L’île à la tête de Maure

Charlie Hebdo

N° 27, 30 décembre 1992

Renaud : Bille en tête

qui nous a donné Napoléon, Tino Rossi et Charles Pasqua

Géographiquement à l’opposé du Nord-Pas-de-Calais se trouve la Corse-encore-moins-Calais. La Corse est une île en forme de gant de toilette avec une espèce de doigt en haut à gauche, un petit peu dans le cul de la France, mais pas trop. Si sa forme est somme toute assez grotesque, la Corse a un fond gentil. D’ailleurs, ne dit-on pas « gentil comme un Corse » ? Non ? Ah, bon…

La Corse est peuplée d’individus pas franchement antipathiques mais un peu italiens quand même. Sauf que si l’Italien moyen est plutôt séducteur malgré sa petite bite, le Corse moyen est plutôt timide et réservé malgré son grand couteau. Quand on arrive en Corse et que l’on veut expliquer d’où l’on vient, on a souvent tendance à dire : « de France ». C’est très maladroit. Le Corse moyen vous répond invariablement : « Ah ! vous venez du continent… » Car on oublie parfois que la Corse est française. Elle l’est depuis que l’Italie nous l’a vendue, il y a au moins plusieurs siècles, très cher, on s’est fait avoir, mais bon… Aussi, quand on quitte la Corse, on fait bien attention cette fois, et on dit : « Bon, ben, merci pour tout, je retourne sur le continent… ». Le Corse moyen vous répond alors : « C’est ça, casse-toi… »

Comme Corses célèbres, nous avons à peu près Napoléon, qui est mort à Sainte-Hélène, son fils Léon, qui lui a crevé l’bidon, et Tino Rossi. Sinon, j’ai beau chercher, même chez les coureurs cyclistes, je vois pas. Peut-être Alan Stivell, mais je le jurerais pas. Les principales villes de Corse sont : Ajaccio, Porto-Vecchio et Propriano. Il y a aussi Calvo, qui est très jolo, avec sa garnison de légionnaires qui sentent bon le reblochon et son bistrot « Chez Tao » immortalisé par Jacques Higelin dans une chanson très belle – Jacquot, si tu lis ces lignes, je te souhaite une bonne année, mon poto. Toutes ces villes sont situées au bord de l’eau, car, en Corse, tout est au bord de l’eau. Les plages, les rivières, les digues, les ports, mais aussi les campings, les hôtels, les maisons Phénix-Merlin-Bouygues, les Canadair et les Casanis. Dès qu’un Corse s’éloigne de l’eau, il devient berger-incendiaire ou pompier-pyromane. Les mauvaises langues affirment même que la Corse n’est pas une île, mais un incendie entouré d’eau. C’est largement exagéré. La Corse, de ce côté-là, n’a rien à envier à la Provence ou à la Côte d’Azur, par exemple. D’ailleurs, si Jacques Dutronc a choisi la Corse pour résidence secondaire ce n’est pas pour rien, quand on sait le paquet de cons qui ont choisi la Côte. Pour ce qui est des spécialités culinaires corses, eh bien ! nous avons la polenta à la farine de châtaigne, sur laquelle nous ne nous attarderons pas, et la pizza « quatre saisons », qui marche très bien l’été. Pour les vins, nous vous conseillons la « Cuveta di u patronu » en pichet, dont certains amateurs prétendent qu’elle pourrait être faite avec du raisin.

Toute médaille ayant son revers, comme le disait si bien le docteur Garretta le jour où il recevit sa Légion d’honneur, la Corse est frappée de deux plaies qui nuisent sensiblement à sa réputation : le terrorisme et le banditisme. Gardons-nous de confondre le premier avec le second : le terroriste assassine un gendarme de-ci de-là ou dynamite un lotissement car il veut préserver l’identité de son pays. Le bandit assassine un gendarme ou dynamite une boîte de nuit car il veut préserver l’identité de sa sœur. La différence est énorme, sauf, peut-être, pour les petits Bretons orphelins dont le papa venait tout juste d’être muté à la gendarmerie du bord de l’eau, près de Bastio.

 

  

Sources : HLM des Fans de Renaud