Ma gonzesse
Ma gonzesse est le troisième album de Renaud, sorti en janvier 1979 sous le label Polydor.
Voici les pochettes des 45 tours extraits de l’album :
Pour vous le procurer, c’est par ici !
L’accordéoniste sur cet album est Marcel Azzola qui a entre autres accompagné Jacques Brel. Il est réalisé par Jacques Bedos, tandis que les arrangements et l’orchestration de l’album sont assurés par J.C. Déquéant et Pascal Stive.
Les musiciens jouant sur cet album sont les suivants (hormis Renaud et Marcel Azzola, il s’agit en fait du groupe Oze) : Renaud (chant), Jean-Luc Guillard (batterie), Michel Galliot (basse), José Perez (pedal steel guitare, mandoline, flûte, chœurs), Khaled Malki (clavier, flûte, percussions), Mourad Malki (guitares, banjo et chœurs) et Marcel Azzola (accordéon).
1. Ma gonzesse
(Paroles de Renaud Séchan, musique d’Alain Brice)
Malgré le blouson clouté
sur mes épaules de velours,
j’aim’rai bien parfois chanter
autre chose que la zone,
un genr’ de chanson d’amour
pour ma p’tite amazone,
pour cel le qui, tous les jours,
partage mon cassoulet.
Ma gonzesse,celle que j’suis avec.
Ma princesse,
Celle que j’suis son mec.
Faut dire qu’elle mérite bien
qu’j’y consacre une chanson,
vu que j’suis amoureux d’elle,
un peu comme dans les films
où y’a tout plein de violons
quand le héros y meurt
dans les bras d’une infirmière qu’est très belle et qui pleure.
Et puis elle est balancée
un peu comme un Maillol.
Tu sais bien les statues
du jardin des Tuileries
qui, hiver comme été,
exhibent leurs guibolles
et se gèlent le cul,
et le reste aussi.
Ma gonzesse
celle que j’suis avec.
Ma princesse,
Celle que j’suis son mec.
Puis faut dire qu’elle a les yeux,
tellement qui sont beaux
on dirait bien qu’ils sont bleus,
on dirait des calots.
Parfois quand elle me regarde,
j’imagin’ des tas d’choses
que je réalise plus tard
quand on s’retrouv’ tout seuls.
Si tu m’dis qu’elle est moche,
qu’tu y manques de respect,
je t’allonge une avoine
ça s’ra pas du cinoche.
Mais si tu m’dis qu’elle est belle,
comme je suis très jaloux,
je t’éclate la cervelle.
Il faut rien dire du tout
de ma gonzesse,
celle que j’suis avec.
Ma princesse,
Celle que j’suis son mec.
J’aimerais bien, un d’ces jours,
lui coller un marmot.
Ah ouais un vrai qui chiale et tout
et qu’a tout l’temps les crocs.
Elle aussi elle aimerait ça,
mais c’est pas possible.
Son mari, y veut pas.
Y dit qu’on est trop jeune.
Ma gonzesse,
celle que j’suis avec.
Ma princesse,
Celle que j’suis son mec.
2. Sans dec’
(Renaud Séchan)
J’ai un pote qu’est plein d’fric,
il est musicien,
y joue d’la guitare électrique
Avec moi sur scène.
Quand il joue trop fort il fait du larsen
alors j’lui dis « tu fais du larsen rupin »
Sans déc’,
j’vous jure qu’c’est vrai les mecs.
Croix de bois croix de fer,
si j’mens j’vais en enfer.
Les mecs qui disent qu’j’suis nésur un camion citerne
parce que j’ai les jambes arquées,
et il paraît qu’ça s’voit,
j’vais t’dire c’est des conneries
parc’ que le camion, en fait,
il était pas si terne que ça.
Sans déc’,
j’vous jure qu’c’est vrai les mecs.
Jambe de bois paille de fer,
Si j’mens j’vais en enfer.
L’autre jour je m’réveille avec la gueule de bois,
j’avais une sale tronche et les yeux cernés.
J’ai regardé mes yeux et j’leur ai dit comme ça :
« Allez rendez-vous, vous êtes cernés. »
Sans déc’
J’vous jure qu’c’est vrai, les mecs.
Cheval de bois rideau d’fer,
Si j’mens j’vais en enfer.
Il paraîtrait qu’un mec qui s’décolore les ch’veux,
il a l’air d’un travelo et c’est ridicule.
Il paraît qu’les travelots quand on avance ils reculent.
Je trouve ça normal les travelos de r’cul.
Sans déc’
J’vous jure qu’c’est vrai les mecs
Gueule de bois chemin de fer,
si j’mens j’vais en enfer.
Avec mon frère jumeau on s’ressemble vachement,
Mais faut dire que d’nous deux
c’est lui le plus ressemblant
L’jour d’notre naissance, deux scarabées sont morts,
dès qu’un enfant rentre dans la vie,
un vieillard en sort.
Sans déc’,
j’vous jure qu’c’est vrai les mecs.
Paul Préboist Gaston Defferre,
Si j’mens, j’vais en enfer.
Sans déc’,
J’vous jure qu’c’est vrai, les mecs.
Robin des bois Rochereau-Denfert.
Si j’mens, j’vais en enfer.
Sans déc’,
J’vous jure qu’c’est vrai, les mecs.
Dans la vie faut pas s’en faire,
Si j’mens j’vais en enfer.
Sans déc’,
J’vous jure qu’c’est vrai, les mecs.
On a beau dire, on a beau faire,
Si j’mens j’vais en enfer.
Sans déc’,
J’vous jure qu’c’est vrai, les mecs
Croix de bois ou croix de fer,
Si j’mens j’vais en enfer.
Sans déc’
J’vous jure qu’c’est vrai les mecs
Que l’endroit vaut bien l’envers
Si j’mens j’vais en enfer,
Sans déc’…
3. La tire à Dédé
(Renaud Séchan)
Y’avait les roues arquées un peu comme j’ai les jambes
Sur l’toit et sur l’capot y’avait les deux band’s blanches,
Le volant en faux bois la banquette en vrai skaï
Le klaxon qui jouait « Le pont d’la rivière Kwaï »
Dédé l’avait fait r’peindre en bleu métallisé
Il disait qu’ça lui rapp’lait l’ciel de son pays
On n’a jamais bien su où qu’c’est qu’il était né
Vu qu’il était menteur comme tous ceux de sa race.
Dans la tire à Dédé,
J’en ai fait des virées.
Quand j’y r’pense aujourd’hui,
Sur ma mob je m’ennuie.
Sur la lunette arrière y’avait l’auto-collant
Avec « Allez les verts » et sur la vitre avant
Y’avait marqué en blanc sur un fond bleu d’azur
« Skiez à Val d’Isère et respirez l’air pur »
Elle pompait à peu près autant d’fuel aux cent bornes
Que Dédé buvait d’bières, mais faut dir’ qu’y t’nait bien.
Quand on s’tapait l’Sébastopol à 220,
Pour qu’les flics nous rattrapent,
Y fallait qu’y s’cramponnent.
Quand Dédé en tenait un coup dans les naseaux,
Bien qu’j’ai pas mon permis c’est moi qui conduisais,
J’prenais qu’les sens uniques pour semer les perdreaux,
Mais j’bouclais ma ceinture parc’ que j’suis pas givré.
On embarquait des gosses qui rôdaient en banlieue
Et qu’attendaient que nous pour s’éclater un peu :
« Allez montez les filles on s’arrache en vacances ».
Dix bornes plus loin on leur f’sait l’coup
D’la panne d’essence.
Dans la tire à Dédé,
J’en ai fait des virées.
Quand j’y r’pense aujourd’hui,
Sur ma mob je m’ennuie.
Mais une nuit des voyous des vrais enfants d’salauds,
Pendant qu’Dédé pionçait, z’y’ont fracturé son box,
Z’y’ont tiré son klaxon et son auto-radio,
Ses cassettes de Mike Brant et ses jantes en inox,
Dédé, le lendemain en voyant le tableau,
Lui qu’avait une santé d’académicien
S’est chopé l’infarctus dont nous causent les journaux,
Et l’a cassé sa pipe tout seul au p’tit matin.
Dans la tire à Dédé,
J’en ai fait des virées.
Quand j’y r’pense aujourd’hui,
Sur ma mob je m’ennuie.
Pauv’Dédé aujourd’hui est au cimetière d’Pantin.
Sur sa tombe on a peint deux band’s blanches, c’est super
Sa bagnole crève douc’ment tout au fond du jardin
D’un pavillon d’banlieue près d’la ligne de ch’min d’fer.
Les poules ont fait leur nid sur les sièges éventrès,
La rouille a tout bouffé, la peinture et les chromes,
Le pare-brise et les phares dégommés par les mômes,
Il reste bientôt plus rien d’la pauv’ tire à Dédé.
Dans la tire à Dédé,
J’en ai fait des virées.
Quand j’y r’pense aujourd’hui,
Sur ma mob je m’ennuie.
4. Ch’timi rock
(Renaud Séchan)
Depuis qu’Eddy Mitchell est allé à Nashville
tous les rockers français ont carrément flippé.
Ils ont pris leur guitare et ont quitté Belleville
pour aller faire du rock, là-bas aux USA.
Ils font du rock’n’roll à Memphis, Tennessee,
avec des musicos qui assurent comme des bêtes
ils vont à New-Orléans ou à New-York City
pour trouver le meilleur feeling de la planète.
Mais moi pour m’éclater j’ai pas b’soin d’aller si loin,
je joue du rock’n’roll à Lille-Roubaix-Tourcoing.
Avec deux trois copains aussi mauvais que moi
on assassine Mozart Beethoven et Chuck Berry.
Avec le gros Lulu et sa guitare en bois
On fait du rock n’roll qu’est carrément pourri,
dans les bouges de Lille les bistrots de Tourcoing,
où la bière coule à flots sur les tonn’s de frites,
on fait danser le twist et le rock aux copains,
en jouant des vieux tubes de Johnny et d’Elvis,
on a des blousons de cuir et des vieux mocassins.
On fait du rock’n’roll à Lille-Roubaix-Tourcoing
Un de ces quatre matin on d’viendra des pop stars,
à nous les hits-parade et puis à nous Guy Lux.
Même si on est mauvais, on garde quand même l’espoir
De connaître la gloir’ la fortune et le luxe.
Mais on n’oubliera pas notre pays natal,
Et on retournera dimanches et jours de fêtes,
Jouer comm’ autrefois dans tous les festivals
Pour trouver le meilleur feeling de la planète.
On laissera pas tomber tous nos anciens copains,
on f’ra du rock’n’roll à Lille-Roubaix-Tourcoing,
on f’ra du rock’n’roll à Lille-Roubaix-Tourcoing,
on f’ra du rock’n’roll à Lille-Roubaix-Tourcoing.
5. J’ai la vie qui m’pique les yeux
(Renaud Séchan)
J’ai la vie qui m’pique les yeux
J’ai mon p’tit cœur qu’est tout bleu
Dans ma tête j’crois bien qu’il pleut
Pas beaucoup mais un p’tit peu
J’m’intéresse plus à grand chose
Mêm’pas fatigué j’me repose
J’bois la vie à toute petite dose
J’vois plus la couleur des roses
Dans ma guitare y’a plus rien
Plus une note plus un refrain
Dans mes doigts y’a rien qui tient
Dans ma peau y’a qu’du chagrin
J’ai la vie qui m’pique les yeux
J’ai mon p’tit cœur qu’est tout bleu
Dans ma tête j’crois bien qu’il pleut
Pas beaucoup mais un p’tit peu
Au bistrot du temps qui passe
J’bois un verre à la terrasse
J’me dis qu’à l’école de l’angoisse
J’suis toujours l’premier d’la classe
Me racontez pas d’histoires
La vie c’t’une tonne de cafard
C’est toujours un fond d’tiroir
C’est toujours un train qui part
J’ai la vie qui m’pique les yeux
J’ai mon p’tit cœur qu’est tout bleu
Dans ma tête j’crois bien qu’il pleut
Pas beaucoup mais un p’tit peu
J’voudrais vivre rien qu’en vacances
Qu’ce soit tous les jours Byzance
Qu’ce soit tous les jours l’enfance
Dans un monde que d’innocence
Mais j’vis au fond d’un abîme
Tout seul avec ma p’tite frime
Dans mon dictionnaire de rime
Avec amour y’a qu’déprime
J’ai la vie qui m’pique les yeux
J’ai mon p’tit cœur qu’est tout bleu
Dans ma tête j’crois bien qu’il pleut
Pas beaucoup mais un p’tit peu
Alors l’soir avant qu’j’me couche
J’écoute chanter la « pôv’ Souche »
Les mots qui sortent de sa bouche
Ça m’fait tout drôle et ça m’touche
Et tout au fond d’sa détresse
Je découvre tell’ment d’tendresse
Que mêm’ si j’tombe et qu’j’me blesse
J’dis bonn’nuit à ma tristesse
J’ai la vie qui m’pique les yeux
J’ai mon p’tit cœur qu’est tout bleu
Dans ma tête j’crois bien qu’il pleut
Pas beaucoup mais un p’tit peu
Heureu’ment j’suis amoureux
D’un’ p’tit’ fille qui m’rend heureux
Pas beau-coup mais un p’tit peau
Pas beau-coup mais un p’tit peu
6. C’est mon dernier bal
(Renaud Séchan)
Aux cinoches de Créteil
Y jouaient que des pornos
Moi ça m’disait trop rien
J’les avais déjà vus
J’ai dit à mes copains
Y’a un baloche à Sarcelles
On va y faire un saut
Y aura p’t’être des morues
Et puis ça fait un bail
Qu’on s’est plus bastoné
Avec de la flicaille
Ou des garçons bouchers
C’est mon dernier bal
Ma dernière virée
Demain dans l’journal
Y’aura mon portrait
On a pris les bécanes
Et on s’est arraché
Direction la castagne
La bière à bon marché
Mais on était pas seul
On avait emmené
Deux trois amuse gueules
Dont l’port est prohibé
On veut pas provoquer
Moi j’suis pas un fondu
Mais faut bien dire c’qu’y est
J’suis pas un ange non plus
C’est mon dernier bal
Ma dernière virée
Demain dans l’journal
Y’aura mon portrait
Arrivés à l’entrée
Devant la pauvr’ caissière
On voulait pas payer
Vingt cinq bales c’est trop cher
Alors on a profité
Qu’pour une fois y’avait pas
L’service d’ordr’d’K.C.P.
Pour foncer dans le tas
Et puis on s’est pointé
Direct à la buvette
Où on s’est enfilé
Chacun nos huit canettes
C’est mon dernier bal
Ma dernière virée
Demain dans l’journal
Y’aura mon portrait
Y’avait une bande de mecs
D’l’autre côté de la piste
Qui nous mâtaient à mort
Depuis un bon moment
On s’est frité avec
C’était vraiment pas triste
Puis on s’est r’concilié
D’vant une bière en s’marrant
D’nos jours dans les baloches
On s’exprime on s’défoule
Un grand coup d’manch’ de pioche
Une fracture ça désoule
C’est mon dernier bal
Ma dernière virée
Demain dans l’journal
Y’aura mon portrait
Et l’espèce de ringard
Qui jouait d’l’accordéon
On y a fait bouffer
Avec ses bretelles
Maint’nant j’ai une belle paire
De poumons bien nacrés
Et dès qu’y tousse un peu
Il recrache des boutons
Quand ça a dégénéré
En baston général
On a vu se pointer
Les milices rurales
C’est mon dernier bal
Ma dernière virée
Demain dans l’journal
Y’aura mon portrait
Avec mon flingue d’alarme
J’avais l’air d’un con
Devant la Winchester
De l’adjoint au maire
Il m’a dit « n’avance pas
Si tu bouges t’es mort »
J’aurais pas dû bouger
Maint’nant je suis mort
Dans la vie mon p’tit gars
Y’a pas à tortiller
Y’a rien de plus dang’reux
Que de se faire tuer
C’est mon dernier bal
J’en ai reçue une
Putain qu’ça fait mal
De crever sous la lune
C’est mon dernier bal
Ma dernière virée
De main dans l’journal
Y’aura mon portrait
7. Le Tango de Massy-Palaiseau
(Renaud Séchan)
Y’a eu le tango des fauvettes
Y’a eu le tango de Manon
L’tango des bouchers d’la Villette
Et le tango des papillons
Mais moi et mes copains d’bistrot
Celui qu’on aime par-dessus tout
Celui qui nous rend vraiment fou
C’est le plus grand, c’est le plus beau
C’est le tango de Massy Palaiseau
Avec le piano à bretelles
Qui nous balance son trémolo
Avec la soupe aux vermicelles
Qui fait de nous des grands costauds
On fait danser les demoiselles
En jouant les Marlon Brando
Faut les voir tourner les saut’relles
Là-bas du côté d’Longjumeau
C’est le tango de Massy Palaiseau
Et quand Landru ce vieux salaud
Coupa sa femme en p’tits morceaux
Elle lui d’manda dans un sanglot
Je t’en pris ne me scie pas les os
Il répondit Je fais c’ que j’veux car je suis le roi du tango
Et je le danse beaucoup mieux
Que Rudolph Valentino
C’est le tango de Massy Palaiseau
C’t’en forgeant qu’on d’vient forgeron
C’t’en mangeant d’la soupe qu’on grandit
Et c’est en jouant au bûcheron
Qu’un jour Léonard devint scie (NDLR: Léonard de Vinci !)
Mais moi si je devint si sot
Si j’ai des soucis d’puis l’ berceau
C’est parc’ qu’au bout de la ligne de Sceaux
Un jour j’ suis passé par Massy
C’est le tango de Massy Palaiseau
Et si je chante ce tango
Un peu débile, un peu rétro
C’est pour vous dire en quelques mots
Allez les gars : prenez l’ métro
Venez faire un tour par chez moi
Où restent quelques vrais Julots
Qui savent danser comme autrefois
Le tango qu’ils ont dans la peau
C’est le tango de Massy Palaiseau
8. Chanson pour Pierrot
(Renaud Séchan)
T’es pas né dans la rue,
t’es pas né dans l’ruisseau,
pas un enfant perdu,
pas un enfant d’salaud
vu qu’t’es né dans ma tête
et qu’tu vis dans ma peau,
j’ai construit ta planète
au fond de mon cerveau.
Pierrot, mon gosse mon frangin, mon poteau,
mon copain, tu m’tiens chaud,
Pierrot.
Depuis l’temps que j’te rêve,
depuis l’temps que j’t’invente,
Ne pas te voir j’en crève,
j’te sens dans mon ventre.
Le jour où tu t’ramènes,
j’arrête de boire promis,
Au moins toute un’semaine,
ce s’ra dur, mais tant pis.
Pierrot, mon gosse mon frangin, mon poteau,
mon copain, tu m’tiens chaud,
Pierrot.
Qu’tu sois fils de princesse
ou qu’tu sois fils de rien,
tu s’ras fils de tendresse,
tu s’ras pas orphelin.
Mais j’connais pas ta mère
et je la cherche en vain,
je connais qu’la misère
et tout seul sur le chemin.
Pierrot, mon gosse mon frangin, mon poteau,
mon copain, tu m’tiens chaud,
Pierrot.
Dans un coin de ma tête y’a déjà ton trousseau :
un jean une mobylette,
une paire de Santiago.
T’iras pas à l’école,
j’t’apprendrai des gros mots,
on jouera au football,
on ira au bistrot.
Pierrot, mon gosse mon frangin, mon poteau,
mon copain, tu m’tiens chaud,
Pierrot.
Tu t’lav’ras pas les pognes avant d’venir à table,
et tu m’traitera d’ivrogne
quand j’piquerai ton cartable,
J’t’apprendrai mes chansons,
tu les trouveras débiles,
t’auras p’t’être bien raison
mais j’s’rai vexé quand même.
Pierrot, mon gosse mon frangin, mon poteau,
mon copain, tu m’tiens chaud,
Pierrot.
Allez, viens, mon Pierrot,
tu s’ras l’chef de ma bande
j’te r’filerai mon couteau,
j’t’apprendrai la truande.
Allez, viens, mon copain,
j’t’ai trouvé une maman,
tous les trois, ça s’ra bien.
Allez, viens, je t’attends.
Pierrot, mon gosse mon frangin, mon poteau,
mon copain, tu m’tiens chaud,
Pierrot.
9. Salut Manouche
(Renaud Séchan)
Quant tu t’es pointé sur la zone
Qui pousse au pied d’mon H.L.M.
Tu as garé ton vieu Saviem
Près d’un pilône.
Z’avez rangé vos caravanes
Comme des chariots dans un western
Soudain dans ma banlieue minable,
C’était moins terne.
Toi ta famille, tes chiens, tes mômes,
tes cousins, tes frangins, tes poules,
c’est comme une grande bouffée d’ozone
quand ça déboule.
Salut l’gitan,
Salut l’manouche !
Tu t’souviens d’moi ?
Tu m’avais filé ton canif.
Toi tu t’prends toujours pour Cartouche.
Moi j’ai toujours pas mon certif’.
Mario fait toujours le rémouleur ?
Angélo fabrique ses paniers ?
Moi j’sais bien qu’dans ces p’tits métiers,
pour faire son beurre,
il faut avoir des à côtés.
Toi t’en as toujours eu un max,
du genre qui font que quand t’es gaulé,
et bien ! tu casques.
Tirer la bagnolle à un cave,
j’appelle pourtant pas ça un crime,
c’est toujours aux bourgeois qui friment
Qu’tu les chouraves.
Salut l’gitan.
Salut l’manouche !
Tu t’souviens d’moi ?
Tu m’avais filé ton vieux peigne.
L’cigarillo au coin d’la bouche,
t’as bien toujours la même dégaine.
T’as toujours ton sacré clébard,
crois’ment d’bâtard avec un bâtard,
tu voulais me l’vendre un milliard,
je les avais pas.
T’as encore un nouveau tatouage
moi j’ai qu’les trois points sur la main
Mais j’me suis fait percer l’oreille
par un copain.
Mais ça plaisait pas au dirlo,
alors il m’a viré d’l’école.
Si j’le croise dans la rue c’mariole,
je lui fais la peau
Salut l’gitan,
salut l’manouche !
Tu t’souviens d’moi ?
T’avais failli m’donner ta montre,
ma mère m’a dit qu’t’avais l’air louche.
Moi j’me fous d’ce qu’les vieux m’racontent.
Si tu r’tournes bientôt aux Baumettes,
essaie d’dire bonjour à mon vieux.
Dis-y qu’jai r’trouvé ses lunettes,
au dessous d’son pieu.
Dis-y qu’il s’inquiète pas pour moi,
Son fiston c’est pas un gadjo.
Dès qu’jai quinze ans j’trouve un boulot,
et j’fais comme toi
J’me paye une vieille DS ruinée,
une caravane et un clébard,
je laisse les cons dans leur clapier,
et puis je me barre.
Salut l’gitan
Salut l’manouche !
Tu t’souviens d’moi ?
Tu m’avais filé ton canif.
Toi tu t’prends toujours pour Cartouche.
Moi j’ai toujours pas mon certif’.
10. Peau aime
(Renaud Séchan)
(en public, enregistré à Strasbourg en novembre 1978)
J’ai garé ma mobylette
Devant l’entrée des artistes
J’ai laissé la porte ouverte
Pour avoir un œil sur elle.
Il faudrait pas qu’on profite
Que j’ suis en train d’ vendre ma cam’lote
Pour s’ débiner sur ma chiotte.
J’ai beau mettre des antivols, Ça fait la neuvième qu’on m’pique,
Ça fait la onzième que j’ vole.
Quoi ?
Qui c’est qui dit qu’ c’est pas vrai ?
Toi ?
Bah t’as raison mon pote.
J’ai jamais eu d’mobylette
Ou alors quand j’étais p’tit,
Et j’ l’avais acheté avec les ronds d’ mes économies.
Laisse béton, j’ démystifie.
Non, maintenant j’ai une Harley,
Une grosse qu’a un grand guidon, une grande fourche, une grande roue
Un grand trou dans mon budget.
Ma bécane, c’est comme un ch’val.
Ça tombe bien, j’ suis conçu pour :
Elle est faite pour épouser la forme de mes jambes arquées.
Sans blague, t’avais pas r’marqué ?
Avec elle, j’ suis un cow-boy,
J’ suis shérif dans mon quartier.
Porte d’Orléans, j’ fais la loi.
Par ici on y croit pas.
Dans l’ quartier, on m’ traite de goye.
C’était pour rimer avec cow-boy.
Et tous les apaches de Paris
Qu’y m’ voient passé sur ma bête,
Y s’ fendent la gueule : c’est pas gentil.
Laisse béton, j’ démystifie.
J’ai laissé mon perfecto
Derrière, dans la coulisse,
Accrochée au portemanteau
Et pis j’ai eu peur qu’i’ glisse
Entre les doigts du tôlier que
Bien qu’ ce soit un brave mec,
Qu’ aimerai bien m’ le chouraver.
Alors j’ viens sur scène avec.
Là, j’ai un insigne SS,
L’initiale de ma gonzesse,
Que c’est même pas ma gonzesse,
C’est la femme à mon copain,
Que c’est même pas mon copain.
Parce que moi j’ai pas d’ copains,
Pas d’amis, pas d’ parents, pas d’ relations.
Ma famille c’est la prison,
Mon copain, c’est mon blouson, c’est mon surin.
Quoi ?
Qui c’est qui dit qu’ c’est pas vrai ?
Toi ?
Bah t’as raison mon pote.
Des copains j’en ai des tonnes
Toutes les nuits dans tous les rades,
Tous les paumés, tous les ivrognes,
Tous les fous, tous les malades,
Qui devant un perroquet, une Kanter ou un p’tit joint
S’ déballonnent dans un hoquet,
Et r’font l’ monde à leur image.
Tous ces mecs c’est mes copains.
Touche pas à mon copain.
« Sort dehors si t’es un homme ! »
Moi, euh, dans ces cas là, j’ sors pas.
Dans ma tête, j’ suis pas un homme,
Dans ma tête, j’ai quatorze ans ;
Dans les muscles aussi d’ailleurs.
J’ parlais des muscles des bras.
« Eh, tu veux m’ casser la tête ?
Bah qu’est-ce t’attends ? Vas-y ? »
Laisse béton, j’ démystifie.
Sur l’ bras droit, j’ai un tatouage :
Y a une fleur, y a un oiseau, qui s’envolera plus jamais,
Pis y a l’ prénom d’une souris. Une souris qu’est tellement belle,
Qu’i’ faudrait qu’ j’ m’appelle Verlaine pour trouver les mots pour la décrire un peu,
Mais j’ vais essayer quand même.
Dans ces yeux, y a tant d’ soleil,
Que quand elle me r’garde, je bronze.
Dans son sourire, y a la mer,
Quand elle me parle, je plonge.
Quand j’ s’rai grand, on s’ mariera,
Pis on aura plein d’enfants,
Même que ce s’ra un garçon,
même qu’i’ s’appellera Pierrot.
« Eh ! Laisse moi fermer les yeux, Ouais, laisse moi rêver un peu. »
Sur l’ bras gauche y’ en a un autre :
Un poulbot qui a une gueule d’ange
Et qui joue d’ l’accordéon.
Pis en d’ sous y a mon prénom.
Euh, y’en a qu’ ça dérange ?
Dans l’ dos, j’ voulais faire tatouer un aigle,
aux ailes déployées,
On m’a dit : « Y a pas la place.
Nan, t’es pas assez carré, alors t’auras un moineau. »
Eh, y a des moineaux rapaces.
Ça fait marrer mes conneries ?
Laisse béton, j’ démystifie.
Bon c’est l’heure, moi j’ai fini,
J’ vous voie tout à l’heure au bar,
J’ vais m’ jeter un p’tit Ricard,
Et ça, c’est pas des conneries.
Sources : Wikipédia et paroles.net