Les confessions de Renaud

Les confessions de Renaud

PHOTO COURTOISIE
Comme un enfant perdu Renaud Séchan Éditions XO

Cette fois-ci, c’est Renaud lui-même qui se raconte et ses confessions sont tout à fait troublantes. On y apprend sans doute peu de choses «croustillantes», tant la vie de ce chanteur qui se définit comme anarchiste a été comme un grand livre ­ouvert. Mais aucune trace de L’Éléouet, aucune mention de la ­biographie qu’il a écrite, pourtant sympathique et grandeur ­nature.

Tout comme Obélix tombé dans la potion magique dès sa naissance, Renaud tombera dans un bain de politique dès son plus jeune âge (un peu plus tard, ce sera dans un bol de Ricard!). Avec des grands-parents communistes, un père écrivain qui prend le parti de l’indépendance de l’Algérie, une mère de gauche qui n’hésite pas à descendre dans la rue pour manifester, son destin était tout tracé. S’il adhère aux idées de gauche, par mimétisme au début, puis par conviction sincère, il ne négligera pas pour autant la chasse aux filles, les deux allant de pair, manifestement.

Dans cet ouvrage où chaque mot est pesé et soupesé, Renaud s’attarde à décrire sa famille, côté mère et côté père, tant les deux ont joué un rôle important dans sa formation politique et sociale. Il gardera toujours un fort sentiment de culpabilité envers son père. Parce qu’il n’a pas suivi le modèle qu’il lui avait tracé. Parce qu’il n’a pas fréquenté l’école pendant longtemps, contrairement à ses frères et sœurs. Parce qu’il a réussi, qu’il est devenu très riche, malgré ses échecs scolaires. Parce que son père a toujours refusé de reconnaître le succès de son fils et d’accepter les cadeaux que voulait lui faire ce fils rebelle. Mais de son court passage au lycée, il retiendra «la nécessité de s’engager contre l’indifférence, contre la faim, contre les guerres, contre la bombe, contre les dictatures de par le monde, pour sauver ce qui peut encore l’être». Il fêtera ses 16 ans, «le 11 mai 1968, sur une barricade de la rue Gay-Lussac». C’est ­pendant ce grand mouvement de révolte qu’il composera, paroles et musique, sa première chanson, Crève, salope!, reprise par tous les lycéens en colè­re.

Récit d’un succès inattendu

Renaud nous raconte tous ses succès, chiffres à l’appui, ce qui est un petit peu lassant à la longue. On retient bien évidemment qu’il a vendu des millions de disques et chanté devant autant de personnes. On a droit à des extraits d’une soixantaine de ses chansons les plus populaires, dont Mistral gagnant, consacrée «plus grande chanson de la francophonie».

Renaud sera toujours gêné de son succès et de l’énorme compte en banque qui est venu avec, lui, «le fils raté». «Je me refuse à endosser la parure éblouissante de l’artiste reconnu, de la “star”, comme disent les médias.» Pour se faire pardonner d’être si fortuné, il a multiplié les dons aux organismes sociaux tout en se faisant un devoir de payer ses impôts, en déclarant même plus qu’il n’en faut «de crainte d’être associé à un ­fraudeur».

Il n’a que 54 ans et déjà la Poste française édite un ­timbre à son effigie, il entre dans le Petit Larousse, reçoit le trophée des «Nuits de la presse» pour l’ensemble de son œuvre, une maison d’édition publie tous ses manuscrits (chansons, ­lettres personnelles, premiers poèmes, dessins, etc.) Et trois ­biographies sortent en librairie.

Mais le plus ahurissant dans cette histoire, c’est certainement sa paranoïa développée à l’égard de communistes de l’époque soviéti­que et des communistes cubains. Son délire éthylique lui fait voir des espions partout, qui le suivent à la trace et écoutent ses conversations, même à l’ambassade de France à La Havane, même chez lui à Paris. Une véritable obsession, difficilement explicable, «les communistes me veulent du mal, ils veulent ma mort, sans que je sache ce que j’ai commis pour mériter ce châtiment», sinon qu’il se prend pour le Christ, comme il l’a avoué à un psychiatre.

Bref, une autobiographie remplie de surprises et de beaux moments.

Source : Le Journal de Montréal