Saint-Denis, à Paris, de son père qui votait communiste et l’emmenait en manifestation, des « injustices de ce monde » et du rêve d’un « monde meilleur ». Celui qu’espéraient les personnages de Zola, Étienne Lantier, la Maheude et les Maheu, tous ces mineurs qui, dans le roman ou dans la réalité dont il s’inspire, se sont battus pour leur dignité de travailleurs.
C’est tout cela que le public de La Courneuve célèbre quand les artistes apparaissent sur la Grande Scène, et sous la pluie. Claude Berri est accompagné de son fils, Darius, émerveillé par l’accueil réservé par la foule. « Germinal, c’est l’histoire de la classe ouvrière, c’est l’histoire des gens qui luttent, qui résistent à l’oppression et aux injustices ! » clame Renaud, soulevant des vivats.
Le chanteur y présente son nouvel album, si singulier dans sa carrière : Renaud cante el’ Nord. Il y reprend des morceaux du folklore ch’ti, s’époumone sur Tout in haut de ch’terril, où il prie le bon Dieu : « J’espère qui me laichera quand je serai au Paradis, Cor’ venir in vacances tout in haut de min terril. »
Renaud et la Fête, c’est une longue histoire partagée : il y est venu à quatre reprises, en ajoutant les dates de 1984, 2007 et 2017. Le film n’est pas oublié : des extraits sont diffusés sur l’écran géant, deux semaines avant sa sortie, programmée fin septembre.
Le succès est au rendez-vous : plus de six millions d’entrées en salle, douze nominations aux Césars où il sera distingué dans les catégories de meilleure photographie et meilleurs costumes. Il laissera surtout, dans le cœur des Français et dans celui du public de la Fête de l’Humanité 1993, la fierté de voir représentée cette histoire plus que centenaire, celle du bassin minier du Nord, avec le roman, symbole du combat contre l’injustice et l’exploitation.