Malgré son chant réduit à sa plus simple expression, l’interprète cabossé de « Mistral Gagnant » a été porté par une salle en adoration, ce lundi soir, au théâtre Sébastopol.
Lumière dans le dos, il apparaît d’abord comme une immense silhouette. L’ombre de Renaud. La scène s’éclaire. C’est lui, en veste noire sur marinière, et cette tignasse reconnaissable entre mille. Et puis il se met à chanter. L’ombre d’un chant. Un filet de voix, un chuintement rauque, presque un râle. Pendant de longues minutes, on ne distingue pas un traître mot. Il constate : « Ma voix est pourrie. » Demande pour la forme : « Vous vous en foutez ? » Pardi, qu’ils s’en foutent. Ils l’aiment.
Un concert ne se mesure pas toujours à la prestation de l’interprète. Celle de Renaud, ce lundi soir, a de quoi serrer le cœur de ceux qui espéraient renouer avec un pote d’enfance perdu de vue, et retrouvent un monsieur fatigué, les traits figés, la démarche hésitante. Il parle peu. Plus d’une fois, on craint qu’il ne tombe.
Mais on ne tombe pas quand un millier de personnes vous entourent de leurs bras. Le Sébasto communie, il porte et soulève Renaud, c’est un bloc de tendresse et de gratitude, un chœur battant, gorges déployées et peut-être un peu nouées, volontiers ceintes du bandana rouge distinctif, qui ensemble défient le temps assassin pour raviver les belles heures de Manu, Germaine, En cloque, Son bleu, Mistral gagnant ou Morgane de toi. Il passe, alors, une émotion puissante, de celles qui se refuseront toujours aux spectacles plus calibrés, de celles qui fondent les souvenirs qui survivront.
Dernières représentations au Sébasto mardi et mercredi. Dates supplémentaires au Nouveau Siècle les 21 et 22 septembre 2023.