Renaud
par Thomas D. Lavorel le 28/03/2010
Note: 9.0
Morceaux qui Tuent
C’est pas du pipeau
Tant qu’il y aura des ombres
Renaud n’est pas un révolutionnaire, il ne l’a jamais été – il fustigeait d’ailleurs la Révolution dès ses débuts (l’intempestif « Hexagone »), mais on ne peut lui nier un certain « devenir révolutionnaire ». Il y a une révolte, une belle révolte, ses chants sont souvent « chants de revendication » : il se bat, avec ses mots, avec son intelligence, son humour et sa tendresse, peut-être contre des moulins à vent, ou contre des ombres et des fantômes… mais qu’importe au fond, il s’agit de se tenir debout. On insistera sur la tendresse de Renaud, son amour, pour la vie, pour les arbres et les oiseaux, pour les hommes aussi, quand les hommes ne sont pas « trop humains ». Il y a chez lui une intelligence de la Révolte qui se déploie remarquablement dans la tendresse – « Dis papa quand c’est qu’y passe, Le marchand de tendresse »
C’est sous le signe de cette tendresse que se place « Marchand de cailloux », aux consonances irlandaises (collaboration avec Pete Briquette) et à la poésie presque impeccable. L’album sonne juste du début à la fin, avec des titres très forts, très beaux, inoubliables (« Marchand de cailloux », « L’aquarium », « P’tit voleur », « La ballade nord-irlandaise », « Je cruel », « C’est pas du pipeau », « Tant qu’il y aura des ombres »…), rien n’est à retirer, rien n’est à ajouter non plus : Renaud touche avec « Marchand de cailloux » à une rare cohérence, non seulement dans son œuvre, mais aussi et surtout au-delà de lui-même, et puis, le plus important, Renaud ne se fait plus la voix des opprimés et des insurgés de ce monde — même s’il parle encore pour eux —, c’est avant tout en porte-parole des enfants qu’il s’exprime. Il y a cette certitude qui résonne, ce constat désespéré : on ne changera pas les hommes, mais il reste les enfants. A eux on peut encore parler, et pour eux rendre le monde à sa pureté, à son innocence. On peut leur parler, mais eux peuvent nous aider à devenir de vieux enfants, encore pleins de magie, avec des étincelles dans les yeux et des promesses d’espérance.
« Y a que les enfants Qui savent aimer Les loups noirs ou blancs Qui nous font trembler Tu sais que les grands Ceux qu’on sera jamais… »
RENAUD La ballade nord-irlandaise (Video 1991)
Source : Sefronia