Résident à l’année de la Venise du Comtat, l’artiste souffle ses 70 bougies aujourd’hui. L’auteur de « Mistral gagnant » vient de sortir un album de reprises, « Métèque »
Pour une multitude de VIP-à-carte Gold, les monts de Vaucluse et le Luberon demeurent un refuge exclusivement estival. Une horloge molle à la Dali, greffée au soleil de leur quiétude, laquelle est censée compenser l’agitation circonflexe de la capitale le reste du temps.
Laisse pas béton les nouvelles chansons !
Pour Renaud Séchan, rien de tout cela. Il s’agit stricto sensu de son « Home sweet home ». Le chanteur aux vingt millions de disques écoulés vit, depuis des années, à L’Isle-sur-la-Sorgue, du côté du quartier Saint-Antoine. Il ne se cache pas le moins du monde, et est pleinement intégré au quotidien de ses 19 000 « voisins ». Ici bas, il feuillette « La Provence », accueille ses fans avec bienveillance, reçoit ses comparses dorénavant amarrés au 84 : Fabien Marsaud alias Grand Corps Malade (qui réside aux beaux jours à Velleron) et bien sûr, le « frère » Bruno Nicolini, alias Bénabar, qui, lui, réside la moitié de l’année à Gordes. Récemment, le duo Renaud-Bénabar a d’ailleurs célébré, avec faste, le restaurant de Cabrières d’Avignon « U stazzu di machja » dans la chanson Chez les corses. On ne sait pas si Renaud a pu depuis perfectionner sa relation peu fusionnelle au cochonnet sur le terrain de pétanque de Bénabar, mais il y a quelques années, l’auteur de la chanson préférée des Français, Mistral gagnant (sondage BVA-Doméo de 2015), nous avait déclaré cette phrase on vous l’accorde essentielle : « je suis nul en pétanque, je ne sais pas tirer, je pointe très mal ».
Renaud et L’Isle-sur-la- Sorgue, ce n’est pas une idylle fraîche émoulue. Enfant, déjà, dans les années 1950-60, ce titi parisien descendait avec ses parents dans la Venise du Comtat venaissin pour rendre visite à sa tante et son oncle, médecin de la commune. Un docteur atypique qui se faisait notamment payer en jolis cailloux pour ensuite les disposer dans son jardin ! Une autre époque, où Renaud retrouvait ses cousins, et se baignait alors dans la Sorgue sur… des chambres à air de tracteurs.
Pour la petite histoire, la tante de Renaud, obstétricienne de son état, mis au monde la fille cachée de François Mitterrand, Mazarine Pingeot, en 1974 à Avignon. En résumé, sa tata oeuvra pour celui qu’il appellera plus tard « Tonton ».
Adulte, l’artiste reviendra chaque été dans la capitale de la brocante avec sa première épouse, Dominique, et leur fille Lolita. Tout comme les VIP susnommés. Ainsi, très longtemps, la maison l’isloise de sa tante, qu’il a entre-temps rachetée, et agrandie, restera son bout de Provence dont il arpentait les lacets de bitume avec sa fameuse 2 CV, qu’il se fera d’ailleurs dérober à L’Isle-sur-la-Sorgue en 2012. Mais il y a plus de dix ans maintenant, Renaud s’est posé en terres vauclusiennes de manière quasi permanente. Ces rives au vert émeraude, dans une eau à 13 degrés toute l’année, qui lui inspirèrent plusieurs chansons, L’aquarium, Fanny de la Sorgue mais surtout La pêche à la ligne, dans laquelle il lançait : « j’emmènerai dimanche, si je peux la gamine/S’emmêler dans les branches à la pêche à la ligne ».
« Métèque », son album de reprises, est sorti vendredi dernier. Maintenant, on attend surtout qu’il ne laisse pas béton des chansons inédites dont il a le secret, et en oubliant, il va de soi, l’écueil Coronasong…
Le commentaire du patron du restaurant « Le bouchon », cantine de l’artiste : « Chez moi, il est un peu chez lui »Joint hier, Robert Domenech, patron du restaurant « Le bouchon » (quai Jaurès), le confirme : « oui oui, Renaud est toujours l’un de mes plus fidèles clients. On se connaît depuis 1985 et chez moi il est un peu chez lui » admet le restaurateur l’islois qui, désormais ne sert à son ami que de la Bitter San Pellegrino, foi de phénix qui tient à rester « Toujours debout ». Devant « Le bouchon », on croise toujours des fans de Renaud émus aux larmes, venus de la France entière pour rencontrer le messie, inlassablement attablé en terrasse. S’il a refait la déco de son établissement à la gloire de Renaud, Robert Domenech a un rôle autrement prépondérant : celui de boîte postale du chanteur ! Chaque jour, son restaurant reçoit ainsi lettres ou colis destinés à l’artiste. Il y a les cadeaux farfelus envoyés par les groupies, du foie gras, des marionnettes (avec foulard rouge) représentant le chanteur, voire une lampe en bouchons de liège (et ce n’est pas de l’humour belge). Virginie, une Française exilée aux États-Unis, qui avait rencontré Renaud à L’Isle-sur-la-Sorgue, a adressé au Bouchon une boucle de ceinture en métal représentant la statue de la Liberté. Moins drôle, « un jour, on a reçu une lettre avec un RIB, la personne demandait à Renaud de lui donner 5 000 €. » Le revers de la médaille. |
Le témoignage du maire Pierre Gonzalves : « Il vit ici normalement, en toute discrétion »Le maire de L’Isle-sur-la Sorgue, Pierre Gonzalvez, connaît Renaud, l’un de ses 19 000 administrés, depuis une quinzaine d’années. Le coprésident de l’association des maires de Vaucluse se pique un fou rire quand on lui demande, avec force ironie, s’il a prévu une célébration pour les 70 bougies de l’artiste en ce 11 mai. « Non, ce n’est pas l’objet » répond le premier magistrat l’islois. « D’ailleurs, ça ne correspondrait pas à sa personnalité. Renaud est quelqu’un de simple, humble, qui vit normalement ici, en toute discrétion. C’est un citoyen de toujours, sa vie est intimement liée à L’Isle-sur-la-Sorgue et nos habitants ont un attachement, une affection réelle pour lui. Il connaît parfaitement ce qui fait l’identité de la commune, c’est-à-dire la rivière. Il a même écrit des chansons comme La pêche à la ligne, et a pratiqué notre barque traditionnelle, le Nego Chin. La mairie ne le sollicite jamais en tant qu’ambassadeur car sa personnalité s’impose d’elle-même. » |
Source : La Provence