Moto Portrait : Renaud

Motoscopie Loisirs

N° 1, 1979

LAISSE BÉTON

PAR COLUCHE

Pour vous, ce mois-ci, Coluche est allé cuisiner un motard chanteur. Et pas n’importe lequel. Celui qui déclare : « Ma bécane, c’est comme un cheval. Avec elle je fais la loi, j’suis shérif dans mon quartier… ». Vous l’avez sûrement croisé au guidon de sa 1000 Harley-Davidson. C’est Renaud.

Coluche : Renaud, je t’ai toujours connu avec des motos. Alors est-ce que tu te rappelles de toutes celles que tu as eues ?

Renaud : Tu sais, je n’en ai pas eues tant que ça, Mais je me souviens bien de la première, ça a été une 125 Motobécane, que j’ai « trouvée » dans la rue, pas loin de chez moi. Je crois qu’elle avait déjà été tirée. Donc, c’était une deuxième main… Je l’ai retapé dans la rue, en bas de chez moi et je l’ai laissée au pied d’un  arbre, sans anti-vol, pour qu’on me la vole aussi. C’était risqué, mais faut dire qu’elle n’était pas vraiment à moi.

C. : Qu’est-ce que tu en a fait ?

R. : Je l’ai gardé trois jours. D’abord parce qu’elle ne marchait pas du tout et ensuite je l’ai refilée à un copain qui bricolait beaucoup mieux que moi. Il a réussi à la faire tourner mais je ne sais pas ce qu’elle est devenue.

C. : Et tu avais quel âge ?

R. : Juste 16 ans. De ce côté-là au moins j’étais en régie avec les keufs. La deuxième, mais qui était en fait la première vraiment payée, ça a été une BSA B 53. Un monocylindre de 350 cc. Une véritable anglaise. Avec tous les avantages et les inconvénients que ça pouvait avoir.

C. : Elle n’avait pas un truc spécial cette moto ?

R. : Si, c’était le moment où venait de sortir le film Easy Rider. Alors je l’avais peinte comme celle de Fonda. Avec le drapeau américain sur le réservoir et un grand guidon pour faire chopper. J’ai quand même réussi à la garder deux mois. Mais un jour, elle a commencé à merder. Alors je suis allé voir un mec qui s’appelait Soupet ou un truc dans le genre. Je me souviens qu’il était rue du Cardinal-Lemoine, un spécialiste BSA. Il  l’a réparée et m’a dit : « Elle peut tenir encore 3 ans, 10 ans, comme elle peut te lâcher dans 15 jours. » 15 jours après, elle m’a lâché…

C. : Donc, il avait bon sur les 2 chiffres !

R. : Ouais, alors j’ai téléphoné au gars qui me l’avait vendue 100 sacs à l’époque et il m’a dit qu’il allait me la réparer. Alors, il est venu la chercher et pour qu’il n’ait pas d’emmerdes avec, au cas où il se fasse arrêter, je lui ai filé les papiers que je n’avais pas encore changés. Trois jours après, il me téléphone, en me disant qu’on lui avait volée.

C. : Du coup, tu l’as jamais revue quoi.

R. : Jamais. Mais un mois plus tard, un autre pote m’appelle pour me dire « Tiens, j’ai vu ton copain sur ta moto… ». Donc, il me l’avait vendue 100 sacs, après il l’a récupérée avec les papiers, C’était pas une  mauvaise affaire pour lui.

C. : Après, je t’ai connu avec des Harley.

R. : Oui, mais avant j’ai eu une 250 Honda CB. C’était au moment du Café de la Gare. Je l’ai gardée le temps de la payer. Enfin de payer le crédit. Parce que je l’avais achetée neuve. J’ai payé pendant deux ans et le jour où le crédit était terminé je l’ai revendue. C’était l’époque du Bol d’Or de Montlhéry. Je faisais des concentrations et tous les vendredis soirs, j’allais à la Bastille. C’était le moment où je portais un barbour, j’achetais Moto (bip), j’avais un Cromwell et je rêvais d’avoir un intégral Bell. Je me souviens d’un pote qui en avait rapporté un des US, alors il frimait a mort ! Sans oublier les lunettes Climax. Enfin tous les plans des motards de l’époque. C’était en 71-72. Ensuite, j’ai attendu 77 pour en racheter une. C’était une 1000 Harley Sporster. Je l’ai immédiatement déguisée en chopper avec des sacoches, un grand guidon, une fourche longue et des chromes partout, une selle Cobra et un petit réservoir goutte d’eau. Mais j’ai fait une grosse erreur, c’est que j’ai mis un camembert chromé à la place du filtre à air d’origine. Alors là, elle s’est mise à merder et depuis elle n’a jamais cessé. Une horreur.

C. : C’est pour ça que tu me l’as échangée contre ma Bonneville !

R. : Depuis le temps, y a prescription… La bonnie, je l’ai gardée 6 mois. Le temps de me faire quelques frayeurs. J’avais oublié qu’une bécane ça pouvait aller vite ! Et faut dire que la Triumph c’était un modèle de freinage et de tenue de route. Alors je l’ai revendue et récemment, pour partir en tournée, j’ai acheté une Yam. Une 1100 Midnight Spécial.

C. : Et c’est mieux que la Triumph ?

R. : Sans problème, l’autre jour je suis remonté du Midi avec, j’étais à 190, pas une bagnole ne m’a doublé…

C. : Ça, faut pas le dire ! Alors on va marquer que tu roulais à fond, à peu près à…

R. : T’as raison, faut pas le dire. Mais un moment, il s’est mis à pleuvoir, j’étais avec mon petit casque et mes Ray Ban, un blouson en cuir et un jean alors à chaque fois qu’une caisse me doublait, c’était l’enfer. J’ai dû mettre 2 heures pour faire Lyon-Macon.

C. : Qu’est-ce que tu aimes bien dans la moto ? 

R. : J’aime la liberté que ça procure. Tu vas plus vite, plus facilement. Et toutes les sensations physiques que tu ressens. En plus, c’est beau comme objet. Mais, par contre, ce qui me fait chier, c’est que c’est pas confortable, y a pas la radio, les essuie-glaces, le chauffage. Tu peux pas remonter les vitres ni tirer à l’arrière ! Ou alors faut t’arrêter… Ça ne m’empêche pas de partir cet été faire une tournée au Canada et de m’acheter une Harley pour me déplacer là-bas Parce que, j’adore les sensations que tu as quand tu es au guidon de ta moto. Même si c’est plus risqué et tout le reste. Par contre, je suis prêt à mettre 5, 6 ou 10 briques dans une moto, car j’ai la chance de pouvoir le faire, mais ça me fait gerber l’idée de payer 7 ou 8 000 balles pour une assurance. Car pour t’assurer ils sont super gentils, mais les jours ou t’as un accident ou un problème, tu peux toujours attendre. Ils n’en ont rien à secouer.

C . : Tu as raison, pour te prendre des ronds ils sont là, mais dès qu’il faut te les rendre tu peux te les accrocher. Bref, ton genre de moto c’est quoi ?

R. : J’aime bien toutes les motos, mais j’ai une certaine tendresse pour les Harley.

C. : Mais tu préfères les Harley qui rouillent et qui marchent quand elles ont le temps ou les Japonaises qui marchent tout le temps ?

R. : Les deux. Ça dépend de ce que tu veux faire avec. Si c’est pour tous les jours, il faut une Japonaise, c’est  sûr. Mais comme je ne fais pas de la moto tous les jours, je préfère les Harley.

C. : Alors, ta prochaine moto, ça sera quoi ?

R. : Je ne sais pas encore, mais de façon elle aura deux roues… ■

  

Source : Motoscopie Loisirs