Montréal, jeudi 11 juillet 1991
Jocelyne Richer
de notre bureau de Québec
PAR MESURE de sécurité et parce qu’elle avait vendu presque trois fois plus de billets que ne le permettait le règlement municipal pour la série de spectacles du chanteur Renaud, l’organisation du Festival d’été international de Québec s’est vue dans l’obligation, au pied levé, de produire la vedette dans une autre salle beaucoup plus vaste.
C’est ainsi que Renaud qui devait chanter au Bar-Spectacle D’Auteuil, une petite boîte du Vieux Québec de style cabaret, d’une capacité de 123 places, chantera plutôt à l’Institut canadien, qui peut accueillir 600 spectateurs. Du même coup, l’organisation met en vente une nouvelle série de 300 billets par soir, jusqu’à samedi.
Ce changement a été accueilli comme une gifle par les propriétaires du D’Auteuil qui estiment s’« être fait avoir » par le Festival d’été et vont jusqu’à se demander si ce contretemps ne les obligera pas à « fermer la place ».
Chose certaine, de l’avis de M. Philippe Benoit, l’un des deux propriétaires, le départ de Renaud (qui devait chanter cinq soirs au D’Auteuil) signifie une perte sèche de 10 000 $. Depuis hier, il consulte ses avocats pour examiner si des recours peuvent être intentés contre les organisateurs du Festival, qui lui inspirent beaucoup d’amertume.
« Le Festival voulait faire trop d’argent avec Renaud. Les organisateurs ont exagéré : ils ont vendu pas moins de 330 billets par soir, sans compter les billets de faveur, pour une salle qui, selon le règlement, peut contenir 123 personnes ! », rage M. Benoît.
Renaud n’aura donné qu’un seul spectacle au D’Auteuil, mardi soir. « Les gens étaient tassés comme des billots, assis, debout, partout », raconte M. Benoît. Hier matin, à la suite d’une plainte, des représentants du Service des incendies de la ville de Québec allaient examiner les lieux, et sommer le propriétaire de respecter le règlement municipal.
Alertés, les organisateurs du Festival d’été n’ont eu d’autre choix que de trouver rapidement une autre salle pouvant accueillir plus de spectateurs, sans mettre en cause la sécurité du public.
Ce changement de cap vient jeter une ombre sur un des bons coups des organisateurs, soit de présenter une vedette comme Renaud, habitué aux salles de dimension olympique, dans l’atmosphère intime d’une petite boîte de style cabaret, où les gens prennent un verre et peuvent voir l’artiste de près.
Le premier intéressé, qui misait beaucoup sur cette formule, s’est montré penaud et s’est dit fort déçu de la tournure des événements. Au cours d’une brève entrevue, Renaud a dit qu’on avait monté en épingle une déclaration faite à un quotidien de Québec, à l’effet qu’il n’était pas du tout content d’apprendre qu’on avait vendu beaucoup plus de billets que le nombre de places assises.
Semblant excédé de se sentir au centre d’une polémique, le blond chanteur ne voudrait pas « faire la une des journaux à chaque petite déclaration ».
Pour sa part, le Festival soutient avoir « vendu 300 billets par spectacle en fonction du gabarit de salle tel que garanti par le propriétaire du Bar-Spectacle D’Auteuil dont la jauge est habituellement reconnue comme pouvant accueillir une moyenne de 300 à 400 spectateurs. »
Source : Le Devoir