« Les Pyrénées, c’est le pays de l’ours »

Le Parisien

Société

Propos recueillis par Vincent Mongaillard
Le 15 avril 2006 à 00h00

RENAUD, 53 ans, chanteur, va parrainer l’un des cinq ours slovènes qui vont être réintroduits en France

Le chanteur défend la réimplémentation des plantigrades dans les Pyrénées car il se définit comme « un défenseur de tout ce qui est vivant et libre ».
(PHOTO PQR/« LE DAUPHINÉ LIBÉRÉ » / S. MUSCIO)

ON LE SAVAIT, pêle-mêle, antiraciste, antimilitariste, antinucléaire, anticapitaliste, anti-« miss Maggie » Thatcher… On le connaissait sincèrement humaniste, toujours aux côtés des opprimés, des SDF, des Ethiopiens victimes de la famine, de la Bosnie assiégée ou de l’otage en Colombie Ingrid Betancourt. On le découvre (ardent) défenseur de la cause animale, et en particulier des ours bruns. Le chanteur engagé Renaud a accepté d’être le parrain du premier des cinq plantigrades qui doivent être capturés en Slovénie (lire l’encadré) avant d’être relâchés, ces prochaines semaines, dans les forêts de quatre villages des Pyrénées. L’artiste écolo aux santiags nous explique pourquoi.

Pourquoi parrainer un ours réintroduit en France ?

Renaud. Parce que je suis un défenseur de tout ce qui est vivant et libre, des hommes comme des animaux. Aragon disait : « Tout ce qui est humain est mien. » Moi, mon credo, c’est : « Tout ce qui est vivant est mien. » Je suis désespéré à l’idée que les générations futures puissent habiter dans un monde sans ours, ni loups, ni baleines, ni bébés phoques, exterminés par l’homme en quête de profits, suite à la surexploitation des forêts ou des océans ou au bétonnage à outrance. Mon engagement pour l’ours n’est pas nouveau. Il remonte à une vingtaine d’années, au moment où le projet de construction du tunnel du Somport est né. Ce chantier a défiguré la vallée d’Aspe dans le Béarn, un paradis sur terre qui, autrefois, était peuplé de ces bêtes sauvages. Les Pyrénées, c’est le pays de l’ours. J’ai également été très touché par la mort de l’ourse Cannelle en 2004, tuée par un chasseur qui s’est dit pris de panique. Pour moi, c’était un crime contre « l’animalité », contre la vie.

Le sort malheureux de Cannelle inspire-t-il l’artiste ?

Oui, en partie. Dans mon prochain album, j’ai une chanson intitulée « Rouge sang » qui parle de la souffrance animale. Je suis peut-être cul-cul, sensible, fleur bleue. Mais, un peu comme Idéfix, le chien d’Obélix, je déteste qu’on touche à la nature. Je pleure, comme lui, quand on arrache un arbre, je saigne quand on tue un animal, je meurs quand on assassine un homme.

Avez-vous déjà observé l’ours brun de près ?

Jamais, mis à part dans les zoos ou dans les cours d’immeuble de mon enfance dans les années 1950, lorsque des montreurs d’ours venaient quêter, accompagnés souvent d’un violon tsigane. Je préfère le savoir en liberté, loin des regards des humains et, tant qu’à faire, loin des cirques et des zoos.

Serez-vous dans le village d’Arbas, en Haute-Garonne, lors du premier lâcher dans une dizaine de jours ?

Dès que la date exacte sera connue, je ferai tout pour prendre un avion et répondre présent. Après les exactions commises par les ennemis de l’ours, je veux manifester mon amour pour cette espèce en voie d’extinction et faire profiter de ma petite popularité à ceux qui veulent la sauver.

Comprenez-vous la colère de certains bergers qui craignent pour leurs troupeaux et pour leur vie ?

Aujourd’hui, les attaques d’ours représentent moins de 1 % des pertes de brebis dans les Pyrénées. Les chiens errants, la foudre et les maladies font bien plus de dégâts. N’oublions pas, non plus, qu’en cas d’agressions de plantigrades les éleveurs reçoivent des indemnités. Je respecte les éleveurs et les bergers, qui exercent un noble métier. Mais je regrette qu’ils mettent leurs difficultés économiques actuelles sur le dos de l’animal. Quant aux attaques d’humains par l’ours, la dernière en France remonte à 1850 !

« Si c’est une femelle, je la baptiserai Romane, comme mon épouse »

Comment réconcilier les bergers et les ours ?

Cela relève de décisions politiques. Je constate simplement que la concertation est mal barrée. Il y a quelques jours, un commando d’éleveurs et d’élus hystériques a saccagé la mairie d’Arbas, commune dans laquelle se trouve le siège de l’association Adet-pays de l’ours, puis a brûlé la statue d’un ours réalisée par un sculpteur. C’était d’une rare violence. Des enfants ont été traumatisés, un vieillard blessé…

Quel prénom donneriez-vous à l’ours que vous allez parrainer ?

Si c’est une femelle, je la baptiserai Romane, comme mon épouse. Si c’est un mâle, j’opterais pour Malone, le prénom de notre enfant qui doit naître en juillet prochain.

Renaud est-il écolo ?

Depuis vingt ans, j’ai toujours voté vert au premier tour des élections présidentielles. J’ai constamment soutenu les combats des organisations Greenpeace ou Robin des bois. Je défends les ours, les baleines et les bébés phoques. Je suis dans le comité d’honneur de deux associations anticorrida… Mais je ne suis pas un être pur ! Il m’arrive de pêcher à la mouche une ou deux truites par an… que je remets vivantes à l’eau.


Les piégeages commencent aujourd’hui en Slovénie

LA CHASSE aux ours Slovènes a débuté. Dès aujourd’hui, des traqueurs vont se lancer sur la piste des première plantigrades sortis d’hibernation dans ce petit pays d’Europe centrale, avec l’objectif de capturer cinq spécimens, dont quatre femelles. « Dès qu’il y en aura un de pris, on lui fera passer des tests sanitaires et vingt-quatre heures après, il se trouvera en France ». explique un porte-parole du ministère de l’Ecologie.

Celui-ci souligne que l’animal capturé voyagera « dans un camion climatisé, avec toutes les normes de sécurité pour qu’il y soit bien et qu’il ne se cogne pas ». Les captifs se verront ensuite relâchés sur le territoire de quatre communes des Pyrénées : Arbas, Butgalays, Bagnères-de-Luchon (Haute-Garonne) et Bagnères-de-Bigorre (Hautes-Pyrénées). Les amis des ours comptent sur une acclimatation rapide et surtout sur des idylles avec les ursidés présents sur place afin d’enrayer le déclin de la population locale, estimée à moins d’une vingtaine d’individus.

Cette réintroduction se déroulera pourtant dans un climat tendu. Plusieurs collectivités territoriales et fédération d’éleveurs ont déposé mardi des recoure administratifs.

Michel Valentin

 

Source : Le Parisien (ici et ici)