Morgane de toi est le 6e album studio de Renaud enregistré au cours de l’été 1983 à Los Angeles, aux États-Unis. L’évolution de l’artiste est incontestable : ses préoccupations sont différentes, il est maintenant marié avec Dominique qui en août 80, lui donne une petite fille, Lolita. Il découvre ainsi la vie de famille et s’éloigne de la vie de bohème, entre copains et bistrots.
En septembre 1983, fort de cette sérénité nouvellement acquise, il sort un album différent des précédents. La pochette elle-même est moins dure et agressive. Du coup les chansons paraissent aussi plus tendres : « Morgane de toi » et « En cloque ». Plus apparenté à la variété qu’au rock-folk des débuts, cet album connaît un succès sans précédent dans la carrière du chanteur. « Dès que le vent soufflera » est un énorme tube qui passe sur toutes les radios. En fait, c’est environ 1,2 million d’exemplaires de l’album qui sont vendus en quelques mois. Renaud est d’ailleurs en fin de contrat chez Polydor et ce succès lui permet de signer un contrat extrêmement avantageux avec sa nouvelle maison de disques Virgin.
Voici les pochettes des 45 tours extraits de l’album :
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1. Dès que le vent soufflera
(Renaud Séchan)
« C’est pas l’homme qui prend la mer
C’est la mer qui prend l’homme »
Moi la mer elle m’a pris
Je m’souviens, un mardi
J’ai troqué mes santiag’
Et mon cuir un peu zone
contre une paire de dockside
Et un vieux ciré jaune,
J’ai déserté les crasses
Qui m’disaient : Sois prudent
La mer c’est dégueulasse
Les poissons baisent dedans !
Dès que le vent soufflera je repartira
Dès que les vents tourneront nous nous en allerons…
« C’est pas l’homme qui prend la mer
C’est la mer qui prend l’homme »
Moi la mer elle m’a pris
Au dépourvu, tant pis…
J’ai eu si mal au cœur
Sur la mer en furie
Qu’j’ai vomi mon quatre-heures
Et mon minuit aussi.
J’me suis cogné partout
J’ai dormi dans des draps mouillés
Ça m’a coûté des sous
C’est d’la plaisance, c’est l’pied !
Dès que le vent soufflera je repartira
Dès que les vents tourneront nous nous en allerons…
C’est pas l’homme qui prend la mer
C’est la mer qui prend l’homme
Mais elle prend pas la femme
Qui préfère la campagne.
La mienne m’attend au port
Au bout de la jetée
L’horizon est bien mort
Dans ses yeux délavés,
Assise sur une bitte
D’amarrage, elle pleure
Son homme qui la quitte,
La mer c’est son malheur !
Dès que le vent soufflera je repartira
Dès que les vents tourneront nous nous en allerons…
« C’est pas l’homme qui prend la mer
C’est la mer qui prend l’homme »
Moi la mer elle m’a pris
Comme on prend un taxi…
Je f’rai le tour du monde
Pour voir à chaque étape
Si tous les gars du monde
Veulent bien m’lâcher la grappe,
J’irai z’aux quatre vents
Foutre un peu le boxon
Jamais les océans
N’oublieront mon prénom…
Dès que le vent soufflera je repartira
Dès que les vents tourneront nous nous en allerons…
« C’est pas l’homme qui prend la mer
C’est la mer qui prend l’homme »
Moi la mer elle m’a pris
Et mon bateau aussi…
Il est fier mon navire
Il est beau mon bateau
C’est un fameux trois-mâts
Fin comme un oiseau hisse ho !
Mais Tabarly, Pajot
Kersauson et Riguidel
Naviguent pas sur des cageots
Ni sur des poubelles !
Dès que le vent soufflera je repartira
Dès que les vents tourneront nous nous en allerons…
« C’est pas l’homme qui prend la mer
C’est la mer qui prend l’homme »
Moi la mer elle m’a pris
Je m’souviens, un vendredi
Ne pleure plus ma mère
Ton fils est matelot
Ne pleure plus mon père
Je vis au fil de l’eau,
Regardez votre enfant
Il est parti marin
Je sais c’est pas marrant
Mais c’était mon destin.
Dès que le vent soufflera je repartira
Dès que les vents tourneront nous nous en allerons…
Dès que le vent soufflera je repartira
Dès que les vents tourneront nous nous en allerons…
2. Deuxième génération
(Renaud Séchan)
J’m’appelle Slimane et j’ai quinze ans
J’vis chez mes vieux à La Courneuve
J’ai mon C.A.P. d’délinquant
J’suis pas un nul j’ai fait mes preuves
Dans la bande c’est moi qu’est l’plus grand
Sur l’bras j’ai tatoué une couleuvre.
J’suis pas encore allé en taule
Paraît qu’c’est à cause de mon âge
Paraît d’ailleurs qu’c’est pas Byzance
Que t’es un peu comme dans une cage
Parc’que ici tu crois qu’c’est drôle
Tu crois qu’la rue c’est les vacances.
J’ai rien à gagner, rien à perdre
Même pas la vie
J’aime que la mort dans cette vie d’merde
J’aime c’qu’est cassé
J’aime c’qu’est détruit
J’aime surtout c’qui vous fait peur
La douleur et la nuit.
J’ai mis une annonce dans Libé
Pour m’trouver une gonzesse sympa
Qui boss’rait pour m’payer ma bouffe
Vu qu’moi, l’boulot pour que j’y touche
Y m’faudrait deux fois plus de doigts
Comme quoi, tu vois, c’est pas gagné.
C’que j’voudrais, c’est être au chôm’du
Palper du blé sans rien glander
Pi comme ça, j’s’rais à la sécu
J’pourrais grattos me faire remplacer
Toutes les ratiches que j’ai perdues
Dans des bastons qu’ont mal tourné.
J’ai rien à gagner, rien à perdre
Même pas la vie
J’aime que la mort dans cette vie d’merde
J’aime c’qu’est cassé
J’aime c’qu’est détruit
J’aime surtout tout c’qui vous fait peur
La douleur et la nuit…
J’ai même pas d’tunes pour m’payer d’l’herbe
Alors, je m’défonce avec c’que j’peux
Le trychlo, la colle à rustine
C’est vrai qu’des fois ça fout la gerbe
Mais pour le prix, c’est c’qu’on fait d’mieux
Et pi, ça nettoie les narines.
Le soir, on rôde sur les parkings
On cherche une B.M. pas trop ruinée
On l’emprunte pour une heure ou deux
On largue la caisse à la Porte Dauphine
On va aux putes, juste pour mater
Pour s’en souv’nir l’soir dans nos pieux.
J’ai rien à gagner, rien à perdre
Même pas la vie
J’aime que la mort dans cette vie d’merde
J’aime c’qu’est cassé
J’aime c’qu’est détruit
J’aime surtout tout c’qui vous fait peur
La douleur et la nuit…
Y’a un autr’ truc qui m’branche aussi
C’est la musique avec des potes
On a fait un groupe de hard rock
On répète le soir dans une cave
Sur des amplis un peu pourris
Sur du matos un peu chourave.
‘n a même trouvé un vieux débile
Qui voulait nous faire faire un disque
Ça a foiré parc’que c’minable
Voulait pas qu’on chante en kabyle
On y a mis la tête contre une brique
Que même la brique, elle a eu mal.
J’ai rien à gagner, rien à perdre
Même pas la vie
J’aime que la mort dans cette vie d’merde
J’aime c’qu’est cassé
J’aime c’qu’est détruit
J’aime surtout tout c’qui vous fait peur
La douleur et la nuit.
Des fois, j’me dis qu’à 3000 bornes
De ma cité, y’a un pays
Que j’connaîtrai sûr’ment jamais
Que p’t’être c’est mieux, p’t’être c’est tant pis
Qu’là-bas aussi, j’s’rai étranger
Qu’là-bas non plus, je s’rai personne.
Alors, pour m’sentir appartenir
A un peuple, à une patrie
J’porte autour de mon cou sur mon cuir
Le keffieh noir et blanc et gris
Je m’suis inventé des frangins
Des amis qui crèvent aussi.
J’ai rien à gagner, rien à perdre
Même pas la vie
J’aime que la mort dans cette vie d’merde
J’aime c’qu’est cassé
J’aime c’qu’est détruit
J’aime surtout tout c’qui vous fait peur
La douleur et la nuit.
3. Pochtron !
(Renaud Séchan)
Hier au « Rendez-vous des amis »
Oh la la ! je m’suis mis minable
Putain d’mufflée que j’me suis pris
Lamentable…
Des comme ça j’en prends qu’une par an
A la Bastille l’dix mais au soir
Ou encore les jours d’enterr’ment
C’qu’est plus rare…
Je m’souviens même plus c’qu’on fêtait
Mais on n’a pas bu trop d’tisane
C’matin j’ai une casquette plombée
Sur le crâne.
Pochtron, Pochtron
tu f’rais mieux d’m’écrire une chanson
Pochtron Pochtron
C’est c’que m’dit ma femme
Qu’aime bien mes chansons.
Des musettes comme ça, ça vous laisse
Des souvenirs en forme de cicatrices
Des coups d’poignard dans votre jeunesse
C’que c’est triste.
J’bois jamais trop, mais j’bois assez
Quoiqu’des fois, j’en renverse un max
Dans l’caniveau, devant l’troquet
J’laisse des traces.
Le Picon-bière, c’est redoutable
Même les Belges y s’y aventurent pas
Ça vous fait glisser sous la table
Comme un rat.
Pochtron, Pochtron
Fume un joint, t’auras l’air moins con
Pochtron, Pochtron
C’est c’que m’dit ma mère
Qu’a toujours raison.
Je gerbe pas toujours comme hier soi
C’est seul’ment quand j’fais des mélanges
Si on m’met d’l’eau dans mon Ricard
Par exemple.
Y’a Boris qui m’a raconté
Qu’c’tte nuit, j’ai failli foutre une danse
A quinze rugbymen en virée
Z’ont eu d’la chance.
Si les potes m’avaient pas r’tenu
J’me les s’rais mangés un par un
J’aime pas les costauds quand j’ai bu
Ni à jeun.
Pochtron, Pochtron
Un d’ces quatre, tu vas prendre des gnons
Pochtron, Pochtron
C’est c’que m’disent mes potes
En m’filant des marrons.
J’ai rejoint ma turne au radar
En filant des coups d’pompes aux parcmètres
Et en insultant les trottoirs
Pour qu’y arrêtent.
Chez moi, j’ai réveillé tout l’monde
En m’cognant l’pied nu contre un meuble
Ça m’a fait mal jusque dans ma montre
Quelle horreur.
Pi, j’ai voulu r’peupler la France
Même que la France était pas d’acc
Je m’suis endormi sans résistance
Comme un sac.
Pochtron, Pochtron
Lève-toi, c’est huit heures, y m’faut mon biberon
Pochtron, Pochtron
C’est c’que m’dit ma gosse
Qu’a pas d’éducation.
4. Morgane de toi (amoureux de toi)
(Paroles de Renaud Séchan, musique de Franck Langolff)
Y’a un mariole, il a au moins quatre ans
Y veut t’piquer ta pelle et ton seau
Ta couche-culotte avec les bombecs dedans
Lolita défends-toi fous-y un coup d’rateau dans l’dos.
Attends un peu avant d’te faire emmerder
Par ces p’tits machos qui pensent qu’à une chose
Jouer au docteur non conventionné
J’y ai joué aussi je sais de quoi j’cause.
J’les connais bien les playboys des bacs à sable
J’draguais leurs mères avant d’connaître la tienne
Si tu les écoutes y t’f’ront porter leurs cartables
‘reus’ment qu’j’suis là que j’te r’garde et que j’t’aime.
Lola,
J’suis qu’un fantôme quand tu vas où j’suis pas
Tu sais ma môme que j’suis morgane de toi
J’suis morgane de toi
Comme j’en ai marre de m’faire tatouer des machins
Qui m’font comme une bande dessinée sur la peau
J’ai écrit ton nom avec des clous dorés un par un
Plantés dans le cuir de mon blouson dans l’dos
T’es la seule gonzesse que j’peux t’nir dans mes bras
Sans m’démettre une épaule sans plier sous ton poids
Tu pèses moins lourd qu’un moineau qui mange pas
Déploie jamais tes ailes, Lolita t’envole pas.
Avec tes miches de rat qu’on dirait des noisettes
Et ta peau plus sucrée qu’un pain au chocolat
Tu risques d’donner faim à un tas de p’tits mecs
Quand t’iras à l’école si jamais t’y vas.
Lola
J’suis qu’un fantôme quand tu vas où j’suis pas
Tu sais ma môme que j’suis morgane de toi
J’suis morgane de toi.
Qu’ess-tu m’racontes ? Tu veux un petit frangin ?
Tu veux qu’j’t’achète un ami pierrot ?
Eh ! Les bébés ça s’trouve pas dans les magasins et j’crois pas
Que ta mère voudra qu’j’lui fasse un petit dans l’dos.
Ben quoi Lola on est pas bien ensemble ?
Tu crois pas qu’on est déjà bien assez nombreux ?
T’entends pas ce bruit c’est le monde qui tremble
Sous les cris des enfants qui sont malheureux.
Allez viens avec moi j’t’embarque dans ma galère
Dans mon arche y’a d’la place pour tous les marmots
Avant qu’ce monde devienne un grand cimetière
Faut profiter un peu du vent qu’on a dans l’dos.
Lola
J’suis qu’un fantôme quand tu vas où j’suis pas
Tu sais ma môme que j’suis morgane de toi.
5. Doudou s’en fout
(Renaud Séchan)
Y’a des doudous partout, c’est fou
Celle de ma chanson, elle a les yeux vraiment doux
On dirait des cailloux, des perles
Aussi noires que sa peau cachou
Elle travaille dans un magasin
Elle vend des maillots de bain
A des belles et à des boudins
A des moches et à des biens
A des vieilles qu’ont la peau qui craint
A des jeunes qu’en prennent bien soin
A des pucelles à des putains
Et toute la journée il faut se les fader
Dans son petit magasin
Le soleil n’entre jamais, mais c’est très bien
La doudou elle s’en fout
Au mois d’août elle met les bouts
La doudou dit « Bonjour » toujours,
Aux dames, aux demoiselles
Qui viennent acheter chez elle
Des bikinis pourris très chers
A fleurs ou à rayures panthère
Elle est polie avec les mémères
Qui mériteraient des beignes
‘l’est gentille avec les belles-mères
Elle connaît pas la mienne
La doudou, c’est sans dire un mot
Qu’elle supporte les pauvres têtes
Des pouffiasses de la conso’
Qui croient comme des bêtes que la beauté s’achète
Dans son petit magasin
Hmmmm, l’amour n’entre jamais, mais ça n’fait rien
La doudou, elle s’en fout
Au mois d’août, elle met les bouts
Allez, vas-y mon vieux Jean-Louis, là !
La doudou va larguer bientôt
Son tout petit boulot de vendeuse de maillots
Dans un pays plus chaud, plus beau
Elle va aller brûler sa peau
Dans son île sous les cocotiers
Où elle est la plus belle
Le soleil, l’amour, le reggae
Vont bientôt s’occuper d’elle
De son corps bronzé tout entier
Sans la marque du maillot
La doudou n’en porte jamais
Elle dit : ce truc idiot, c’est bon pour les cageots
Dans son petit magasin
La doudou trouve qu’il est long le mois de juin
La doudou, elle s’en fout
Au mois d’août, elle met les bouts.
La doudou elle s’en fout
Au mois d’août elle met les bouts
6. En cloque
(Renaud Séchan)
Elle a mis sur l’mur, au d’ssus du berceau
Une photo d’Arthur Rimbaud
‘Vec ses ch’veux en brosse, elle trouve qu’il est beau
Dans la chambre du gosse, bravo!
Déjà les p’tits anges sur le papier peint
J’trouvais ça étrange, j’dis rien
Elles me font marrer ses idées loufoques
Depuis qu’elle est en cloque…
Elle s’réveille la nuit, veut bouffer des fraises
Elle a des envies balèzes
Moi j’suis aux p’tits soins, je m’défonce en huit
Pour qu’elle manque de rien ma p’tite
C’est comme si je pissais dans un violoncelle
Comme si j’existais plus pour elle,
Je m’retrouve planté, tout seul dans mon froc
Depuis qu’elle est en cloque…
Le soir elle tricotte en buvant d’la verveine
Moi j’démêle ses p’lotes de laine
Elle use les miroirs à s’regarder d’dans
A s’trouver bizarre, tout l’temps
J’lui dis qu’elle est belle comme un fruit trop mûr
Elle croit qu’je m’fous d’elle, c’est sûr
Faut bien dire c’qui est, moi aussi j’débloque
Depuis qu’elle est en cloque…
Faut qu’j’retire mes grolles quand j’rentre dans la chambre
Du p’tit rossignol qu’elle couve
C’est qu’son p’tit bonhomme qu’arrive en décembre
Elle le protège comme une louve
Même le chat pépère elle en dit du mal
Sous prétexte qu’y perd ses poils
Elle veut plus l’voir traîner autour du paddock
Depuis qu’elle est en cloque…
Quand j’promène mes mains d’l’autre côté d’son dos
J’sens comme des coups d’poings, ça bouge
J’ui dis : t’es un jardin, une fleur, un ruisseau
Alors elle devient toute rouge
Parfois c’qui m’désole, c’qui m’fait du chagrin
Quand je r’garde son ventre et l’mien
C’est qu’même si j’dev’nais pédé comme un phoque
Moi j’s’rai jamais en cloque…
7. Ma chanson leur a pas plu…
(Renaud Séchan)
J’avais écrit un’ chanson
Un vrai tube, un truc en or
Avec des paroles en béton
Une musique le genre Milord
C’était pas vraiment mon style
Je m’suis dit :
J’vais la placer
Ça d’vrait pas être difficile
Y’a d’la d’mande dans c’métier (yé yé)
J’ai rencontré Capdevielle
Au bar de l’Apocalypse
J’ui ai dit :
Ecoute ma vieille
Ça s’appelle « le cataclysme »
Ça raconte l’histoire d’un ange
Qu’est marchand de certitudes
Et qui poignarde dans l’ciel étrange
Le fantôme des solitudes
Il est pote avec Mary
La vestiaire du crépuscule
Où tous les gardiens d’la nuit
Viennent jouer les funambules
Voilà ma chanson mon pote
Si t’en veux pas, pas d’malaise
Je la r’mets dans ma culotte
Mais tu sais pas c’que tu perds
Ma chanson lui a pas plu
N’en parlons plus…
J’ai écrit une autre chanson,
Un truc encore plus super
‘Vec des paroles en béton
Avec une musique d’enfer
Mais elle correspondait pas trop
A mon image, mon créneau
Un peu comme si Dalida
Chantait Be-Bop-A-Lula, la-la-la
J’ai rencontré Lavilliers
Un soir à Geoffroi-Guichard
Dans l’enfer vert immaculé
J’ui ai raconté mon histoire :
La chanson s’passe à New-York
Y’a Jimmy qui s’fait flinguer
Par un black, au coin d’un bloc
Par un flic très singulier
Mais il était pas vraiment mort
Il était blessé seul’ment
Jimmy, il est vach’ment fort
Il est dealer et on l’dit lent.
Voilà ma chanson, mon pote
Si t’en veux pas, pas de problème,
Je la r’mets dans ma culotte,
Allez va ! Dis-moi qu’tu l’aimes !
Ma chanson lui a pas plu,
N’en parlons plus…
J’suis r’tourné à ma guitare
Et à mon dictionnaire de rimes,
J’ai travaillé très, très tard
J’ai fait une chanson sublime
J’l’ai chantée à deux trois potes
Y m’ont dit : C’est pas pour toi !
Sûr que ta chanson nous botte
Mais un conseil : Oublie-la !
‘lors j’ai rencontré Cabrel
Assis au bord d’l’autoroute
J’ui ai dit : Ma chanson s’appelle
« Sur le chemin de la route »
Et c’est l’histoire d’une nonne
Amoureuse d’un caillou,
Dans sa vie, y’a plus personne
Que les marchands et les fous,
Elle veut retrouver sa terre
Et ses chèvres et ses brebis
Fuir le doute et la poussière
Et revoir sa Normandie.
Voilà ma chanson, mon pote
Si t’en veux pas, pas d’lézard
Je la r’mets dans ma culotte
Ou au pire dans ma guitare
Ma chanson lui a pas plu
N’en parlons plus…
Alors j’m’suis dit : basta !
J’fais plus qu’des chansons pour moi
J’m’en suis écrit une aussi sec
Qui raconte l’histoire d’un mec
Amoureux d’sa mobylette
Mais leur amour est impossible
Elle aime une clé à molette
Qu’est d’une jalousie terrible ! Horrible !
A la fin le mec y meurt
En mangeant une canette de bière
La mobylette se suicide
En s’faisant couler une bielle.
La clé à molette finit en taule
Elle qui s’croyait en acier
Et c’est sur cette fin pas drôle
Que s’termine ma chanson pas gaie
Pi si elle vous a pas plu
Vous savez où j’me la mets
T’t’façon, elle s’ra pas foutue
Elle s’ra au chaud, bien logée
Parce que maint’nant, ma culotte
J’vais t’dire, c’est un vrai juke-box
Tu mets dix balles, t’as quatre chansons
T’en as même une qu’a l’son long…
8. Déserteur
(Renaud Séchan)
Monsieur le Président
Je vous fais une bafouille
Que vous lirez sûr’ment
Si vous avez des couilles.
Je viens de recevoir
Un coup d’fil de mes vieux
Pour m’prév’nir qu’les gendarmes
S’étaient pointés chez eux.
J’ose pas imaginer
C’que leur a dit mon père
Lui les flics les curés
Et pi’les militaires
Les a vraiment dans l’nez
P’t’être encore plus que moi
Dès qu’y peut en bouffer
L’vieil anar y s’gène pas
L’vieil anar y s’gène pas
Alors y paraît qu’on m’cherche
Qu’la France a besoin de moi
C’est con, j’suis en Ardèche
Y fait beau, tu l’crois pas.
J’suis là avec des potes
Des écolos marrants
On a une vieille bicoque
On la r’tape tranquillement.
On fait pousser des chèvres
On fabrique des bijoux
On peut pas dire qu’on s’crève
L’travail, c’est pas pour nous.
On a des plantations
Pas énorme, trois hectares
D’une herbe qui rend moins con
Non, c’est pas du Ricard,
Non, c’est pas du Ricard.
Monsieur le Président
Je suis un déserteur
De ton armée de glands
De ton troupeau de branleurs.
Y z’auront pas ma peau
Touch’ront pas à mes cheveux
J’saluerai pas le drapeau
J’march’rai pas comme les bœufs.
J’irai pas en Allemagne
Faire le con pendant douze mois
Dans une caserne infâme
Avec des plus cons qu’moi.
J’aime pas recevoir des ordres
J’aimes pas me lever tôt
J’aime pas étrangler l’borgne
Plus souvent qu’il ne faut
Plus souvent qu’il ne faut.
Pi surtout s’qui m’déplaît
C’est que j’aime pas la guerre
Et qui c’est qui la fait
Ben, c’est les militaires.
Y sont nuls, y sont moches
Et pi, ils sont teigneux
Maint’nant j’vais t’dire pourquoi
J’veux jamais être comme eux.
Quand les russes, les ricains
F’ront péter la planète
Moi, j’aurai l’air malin
Avec ma bicyclette
Mon pantalon trop court
Mon fusil, mon calot
Ma ration d’topinambour
Et ma ligne Maginot
Et ma ligne Maginot.
Alors, me gonfle pas
Ni moi, ni tous mes potes
Je s’rai jamais soldat
J’aime pas les bruits de bottes.
T’as plus qu’à pas t’en faire
Et construire tranquillos
Tes centrales nucléaires
Tes sous-marins craignos.
Et va pas t’imaginer
Monsieur le Président
Qu’j’suis manipulé
Par les rouges ou les blancs.
Je n’suis qu’un militant
Du parti des oiseaux
Des baleines, des enfants
De la terre et de l’eau
De la terre et de l’eau.
Monsieur le Président
Pour finir ma bafouille
J’voulais t’dire simplement
Qu’ce soir, on fait des nouilles.
A la ferme, c’est le panard
Si tu veux viens bouffer
On fumera un pétard
Et on pourra causer
On fumera un pétard
Et on pourra causer.
9. Près des autos tamponneuses
(Paroles de Renaud Séchan, musique de Franck Langolff)
J’ai connu la Pépette
Aux autos tamponneuses
Elle, elle avait la sept
Et moi, j’avais la deuze
La sienne, elle était verte
et la mienne était verte aussi
Elle était bonne la Pépette
et c’était son métier
J’ui ai dit : Tu viens souvent
Aux autos tamponneuses ?
Elle m’a dit qu’elle venait souvent
Qu’ça la rendait joyeuse,
‘m’a demandé : Mais pourquoi
Est-c’que tu m’demandes ça ?
J’ui ai dit : Mais pourquoi
Est c’que tu m’demandes ça
On est allé boire une Gueuse
Près des autos tamponneuses,
L’avait l’air beaucoup heureuse
Dans sa robe jaune,
L’était pas vraiment bêcheuse
L’était pas du tout affreuse.
Moi, j’avais des idées vicieuses
Sous mes ch’veux jaunes…
J’ai offert à Pépette
Un tour d’autos tamponneuses
Elle, elle a gardé la sept
Moi, j’ai repris la onze
Le patron d’l’auto-tampon
Qui était très gentil
Comme musique de fond
Y nous a mis Johnny
Pendant qu’mon idole chantait
« Les portes du pénis entier »
Les p’tites autos tournaient
Et tournaient et tournaient
Et moi, j’faisais exprès
De cogner dans Pépette
Même qu’un coup, sans faire exprès
Elle s’est foulée la tête.
On est allé boire une Gueuse
Près des autos tamponneuses,
L’avait l’air bien moins heureuse
Dans sa robe moche,
L’avait l’air moins amoureuse
Elle m’a dit d’un air songeuse :
Faut qu’je rentre chez ma logeuse
Quelle catastrophe…
J’ai quitté la Pépette
Près des autos tampons
J’ui ai d’mandé : Mais Pépette
Est-c’que c’est ton vrai nom ?
Elle m’a dit : C’que t’es bête
C’est mon surnom pauvre con
Mon vrai nom, c’est Zézette
Mais ça fait un peu long
On a mangé ensemble
Une glace au chocolat,
Elle, elle a pris framboise
Et moi, j’ai rien mangé,
J’voulais une glace à la viande
Oui, mais y’en avait plus,
Ou alors viande hachée
Mais ça coule le long du cornet.
On est allé boire une Gueuse
Près des autos tamponneuses
J’l’ai trouvée soudain hideuse
Sa robe trouée
J’ui ai dit : Tu sais, p’tite pisseuse
J’préfère les autos tamponneuses
Toi, t’es pas assez luxueuse
Mais dis-moi, quelle heure qu’il est ?
Quelle heure qu’il est ?
Quelle enculée…
10. Loulou
(Renaud Séchan)
Tu sais qu’t’as un peu la gueule à James Dean
Celle qu’il aurait eu s’il avait pas été beau,
T’es bâti comme une armoire de cuisine
Le cœur dans l’tiroir, tout près du couteau.
Lorsque j’vois s’pointer dans mon horizon
Ta carcasse immense de grand chien paumé,
J’dis « Tiens v’la Loulou, la fleur du baston,
V’la la bête humaine, v’la l’autre allumé ! »
J’te dis « Salut Georges » T’aimes pas tell’ment ça
Tu veux qu’on t’appelle d’ton surnom d’voyou,
Celui qu’t’as été quand t’étais moins gras
Un p’tit peu plus jeune et moins con surtout.
T’as pris des coups quand t’étais p’tit
T’en as donné aussi beaucoup,
Maint’nant, tu prends surtout du bide,
Tu prends des rides, loulou…
‘Vec ton nez casse tu frimes tous les mecs
Tu dis qu’t’as été boxeur, ça en jette,
Moi j’sais qu’ça t’vient d’un accident de poussette
Je l’tiens d’ta p’tite sœur que j’suis pote avec.
M’a tout raconté, ta frangine Ginette,
Ta vie, ta jeunesse, les conn’ries qu’t’as faites,
J’connais ton casier, l’est pas vraiment net,
Mais c’est quand-même pas c’lui d’un député…
T’étais une p’tite frappe, t’as roulé ta bosse,
Arrête-toi Loulou ! C’était y’a dix piges
Entre-temps t’as eu ta femme et deux gosses,
Allez ! Bois une bière et file moi une tige.
T’as pris des coups quand t’étais p’tit
T’en as donne aussi beaucoup,
Maint’nant, tu prends surtout du bide,
Tu prends des rides, Loulou…
Aujourd’hui t’as plus qu’ta gueule et elle est grande
L’est plus aussi belle mais ça tu t’en fous,
Y’a encore des mômes qui t’croient chef de bande,
Encore des gonzesses qu’aiment bien tes yeux d’fou.
Tu les baratines ‘vec tellement d’bagout
Qu’j’t’ soupçonne de croire toi-même à tes conn’ries,
Tu dis qu’t’as tout fait, qu’t’as été partout,
Eh ! J’t’ai même pas vu et j’y étais aussi…
Mais, dis-moi Loulou, t’as encore grossi,
Ah non ! C’est du muscle, s’cuse-moi j’oubliais
Qu’tu « body-building » ‘vec ton pote Rocky
Pour garder la forme entre deux mufflées…
T’as pris des coups quand t’étais p’tit
T’en as donné aussi beaucoup,
Maint’nant, du prends surtout du bide,
Tu prends des rides, Loulou…
T’es l’roi d’la combine et des plans bidons
Allez ! Raconte-moi ta prochaine embrouille,
Est-c’que t’as encore trouvé un pigeon,
Une nouvelle galère pour t’remplir les fouilles ?
Tu cherches un bâton ? Rien qu’ça ? T’as l’moral,
Pour rach’ter un lot d’blue-jeans délavés
Que t’espères fourguer aux puces à cent balles,
Sois sympa Loulou, mets-m’en un d’côté.
Bon, j’vois qu’tu commences à être allumé,
Si tu veux, j’arrête de me foutre de ta gueule
T’sais, j’suis pas mieux qu’toi ‘vec mes trente balais,
Toi et moi, ensemble, on est quand même seuls…
T’as pris des coups quand t’étais p’tit
Moi j’en ai pas donné beaucoup,
Maint’nant tu prends surtout du bide,
J’en prends aussi, Loulou…
- Arrangements : Alain Ranval, Gérard Prévost, Miguel Ravoux, et Jean-Philippe Goude.
- Réalisation : Thomas Noton
- Guitares : Michael Landau, Peter White, Miguel Ravoux, Albert Lee.
- Claviers : Randy Kerber, Daryl Dragon, Jean-Philippe Goude.
- Basse : Neil Stubenhaus.
- Batterie : Mike Baird, Carlos Vega.
- Percussions : Paulinho Da Costa, Emil Richards.
- Saxophone et harmonica : Marc Macino.
- Accordéons : Jean-Louis Roques, Peter White.
- Chœurs : Renaud, Klaus Blasquiz, Alain Ranval, Gérard Prévost, Thomas Noton.
- Direction des cordes et régie de l’orchestre : Erich Bulling.
- Premier violon : Assa Drori.
- Ingénieur du son : Greg Edwards.
- Assistant : Paul Reynolds.
- Mixage : Studios Ferber
- Ingénieurs du son: René Ameline /Eric Arburger
Sources : RFI Musique, paroles.net et Wikipédia