Nous avons écouté le dernier album de Renaud en avant-première

Le Parisien

Par Eric Bureau
Le 13 novembre 2019 à 22h04

Le 17e album de Renaud, « Les mômes et les enfants d’abord », qui sortira le 29 novembre, est un disque sur l’enfance réussi et souriant, où le chanteur de 67 ans retrouve son humour mais pas sa voix.

Renaud s’est associé au dessinateur Zep pour son dernier clip, « les Animals ». DR

Le précédent disque de Renaud, sorti il y a pile trois ans, s’est vendu à 772 000 exemplaires et a été prolongé par 120 concerts tous complets. C’est dire si les Français l’aiment et si son 17e album studio, « Les mômes et les enfants d’abord », est attendu! Deux semaines avant sa sortie, le 29 novembre, sa maison de disques Parlophone a mis en place pour les journalistes le même dispositif que pour l’ultra sensible dernier album enregistré par Johnny Hallyday : une session d’écoute unique et collective, afin d’éviter toute fuite.

Après avoir découvert mardi à minuit son premier single, « Les Animals », et son clip, nous nous sommes retrouvés ce mercredi à 19 heures sous le préau de l’école maternelle du XIVe arrondissement de Paris que fréquenta jadis Renaud Séchan. L’écrin idéal pour écouter douze chansons réussies, non pas pour enfants mais sur l’enfance. La pochette et le livret du disque ont d’ailleurs été illustrés par Zep. Le dessinateur et le chanteur partagent le même humour un rien grivois et provocateur.

 

« Les mômes et les enfants d’abord » réunit douze titres, dont les textes ont tous été écrits par Renaud, sauf « Le petit crabe et la langoustine », une chanson du musicien de jazz Jacques Mahieux, décédé en 2016. Le chanteur de 67 ans a aussi mis en musique la gentiment grivoise « Pin-pon ». Quatre morceaux ont été composés par son ami Thierry Geoffroy, qui a co-réalisé l’album, trois par son ex-gendre Renan Luce, deux par son ex-femme Romane Serda et une par Michaël Ohayon, qui avait travaillé sur le disque précédent.

Une voix râpeuse

À la première écoute, ce qui saute aux oreilles et fait mal au cœur, c’est la voix de Renaud. Ceux qui l’ont entendue sur sa tournée savent qu’elle est abîmée. Sur le disque, elle est en meilleur état — Renaud a arrêté de boire de l’alcool il y a dix mois —, mais elle reste râpeuse, parfois caverneuse. Le parti pris des réalisateurs du disque, Thierry Geoffroy et Bertrand Lamblot — qui fut le directeur artistique de Johnny Hallyday — a été de ne pas tricher avec la réalité et d’adapter la musique à sa voix. C’est respectable, ça rend l’écoute touchante mais parfois difficile.

Se détachent d’emblée quatre chansons : le single « Les animals », la jolie ballade « L.O.L.I.T.A. » dédiée à sa fille Lolita Séchan, et les entraînantes « On va pas s’laisser pourrir » – qui a un p’tit air de « Dès que le vent soufflera » – et « Ça va gueuler » dans un registre folk-rock qui donne le ton de l’album et lui va toujours bien. « Pin-Pon » est une valse lente avec accordéon et trompette, « J’aime rien » et « C la récré » deux blues-rock, le premier avec harmonica, le second avec un chœur d’enfants sur le refrain.

Une plume plus légère

Comme toujours, on scrute ses textes avec intérêt. Sa plume est moins sombre que sur l’album précédent, écrit après l’attentat de Charlie Hebdo, où il avait perdu plusieurs copains. On le retrouve plus souriant, léger, tendre, enfantin, plus cancre que premier de la classe, avec des chansons sur la vie d’écolier, la récré, les monstres nocturnes ou Guignol…

Mais il peut revenir bougon et grinçant, ce qu’on aime bien aussi, en particulier dans « J’aime rien », où il dénonce pêle-mêle la feria et la corrida – « ça pue la souffrance, ça pue la mort », les « gros avions d’Airbus », « les fachos, les socialos » et « ces pauvres écolos qui roulent à vélo ». Et sa… chanson. « Et puis surtout j’aime pas ma chanson, c’est pas Ferrat, pas Aragon ».

On est heureux aussi de retrouver un Renaud optimiste, évoquant à plusieurs reprises son combat victorieux contre l’alcool. Dans une chanson antidrogue, « On va pas s’laisser pourrir » : « J’connais un pote chanteur, qu’a paumé dix ans d’sa vie/dix ans d’errance, de malheur, dépression, hypocondrie/Tout ça à cause du Pastis/Le seul poison de Marseille/A cause d’une vie bien trop triste/A cause d’une vie sans soleil. » Et dans « Les animals » : « J’ai une passion depuis peu pour les beaux Phenix/J’en connais un peu parmi eux, il est fantastix/Autrefois on l’appelait Renaud le renard/Mais depuis qu’il boit du lait, il est plus peinard ».

  

Source : Le Parisien