Les Victoires de Renaud

La Voix du Nord

Le 17 février 2003
Par Anne Courtel

Musique

Les dix-huitièmes trophées ont été remis hier soir

MUSICIENS et réalisateurs avaient espéré que la musique adoucisse les mœurs de George Bush et épargne la soirée des Victoires de la musique. Le président américain n’a sans doute pas entendu leur sérénade, mais n’a pas déclaré la guerre à l’Irak. Les Victoires pouvaient avoir lieu en direct du Zénith de Paris. Et ultime symbole de paix, la cérémonie s’est ouverte avec Axelle Red et Renaud pour Manhattan Kaboul. Renaud, veste rouge sang, a, dès les premières minutes, souhaité « n’avoir pas à écrire Manhattan Bagdad ». Deux heures plus tard, le duo est remonté sur scène pour recevoir la Victoire de la meilleure chanson de l’année. « On peut être fiers que la France et la Belgique soient les premiers à s’opposer à la guerre », a souligné la chanteuse belge.

Mais l’Hexagone en a pris aussi pour son grade avec Tiken Jah Fakoly. Le chanteur ivoirien, victoire de l’album world avec les omniprésents I Muvrini, a expliqué pourquoi l’Afrique allait mal. « Nous, Africains, quand on se réveille et qu’on voit les bases françaises après quarante ans d’indépendance, on a la haine. On demande maintenant l’indépendance complète. » Enfin, pour boucler un tour du monde qui souffre, Gotan Project (meilleur album de musique électronique) a mis à l’honneur le tango argentin. Un « Boucan d’enfer »

Renaud, sans voix pendant deux ans, a su retrouver inspiration et succès. Renaud, le pacifiste, a su mener le combat face à Hallyday, Bruel… décrochant les Victoires de chanson, d’artiste et d’album de l’année, avec Boucan d’enfer. « Celle-là, c’est la plus belle victoire, une victoire sur la dépression et l’alcool », a souligné docteur Renaud, délaissant mister Renard. L’accent québécois a également été à l’honneur. Natasha Saint-Pier a eu la préférence du public comme révélation de l’année. Lynda Lemay a décroché la Victoire de l’interprète féminine de l’année. Emue, elle s’est lancée dans une série de remerciements de son producteur à ses éclairagistes. De quoi donner un peu de baume au cœur des intermittents du spectacle. Loin des anciennes prises de paroles inattendues, la télévision leur accorde, lors de cette cérémonie, une tribune de deux minutes. Leur porte-parole a rappelé la menace qui pesait sur le spectacle vivant avec la modification de leurs cotisations et la baisse du budget de la Culture. Et alors qu’il recevait la Victoire de la révélation scénique, Sanseverino a rappelé que, sans les petites salles, il n’en serait sans doute pas là. Vincent Delerm, album révélation, ne pouvait penser le contraire. Tout comme Indochine, choix peu aventurier de la catégorie album rock, qui depuis vingt ans écume scènes et salles et a donné une prestation scénique énergique. Moins colorée que celle de Doc Gynéco (album rap qui a préféré se lancer dans un zouk !) et moins drôle que celle d’Arno. L’Ostendais, phénomène scénique intimidé par les caméras, a interrompu sa Lola pour mieux recommencer.

Alors, la cérémonie des Victoires, sans être forcément audacieuse, a montré que la musique live avait du talent.

Anne COUREL

  

Source : Le HLM des fans de Renaud