Patricia Kaas: «Les textes sont directs, comme la musique»

L’Express

Par Gilles Médioni | Publié le, mis à jour le 

Nouvel album pour Mademoiselle Patricia, plus débridée, plus sexy, mais toujours guettée par le doute. Frêle et délicate, mais poids lourd de la chanson française – 15 millions d’albums vendus – Patricia Kaas a chanté le blues, rassemblé 3 millions de spectateurs en quinze ans et battu des records hors des frontières. A 37 ans, la chanteuse, installée à Zurich, amorce un virage avec Sexe fort (Columbia/Sony), un septième disque plus électrique. Kaas se raconte dans le bar d’un hôtel parisien en courant après sa chienne, Tequila. Elle a une hernie discale, mais il fait beau et George Clooney, dont elle est fan, se trouve dans les parages.

Etes-vous une femme forte?

En tout cas indépendante, libre, volontaire. On parle souvent de mélancolie à mon sujet, ce n’est pas faux non plus: la mélancolie est dans mon caractère, mais cette image s’est accentuée avec des succès comme Il me dit que je suis belle et Une fille de l’Est. Claude Lelouch m’a confié un jour qu’il y avait une grande tristesse dans mon sourire et que, du coup, ça le rendait plus marquant. Cette puissance que j’ai aussi en moi, elle explose sur scène. Alors, sans doute que Où sont les hommes? [son single], avec ses guitares, surprend autant que mon attitude. Je présente ce titre à la télé avec un groupe de filles, et le chanteur de Pleymo [formation rock] a réalisé mon clip.

Parmi vos auteurs-compositeurs figurent Goldman et Obispo, deux fidèles, mais aussi Cabrel, Renaud, Bertignac, Roda-Gil.

Ça m’a surprise que toutes ces grandes plumes se penchent sur moi. Je suis peut-être naïve, mais je ne vois toujours pas quelle place j’occupe dans ce métier, même si je sais que j’inspire le respect.

Pendant que je réunissais mes dernières chansons, j’ai songé à faire appel à la nouvelle génération: Raphaël, Bénabar, Mickey 3D ou Keren Ann, mais je n’ai pas osé. Vous voyez comme je doute.

Ce sont des chansons autobiographiques…

Où je pose des questions, où je culpabilise, mais pas sans raison. Les textes sont directs, comme la musique. Ma blessure est dédié à ma mère [disparue en 1989], J’en tremblerai encore, à mon frère, décédé l’année dernière. Que reste-t-il après un deuil, sinon une blessure, une cicatrice?

Comment avez-vous vu le métier évoluer?

Les médias audiovisuels ont pris le dessus, ils décident presque pour vous. Avant, le programmateur radio décrétait: «J’aime ou j’aime pas.» Maintenant, c’est: «On verra; si ça marche, on passe votre titre.» Le nombre de chanteurs confirmés qui n’ont plus de contrats fait peur. Pourtant, la chanson a besoin de vrais artistes. Si on les décourage, qui va-t-il rester?

Les élèves de la Star Academy ou de Popstars, par exemple…

Certains ont des qualités. A leur âge, j’aurais aussi tenté l’aventure. De là à les propulser sur le devant de la scène sans expérience… Moi, j’ai quand même commencé à l’âge de 8 ans.

Que pensez-vous de la vague des chanteuses à voix que vous avez précédée?

Lara Fabian a une grande technique vocale. Hélène Ségara, Julie Zenatti, Natasha St-Pier savent chanter. Ma voix est plus grave que la leur, plus rare, son grain tire vers le blues. Vu cette concurrence, c’est une chance.

En 1987, vous présentiez «Mademoiselle chante le blues» quasiment en col roulé. Aujourd’hui, vous vous promenez le nombril à l’air.

Tout le monde change. Désormais, même les héroïnes de dessins animés ont des décolletés vertigineux. J’ai 37 ans, on me trouve jolie, j’en profite. Les photos, les poses ne sont pas que sexy: se dévoiler, c’est donner de soi dans tous les sens du terme.

Vous vous êtes produite 800 fois en concert. Si vous deviez n’en retenir qu’un?

C’est difficile… Probablement celui que j’ai donné au Festival de jazz d’Antibes à mes débuts. Au milieu de la cinquième chanson, j’ai réalisé que deux jours plus tard j’allais chanter à Forbach devant ma famille… et j’ai perdu ma voix.