Nouvel album de Renaud : sur l’enfance, pas forcément pour les enfants

Le Républicain Lorrain

MUSIQUE

En avant-première, dans l’école maternelle à Paris qu’il a fréquentée gamin, nous avions écouté les douze chansons de l’album de Renaud « Les mômes et les enfants d’abord », sorti ce 29 novembre. La verve acidulée ravira les parents nostalgiques, et peut-être leur progéniture.

Par Xavier FRERE – 29 nov. 2019 à 08:38 | mis à jour le 29 nov. 2019 à 08:48 – Temps de lecture : 4 min

Renaud chante l’enfance, sur la sienne en « preum’s », sur cet album qui sort ce 29 novembre. Photo Pascale HARTMANN

« Détrompez-vous, public chéri, ces chansons ne sont pas toutes pour les marmots. » Dans un « avertissement spécial », sur la brochure qui accompagne l’écoute de son 17ème album, « Les mômes et les enfants d’abord » (Parlophone), Renaud annonce la couleur. Il chante l’enfance, oui, la sienne en « preum’s » comme il dit, mais avec quelques gros mots. Pas forcément à mettre entre toutes les petites z’oreilles donc…

Dans le clip « Les animals », Renaud et son double de BD, dessiné par ZEP. Capture d’écran Renaud/Youtube

C’est dans l’école maternelle de son enfance (fin des années 50), justement, rue Sarrette, dans le 14ème arrondissement de Paris, que sa maison de disques avait convié des journalistes (dont le groupe EBRA) pour leur faire découvrir les douze nouveaux titres. Idée originale pour se frotter aux premières années du « Phénix », 67 printemps et hivers, qui renaît une nouvelle fois de ses cendres.

« On va pas s’laisser pourrir par cet alcool à la con »

Ce Phénix, il y fait d’ailleurs référence dans le premier titre « Les Animals » qui vient d’être mis en ligne : « Autrefois, on l’appelait Renaud le renard/Mais depuis qu’il boit du lait/il est bien plus peinard », chante ainsi Renaud, avec une auto-dérision, et un regard-mea culpa sur son addiction à l’alcool, qui revient de façon récurrente sur ce disque.

En priorité sur « On va s’laisser pourrir », chanson-étendard de prévention plutôt efficace contre les addictions. Il chante sans fard : « J’connais un pote chanteur/Qu’a paumé dix ans d’sa vie/Dix ans d’errance, de malheur/Dépression, hypocondrie ».

 

Renaud ne boit plus, ou en tout cas, « que de l’eau, depuis dix mois ». Il souligne que « la dernière cure de désintoxication a réussi » et s’en prend aux tabloïds qui donnent un bulletin de santé alarmant.

Les enfants d’avant les smartphones

Mais avec « Les mômes et les enfants d’abord », Renaud, même si la voix, forcément, n’est pas toujours au rendez-vous, retrouve une seconde jeunesse. Et nous fait retrouver la nôtre, celle des malabars et des roudoudous, de la cour de récré et des copains d’avant smartphone et réseaux sociaux.

Un parfum de nostalgie ? « Renaud parle aux enfants et aux adultes, aux enfants qui sont en nous », résumait dans le préau couvert de l’école Christophe Palatre, patron de Parlophone/Warner, la maison de disques du chanteur.

Dans le préau couvert de l’école maternelle de Renaud, dans le 14e arrondissement de Paris, l’écoute de l’album Photo XF

De « Pinpon », digne de Fernande de Brassens, pour les plus avertis, à « Y z’ont mis le feu à l’école », le chanteur énervant ne s’interdit rien. Ni un pas de côté joyeux et salace, ni se raccrocher à l’actualité pour dénoncer les carences éducatives des « branquignols ».

Il se fait forcément sentimental en jouant « L.O.L.I.T.A. », déclaration d’amour à sa fille Lola version 2019. Le chanteur joue aussi de sa réputation de bougon-né, d’empêcheur de tourner en rond, à travers « Ça va gueuler » peut-être la plus authentique, ou la drôlerie « J’aime rien » toujours en auto-dérision : « J’aime pas les fachos, ni les socialos/ces pauvres écolos qui roulent à vélo/pis surtout j’aime pas ma chanson/c’est pas Ferrat, pas Aragon ».

Renaud photo Pascale Hartmann

Toute la promotion de ce nouvel album s’accompagne des dessins de Zep, auteur entre autres de la BD de « Titeuf ». « C’est Renaud qui a eu cette idée », souligne son entourage. Elle est lumineuse. Zep a croqué un double à Renaud, plus blond, plus enfantin, marinière et bandana.

Onze titres écrits en trois semaines

Le vrai Renaud n’est pas un cancre quand il s’agit de lâcher les vers. Le thème de l’enfance – son enfance – l’a inspiré. Les 11 chansons qu’il co-signe (avec Renan Luce, son gendre, Romane Serda son ex-femme, ou avec Thierry Geoffroy et Michaël Oyahon) ont été bouclées en deux à trois semaines. « Il se levait tous les jours à 5 heures du matin », glisse son producteur.

Thierry Geoffroy, lui, quarante ans d’expérience dans la chanson (avec Céline Dion, Hélène Ségara…), n’avait encore jamais bossé avec Renaud, son ami depuis une décennie. « Je lui ai dit  »aboule le texte, je te fais la musique », et c’est parti », a expliqué le musicien face à la presse. « Renaud est un chanteur vrai, à la gouaille naturelle, nous avons misé sur des arrangements dépouillés pour mettre en valeur sa voix… ».

Musicalement, les cuivres et les instruments à vent, comme les bois, ont été privilégiés, ce qui donne une tonalité folk/country/rock à cet album. « On a mis en valeur la narration, les fables de Renaud, c’est un album attendrissant qui lui ressemble », trace Bertrand Lamblot, le co-réalisateur, qui a travaillé dernièrement sur l’album posthume de Johnny.  

Nouveau carton discographique en vue ?

La dernière apparition publique de Renaud remonte à la remise des prix de la Sacem 700 000 spectateurs ont assisté à la tournée-marathon de son dernier album « Toujours debout ». 

Des enfants, déjà, étaient présents aux concerts de Renaud, avec leurs parents. À la fin de la première chanson, l’artiste les invitait d’ailleurs à se glisser juste devant les barrières de sécurité. Comme si le lien avec ce monde de l’enfance n’avait jamais été rompu par l’artiste, si sa mélancolie s’avérait désormais plus joyeuse.

L’ex-loubard, l’ex-mister Renard, va-t-il rééditer avec « Les mômes et les enfants d’abord » le même exploit qu’avec le précédent « Toujours debout », écoulé à 800 000 exemplaires, un miracle par les temps qui courent ? Il élargit en tout cas sa palette et s’adresse avec ce disque à plusieurs générations en même temps. Il n’est pas prêt à « laisser béton ».

« Les mômes et les enfants d’abord » (Parlophone/Warner), sortie ce 29 novembre.

  

Source : Le Républicain Lorrain