Pas si loubard que ça !

Ici Paris

N° 1736, 12 octobre 1978

SOUS SES DEHORD DE « DUR À CUIRE », RENAUD, LE CRÉATEUR DE « LAISSE BÉTON » NE RÊVE QUE D’UNE VIE TRANQUILLE EN FAMILLE.

« J’ai eu trop de chance. Une enfance heureuse. Des projets qui aboutissent et maintenant le succès et le fric. J’ai peur de ne pas pouvoir en profiter. Peur de mourir avant ! » C’est pour cette raison – la mort le hante depuis toujours – que Renaud, auteur-compositeur-interprète de « Laisse béton » et de la « La boume » brûle la vie par les deux bouts.

« Elle est trop courte pour être vécue normalement. Pour moi, il n’est pas question de « métro, boulot, dodo ». Le métro, je ne le prends pratiquement jamais ; le boulot, je ne considère pas ce que je fais comme en étant un et le dodo, je n’y passe que très peu de temps. J’ai l’impression de rater quelque chose lorsque je dors. C’est pourquoi je ne me couche que lorsque je tombe. Au moins, je profite de cette putain de vie au maximum. Tant pis si je dois craquer plus vite qu’un autre. »

Renaud, qui a toujours vécu à 150 à l’heure – par goût, il a essayé la boisson, par curiosité, le haschisch – cherche avant tout à vivre, même s’il ne comprend pas toujours très bien ou mène cette vie…

Clochard de luxe

UNE FEMME, UN FOYER ET PUIS DES ENFANTS, C’EST AINSI QUE RENAUD ENVISAGE SON AVENIR

« Je ne comprends pas les gens et pourtant, je les côtoie à longueur de jour et surtout de nuit. Je les vois végéter ou se soûler pour oublier qu’ils ne sont pas heureux. Ça me rend triste et ça me donne encore plus envie de me révolter et de cracher à la gueule du public des Champs Elysées. C’est pourquoi on dit de moi que je suis un marginal, un rebelle et un loubard. Si la vie n’était pas ce qu’elle est, je ne serais pas comme je suis. Bien sûr, que je suis un loubard et j’en suis fier ! Depuis que je suis parti de chez mes parents, j’ai toujours vécu dans la rue, aujourd’hui je suis un clochard de luxe qui roule en voiture mais qui a toujours gardé la même façon de penser. Mon personnage n’a pas changé parce que je ne l’ai pas composé. Ce n’est pas une façade, c’est vraiment moi. »

Le seul moment où Renaud retrouve le sourire, c’est lorsqu’on lui parle d’amour. Son grand rêve est de vivre heureux avec Dominique, la femme qu’il aime et avec qui il vit depuis deux ans, et d’avoir un enfant. Là, il ne pense même plus à la mort. A croire qu’il ne sait même plus qu’elle existe.

« DOMINIQUE M’A STABILISÉ, LORSQUE JE SUIS AVEC ELLE, J’OUBLIE MA HANTISE DE LA MORT. JE NE PENSE QU’A ELLE, A NOUS ET A NOTRE AVENIR. »

Un avenir que Renaud voit en rose. Une femme, un enfant – ou peut-être six. Il aime les grandes familles, pour avoir lui-même deux frères et trois sœurs avec qui il s’entend parfaitement ; un chien et une maison à la compagne, c’est tout ce qu’il demande. Ça lui permettrait de fuir la faune parisienne. 

« Si je réussis à réaliser mon rêve, je crois que je deviendrais un homme sérieux. Responsable. Ce qui ne m’empêchera tout de même pas de continuer à vivre à 150 à l’heure. Pas question de ne plus « s’éclater ». Pas question de me coucher comme les poules et de mener une vie pépère et végétative et pas question non plus d’être autre chose qu’un loubard.

« Seulement, je serais un loubard marié et père de famille. Un loubard sentimental, jaloux, possessif, fidèle et même un peu vieux jeu. En amour, je suis comme ça. Ça tient à mon éducation. A soixante ans, mes parents sont toujours aussi amoureux l’un de l’autre. Ils me montrent l’exemple. »

Un exemple qu’il suivra si bien sûr tout se déroule comme prévu. Par contre, si la femme de sa vie le quittait pour un autre ou parce qu’elle ne supporterait plus la vie qu’il lui fait mener, Renaud craquerait…

Claude SAX

  

Source : Ici Paris