Les Victoires de la musique 2003

RFI Musique

La cérémonie 2003 des Victoires de la Musique, marquée par les discours anti-guerre, fut un savant équilibre entre grands retours (Renaud, Indochine, Christophe) et arrivage frais (Vincent Delerm, Carla Bruni, Bénabar,…). Mais le déroulement de la soirée reste toujours aussi laborieux…

Vétérans et petits nouveaux.

La cérémonie 2003 des Victoires de la Musique, marquée par les discours anti-guerre, fut un savant équilibre entre grands retours (Renaud, Indochine, Christophe) et arrivage frais (Vincent Delerm, Carla Bruni, Bénabar,…). Mais le déroulement de la soirée reste toujours aussi laborieux…

Après des années de cérémonies des Victoires de la Musique presque anti-musicales tant le manque d’énergie et d’entrain ont souvent plombé ce qui chaque fois devrait pourtant être une joyeuse fiesta, on pensait que l’arrivée du tout jeune et tout nouveau président de l’association des Victoires, Christophe Lameignère, 40 ans, patron du label Zomba Records (Bénabar, Priscilla, Britney Spears), apporterait son lot d’idées neuves. Certes, il a commencé par quelques manœuvres de fond : faire le ménage dans le collège des votants, passé du coup de 2700 à 1320 et supprimer quelques prix annexes, site internet, musique pour enfants (à tort peut-être) ou cette année, le R’n’B dont la production 2003, selon Lameignère, n’était pas vraiment représentative. Mais l’association des Victoires de la Musique a aussi tenté, en vain, en début d’année de faire légèrement différer la retransmission télévisée de la soirée, ce que certains professionnels ont pris pour une volonté de censurer les discours « subversifs » façon Noir Désir ou Aston Villa à l’encontre de leur maison de disques l’an passé.

On attendait donc Lameignère sur le terrain le plus tangible : la cérémonie. C’est vrai, elle a duré une bonne demi-heure de moins que l’an passé mais l’animation, aux mains certes expérimentées mais peu fantaisistes de Jean-Luc Delarue et Miche Drucker, est un point faible. On rêve d’une animation endiablée et cultivée façon Philippe Manoeuvre/Jean-Pierre Dionnet à la grande époque de l’émission culte Les Enfants du rock !…

Le bon point de cette année est la place de choix faite aux jeunes talents, en privilégiant les auteurs compositeurs : Bénabar, Carla Bruni, Vincent Delerm, Sanseverino ou Calogero. Comme un grand cri pour dire « la chanson est bien vivante ! » face aux deux dernières années marquées par le triomphe arrogant de la chanson en kit. Pour eux, dont d’ailleurs Jenifer fruit de la de la Star Academy 2001 (souci d’équilibre des organisateurs ou réel choix des votants ?…), trois prix : groupe ou artiste révélation, groupe ou artiste scène révélation et album révélation.

La Révélation scène va à Sanseverino, à juste titre (face à Bénabar, Calogero et Vincent Delerm). Révélation à… 40 ans, Stéphane Sanseverino a mis vingt ans avant de se faire un nom en démarrant batteur de Jeanne Mas ou chanteur de rue. Il dédie ce prix à François Béranger. La Victoire de l’Album révélation va tout aussi logiquement à Vincent Delerm, venu chercher le trophée, dubitatif et incrédule. Ce fils d’écrivain et auteur d’un mémoire sur François Truffaut était opposé à Carla Bruni qui l’aurait tout autant mérité, à Calogero et, plus curieusement, à Jenifer, qui contrairement aux autres, n’a pas écrit une note de son disque. Enfin, c’est la Québécoise Natasha St Pier qui remporte la Victoire de l’artiste révélation en dépit de sa discographie déjà riche de quatre albums ! Pourquoi ne pas réserver cette catégorie aux seuls premiers disques ?

Après trois nominations ratées, l’autre Québécoise du jour, Lynda Lemay, est enfin élue Artiste féminine de l’année (contre Keren Ann, Axelle Red et Catherine Ringer pour les Rita Mitsouko) et remercie « toute la gang » qui travaille avec elle. Indochine continue sa résurrection en empochant la Victoire de l’album pop/rock pour Paradize (Sony Columbia), écoulé à plus de 800.000 copies. Face à Nicola Sirkis, de grands noms pourtant : Bashung, Rita Mitsouko et Arno (dont le chaotique passage live a un peu bousculé le train-train de la soirée). Mais la Victoire d’Indochine récompense aussi la persévérance d’un groupe souvent raillé et enterré.

Autre grand retour récompensé, celui de Christophe, rock star hexagonale s’il en est. Cultivant un humour flegmatique irrésistible, il est venu chercher, d’un pas lent, sa Victoire du Concert de l’année pour son magnifique spectacle mêlant habilement anciens et nouveaux titres dans une homogénéité visuelle et musicale sublime

L’Ivoirien Tiken Jah Fakoly reçoit ex-aequo la Victoire reggae/ragga/world (ah, à ces intitulés fourre tout…) pour Francafrique (Barclay) avec les Corses de I Muvrini pour Umani (Sony). On peut regretter ce prix, bizarrement ex-aequo, pour une chose : les mots brefs et concrets de Tiken Jah Fakoly sur le malaise des jeunes Ivoiriens face à l’attitude française dans la crise que vit son pays se sont un peu perdus dans le discours abscons et longuet de Jean-François Bernardini, leader d’I Muvrini. En revanche la performance live de l’Africain fut, et de loin, une des plus réussies de la soirée.

Doc Gynéco reçoit la Victoire rap/hip hop. Lady Laistee aurait fait une gagnante peut-être plus crédible. En revanche, les Gotan Project et leur tango électro semblaient évidents pour la Victoire musiques électroniques/techno/dance.

La Victoire d’honneur 2003 est remise à Serge Reggiani, 80 ans, objet d’honneurs soudains, mais justifiés, en l’espace de quelques mois : album hommage (Autour de Reggiani, Tréma), une décoration des mains du président de la République, l’annonce d’un retour sur scène en mars et ce prix. Pourquoi pas tout ça il y a 10 ans ou 20 ans ?…

Enfin, héros du jour, Renaud, que les Victoires avaient quasiment enterré il y a deux ans par un prix similaire à celui de Reggiani, a aussi logiquement remporté la Victoire de l’artiste interprète masculin et de l’album chansons/variétés pour Boucan d’enfer (Virgin), carton discographique qui prouve, s’il est encore nécessaire l’immense popularité du créateur de Mistral gagnant. « Une Victoire contre la dépression et l’alcool » a-t-il lancé, ovationné par tout un Zénith sous l’œil de sa fille Lolita et de son épouse Dominique. Il repart aussi avec la Victoire de la Chanson originale de l’année pour Manhattan-Kaboul en duo avec la Belge Axelle Red : « Ma chouchoute des chanteuses francophones » confesse le chanteur en rajoutant qu’il ne souhaite pas transformer cette chanson en Manhattan-Bagdad

Tous les résultats :

– Le groupe ou l’artiste révélation de l’année : Natasha St-Pier.
– Le groupe ou l’artiste révélation scène de l’année : Sanseverino.
– L’album révélation de l’année : Vincent Delerm/Vincent Delerm (Tôt ou Tard).
– Le groupe ou l’artiste interprète masculin de l’année : Renaud.
– Le groupe ou l’artiste interprète féminine de l’année : Lynda Lemay
– L’album de chansons/variétés de l’année : Boucan d’enfer/Renaud (Virgin).
– L’album pop/rock de l’année : Paradize/Indochine (Sony/Columbia).
– L’album rap/hip-hop de l’année : Solitaire/Doc Gynéco (Virgin).
– L’album reggae/ragga/world de l’année : Umani/I Muvrini (EMI) et Francafrique/Tiken Jah Fakoly (Barclay).
– L’album de musiques électroniques/techno/dance de l’année : La revancha del tango/Gotan Project (Ya Basta/Barclay).
– La chanson originale de l’année : Manhattan Kaboul/Renaud et Axelle Red (Virgin).
– Le spectacle musical/la tournée/le concert de l’année : Christophe à l’Olympia (Live, Mercury).
– Le vidéo-clip de l’année : Tournent les violons de Jean-Jacques Goldman (réalisation Yannick Saillet)

Par : Catherine  Pouplain-Pédron

  

Source : RFI Musique