No 18, automne-hiver 1995
Spécial Renaud : 20 ans de chansons
En juillet dernier, quand le capitaine Foulquier et ses francofous ont largué les amarres, pour la 11ème édition du festival de l’Atlantique, ils étaient loin de se douter que leur opération « vigie-pirates » allait faire, quelques mois plus tard, des émules bien moins enchanteurs. Qu’à cela ne tienne ! Un vent de liberté soufflait sur le port de La Rochelle, les cales du galion francophone étaient gorgées de trésors musicaux et il y en avait pour tous les goûts : chanson, rock, folk, blues, hip-hop…
Les « jeunes » mousses qui faisaient le voyage pour la première fois n’ont pas déçu : à la Salle bleue, au Carré Amelot, des artistes, comme Pascal Charpentier (Belgique), Les Jean-Dubois (France) ou Linda Lemay (Québec) qui a obtenu le prix du Sentier des Halles, ont fait salle comble. Les autres membres de l’équipage, matelots aguérris ou loups de mer incontournables ont eux aussi mené l’embarcation au firmament de l’allégresse. Comment tous les citer ? Au Magic Mirrors, sur la piste, la fête était de rigueur et des groupes comme Yann et les Abeilles ou Les Voleurs de Poules ne se sont pas privé pour faire rire et danser les étoiles. Au Grand Théâtre, CharlÈlie, génial, offrait un spectacle total (mise en scène et lumières impeccables) en nous rappellant que « le jeu est d’atteindre nos propres limites »; Nino Ferrer ou encore Beau Dommage réussissaient un retour scénique épatant ; Thomas Fersen, aérien, nous insufflait un zéphyr poétique et musical (orchestre classique) de grande qualité ! Sur l’esplanade Saint-Jean-d’Acre, Renaud, ému et émouvant, nous déclamait en vingt-deux chansons de Hexagone à La médaille : « Je vous remercie de m’autoriser à mendier cet amour de 20 ans de chansons. » Le temps d’une escale celte, spectaculaire et saisissante, Tri Yann et Dan ar Braz invitaient les festivaliers-pirates à partager l’amour de leurs terres (peut-être n’auront-ils pourtant pas été appréciés à leur juste valeur par certains membres de l’équipage…); Khaled, Youssou n’dour et Bruel ont uni et réchauffé tous les cœurs dans une version inattendue de Quand les hommes vivront d’amour. Et pour parfaire le tout, le final des ces Francofolies 95 a été couronné par Jacques Higelin qui, une fois de plus, a décontenancé tout son petit monde, en concrétisant un rêve francofou : métamorphosé en Captain Dodécaphonique Dada, le baladin malandrin voguait et souquait à minuit dans les airs à bord de son vaisseau fantôme, avec concerto pour cornes de brumes, coups de canon et feux d’artifices à l’appui, avant de débarquer sur scène pour rejoindre les siens ! Encore une performance qu’on n’est pas prêt d’oublier !
Cécile Prévost-Thomas
Source : Je chante !