N° 75, 3 au 9 mars 1986
Guitare au poing, Renaud se bat depuis longtemps contre la bêtise et la haine. Surnommé le « Tintin de la chanson », l’idole des jeunes en mobylette vous donne « rencart » au Zénith jusqu’au 25 mars.
- Vos chansons parlent souvent des HLM, des loubards, en un mot de la « zone ». Vous y êtes né ?
Non. Mon père était prof et ma mère exerçait le beau métier de mère de famille. Six enfants, c’est du boulot ! On habitait Porte d’Orléans. On n’a jamais roulé sur l’or, mais on ne manquait de rien. Côté amour, on était même « vachement » gâtés. La plupart de mes copains, par contre, vivaient à Argenteuil et à la Courneuve, ces banlieues pleines de béton et de misère. C’est pour eux que j’ai écrit mes premières chansons. D’abord, vraiment tout au début, j’ai chanté dans la rue en faisant la manche, puis dans les bistrots et enfin les café-théâtre où j’ai rencontré Coluche. Vous connaissez la suite.
- Vous êtes ce qu’on appelle communément un chanteur engagé. Contre quoi ?
Contre la bêtise et la haine, sous toutes leurs formes. En lisant les journaux et en regardant la télé, je suis horrifié par la violence et l’instinct guerrier des hommes, partout dans le monde. Moi, j’ai une arme pour dénoncer cela : la chanson. Il y a d’autres moyens d’agir mais je me méfie des organisations, des partis. Je n’aime pas les petits chefs et ça, malheureusement, il y en a partout.
- Vous rejetez toutes les institutions ?
Non… Mon père est de couche protestante. Il m’a transmis le respect de certaines valeurs. La famille, par exemple. Je suis marié et père d’une petite fille de dix ans, Lolita. Les fêtes et les anniversaires, on les passe tous ensemble. Pour ça je suis vieux jeu. Pour le reste, je suis anar. Si j’avais pu choisir mon destin, j’aurais aimé vivre dans des tribus indiennes, du temps où elles étaient encore libres. Elles ne possédaient rien mais avaient tout : l’espace, les rivières, la nature…
- Menez-vous quand même une vie rangée ?
Très. Quand je ne chante pas, je vois mes copains, je vais au ciné, je m’occupe de ma fille. Après le Zénith, je prendrai le temps d’écrire un scénario pour le cinéma. Je connais déjà une partie de la distribution : mes potes Coluche, Christophe Lambert et un certain Renaud.
- Dans votre dernier disque, « Mistral gagnant », vous dites beaucoup de bien des femmes…
La violence et la guerre, c’est l’affaire des mecs. J’aime les femmes car elles sont sensibles, tendres, pacifiques (sauf Mme Thatcher).
Éric Lamour
Source : Femme Actuelle