On a tout compris depuis bien longtemps. Depuis notre tout premier tour de vinyle en fait. Nous avions fini par ne plus être dupes de toutes les magouilles de ces gens pour qui le pouvoir était le Saint-Grall, notre Marseillaise à nous s’était transformée en un refrain de Georges Brassens, le maître du maître. On était jeunes, on lisait Charlie Hebdo, on crachait sur la pub, on ne voyait autour de nous que mensonges et poésies aussi. On était des anges dans notre genre en chantant Hexagone. Nos visages étaient lisses, nos regards clairs. C’était la jeunesse révolte, une jeunesse rebelle mais pleine d’espoir. Et nous avions trouvé notre idole. C’était avant les premières blessures de la vie. Cette vie qu’on ne pensait pas si facile, mais dont on pouvait jouir à volonté. Dans nos rêves, on était potes avec Renaud, lui le frangin, le poto. Et avec Rita, Dédé, Mélusine, Germaine, Mimi, Manu, Pierrot, Gérard Lambert, Titi, la Pépette, Lucien, on formait une sacrée belle bande. On était bien. Avec eux, sûr et certain qu’on ne se ferait pas avoir par la société. Douze albums studio pour nous aider à grandir avec des certitudes sur des chemins d’incertitudes. Cette vie nous promettait une java sans joie en permanence, mais au comptoir des amis, on pouvait laisser béton.
L’amoureux de Paname, cet ange blond en jean et perfecto suivait son chemin avec la même désinvolture que nous, sans message à délivrer juste cette question existentielle qui finalement résume à elle seule toute une vie : « C’est quand qu’on va où ? ». Parfois, nous n’avons encore rien construit, parfois, c’est tout ce qu’on a construit qui s’effondre, putain quel boucan d’enfer… Un chagrin nous fait perdre toutes envies, nous ramènent au commun des mortels. Le chanteur énervant au grand cœur n’a jamais été un super-héros indestructible et son propre double traîne toujours dans les parages. Mister Renard semblait avoir eu la peau de Docteur Renaud, parce que chez les sensibles les maux se combattent par les mots, les mots se construisent par les maux, mais quand les maux sont trop forts où sont les mots ? Non, il n’était et n’a jamais été un faible ni un lâche, il a juste déserté, pour vivre heureux il vit caché au fond de son bistrot peinard, taciturne, désabusé, loin de ce monde de barbares. Nous, nous sommes tous là, pour une énième ballade irlandaise mais chargée de souvenirs.
Quand j’y repense aujourd’hui,
sur ma mob je m’ennuie…
Un petit coup dans le rétroviseur, nous savons maintenant où nous allons, nous les enfants de Renaud. Il suffit de temps en temps de se replonger dans un album, une chanson pour le savoir. La vie est cette fleur fanée d’hier qui nourrit la terre de nos rêves pour demain. La vie qu’a chanté Renaud n’a que des similitudes avec la nôtre. Aujourd’hui, le poète semble être fatigué, en tout cas il se murmure qu’il n’a plus l’inspiration. Et alors ? Avec ou sans prochain album, il n’est pas né celui qui prétendra que Renaud a dit son dernier mot. Même du fond de sa retraite. Au fond, qu’il y reste, il le mérite.
De nos jours, ce qui reste à travers son héritage, c’est que l’on est un enfant pour l’éternité, Renaud nous l’a enseigné… Et ainsi, nos yeux brillent pour toujours malgré cette putain de nostalgie du temps qui passe et qui emporte avec elle… Vous connaissez la suite.
Une chanson pour Renaud (Daguerre) – https://youtu.be/4FjtukjZaMA
Source : BREAK MUSICAL