L’ovation faite à Renaud

La Nouvelle République du Centre-Ouest

Le 12 avril 2003
Par Bruno Mascle

Qu’importent les kilos en trop et la voix patinée au Ricard. Jeudi soir, les 5000 spectateurs de la bulle de Belle-Isle ont fait un véritable triomphe au renard redevenu Renaud.

Avant, Renaud était grand. Aujourd’hui, il est gros. Avant, Renaud chantait mal. Aujourd’hui il chante comme une casserole qu’aurait été élevée à Saint-Benoît-du-Sault. Qu’importe. Depuis jeudi soir et ce concert événement organisé à Belle-Isle, la preuve est définitivement faite que l’amour se fout des modes, de l’apparence, des accidents de la vie et du temps qui passe. 5000 spectateurs en manque ont fait un véritable triomphe à celui que l’on croyait à jamais noyé dans son océan de Ricard. Un joli moment de bonheur collectif. Bien loin des modes sandwiches – deux tranches de Jennifer, un morceau de Nolween – qui sont à la chanson française ce que le fast food est à la cuisine à Nonnet…

On l’aime, ce gars-là. Dès son entrée en scène, le ton est donné. Le premier rang est composé de minettes qui ne devaient même pas être nées quand le renard traînait le bout de sa queue dans les MJC de banlieue. Mais les jeunettes connaissent les paroles aussi bien que les vieux qui ont pris place sur les gradins au fond de la salle. L’ovation est énorme. « Digne du stade vélodrome. Mais vous, les Castelroussins, vous êtes invités à pas trop la ramener, avec votre équipe de deuxième division… » On se marre. Parce qu’on est venu pour ça.

Vivant

Pendant près de 2h30, le Renaud va nous réciter la gamme de ses plus grands succès. On l’a dit, la voix est plutôt mal assurée et les musiciens ont quelquefois du mal à suivre le mouvement. Mais le plaisir, comme les canards, est dans le pré. Germaine, Manu, la Lolita et la Dominique qui « vient justement de le larguer », sont évoquées avec la même passion. La foule, complice allume les briquets, reprend en cœur les différents couplets.

A s’asseoir sur le banc avec lui, on en oublierait presque les grosses cernes et la surcharge pondérale qui empêchent l’artiste de se mouvoir avec l’aisance qui était la sienne voilà une vingtaine d’années. Mais les excès et la vieillesse qui pointe le bout de son nez, nous aussi on connaît. Impossible de lui en vouloir. L’important, c’est qu’il soit vivant.

Vivant et heureux de l’être, Renaud allume clope sur clope, chambre gentiment ses musiciens. Il invite même Jean-François Berger, dit Tintin, à faire un petit coucou à sa maman. Normal. La maman est dans la salle puisque le fameux Tintin est Castelroussin. Il paraît que celui qui joue du synthé et de l’accordéon a écumé les bals du Berry avant de monter à la capitale…

22h30. Faut déjà se quitter. On finit avec « le Bistrot des copains ». Renaud y parle de tous ceux qu’il a aimés et qui sont déjà partis. Brel, Brassens, Ferré, Lapointe, Baudelaire, Villon. Des cadors qui, eux aussi, n’aimaient les canons qu’à la seule condition qu’ils soient remplis de rouge. Au fait, Renaud ne boit plus. Et il a promis de chanter encore une cinquantaine d’années. « J’ai cent ans, et je suis bien content. » Jeudi soir, nous aussi.

  

Source : HLM des Fans de Renaud