Mambo à Buenos Aires

Francis Matthys

La Libre Belgique

La pulpeuse Natacha dans un conte musical de Patrick Dewez mis en scène par François Walthéry. Woâââââw !
Pourquoi le cacherais-je, alors que je l’ai déjà écrit vingt fois au fil de mes chroniques ? Bien qu’elle soit hôtesse de l’air (et l’avion et moi, c’est pas le grand amour…), Natacha me fait « craquer » comme elle fait battre le cœur de milliers de lecteurs depuis sa mémorable apparition dans « Spirou » le 26 février 1970.
Pour « tout » connaître sur François Walthéry, né le 17 janvier 1946 à Argenteau et qui vit à Cheratte (marié, papa d’un Nicolas de quelques mois), on renverra le lecteur aux deux ferventes monographies qui lui ont été consacrées à ce jour ; la première, due à notre confrère Jean Jour, parut chez Libro-Sciences, à Drogenbos (L. L. B. du 13 avril 1982) ; la seconde, « Walthéry, Natacha & Co », de Jean-Paul Tibéri, a été éditée chez Dupuis (L. L. B. du 20 novembre 1987). Deux essais qui ont obtenu l’imprimatur du père du « P’tit bout de Chique »…
Avec « Mambo à Buenos Aires », Natacha nous revient aujourd’hui dans un album littéralement exceptionnel. Parce qu’il s’agit non seulement d’une histoire en images où la blonde et sculpturale héroïne (qui parvient carrément, ici, à hypnotiser ses adversaires…) en voit des vertes et des pas mûres, mais parce que ce récit admirablement dessiné par François Walthéry – avec le précieux concours de Georges Van Linthout (l’auteur de la série « Lou Smog » au Lombard) pour les décors et de l’excellente coloriste Ida Volcano – s’accompagne d’un compact-disque (ou d’une cassette) de 55 minutes 42 secondes, d’une qualité extraordinaire. Le scénario, la conception du projet, sa production et sa réalisation, de A jusqu’à Z, sont l’œuvre du jeune chanteur et musicien belge Patrick Dewez sans qui, c’est sûr, ce « Mambo » n’existerait pas. Il mérite un fameux coup de chapeau et la gratitude la plus chaleureuse des innombrables amoureux de Natacha. L’histoire tient en quelques mots. Durant une escale en Argentine, où elle est venue saluer Carol, l’une de ses plus belles amies, Natacha tombe entre les mains de trafiquants de drogue. Les deux jeunes femmes ne devront leur salut qu’à leur intrépidité.
Une intrigue ténue, convenons-en, que Walthéry et Patrick Dewez ont royalement étoffée. Dans l’album, que vous dévorerez des yeux en écoutant la bande sonore (le C. D. est une réussite absolue), figure le texte intégral du conte : voilà donc les sourds rassurés, mon cher Beethoven. On y a réuni du monde, et du beau monde, jugez-en : Georges Pradez donne du récit une lecture d’une étonnante sobriété, prouvant sa maîtrise dans l’art difficilissime de dire un texte à une seule voix. Renaud chante délicatement « Zénobe » et la partie musicale réunit un gratin de jazzmen, dont beaucoup de nos compatriotes : Toots Thielemans (harmonica), Steve Houben au saxo soprano, Patrick Dewez (chant, guitare), T. Crommen (sax), A. Klenes (contrebasse), J. De Haas (percussions), J. Gillis et J. Rosenfeld (violons), B. de Callatay (alto), C. Steenackers (violoncelle), J. Stotzem (guitare), Michel Herr (claviers), M. Hatzigeorgiou (basse), Bruno Castellucci (batterie ), N. Manso (chant), S. Martini (guitare et cavaquinhos), M. Araujo (basse), J. Dasilva (cuica, surdo, tambourim, pandeiro), A. Ryerson (flûtes), P. Campana (bongos et timbales), A. Reina (congas), Ph. Decock (claviers), D. Verderame (batterie et vibraphone) et P. Gross (percussions). Si pour sa 15ème aventure, Natacha ne se sent pas légitimement flattée d’être fêtée par des artistes d’un tel niveau… Je suis sûr que sous son corsage son cœur en rosit de plaisir.
Une réalisation qui sort, et pas peu, des sentiers battus ; la rencontre inattendue de personnages de papier (créés par l’un des plus talentueux bédéistes européens, de la « famille » des Tillieux, Will et Wasterlain) avec des poètes vocaux et musicaux. Deux semaines de prise de son, en Belgique, aux studios Gam, Icp, Igloo, Katy et Pyramide (« digital processing » : Digipro).
En deux mots comme en cent ; le bonheur. Une aventure éditoriale qui ressemblait à un défi. L’amitié, les talents conjugués ont permis la réussite à cent pour cent de ce pari. Dans la production de b.d., « Mambo à Buenos Aires » fait, pour nous, figure d’événement. C’est cent fois plus intéressant et créatif que si on nous avait proposé une Natacha sacrifiée dans un mauvais dessin animé. Les auteurs et les interprètes de ce « Mambo » ont visé haut. Par amour de leur travail et par respect pour le public. On les en remercie, on les en félicite. L’exigence est toujours payante ; en revoici la preuve. Si, ces jours-ci, vous cherchez une idée de cadeau non destiné aux petits enfants, n’hésitez pas, n’hésitez plus : « Mambo à Buenos Aires » s’impose. Indiscutablement.
« Mambo à Buenos Aires » par François Walthéry, Patrick Dewez, Georges Van Linthout et raconté par Georges Pradez. Productions Notes en Bulles. Graphisme : François Mullenders.

Source : Site personnel de Patrick Dewez