28 novembre 2019
La Rédaction,
Il est l’un des artistes français les plus populaires. Auteur, compositeur et interprète, Renaud semble indétrônable dans le cœur du public. Une voix reconnaissable entre toutes, des textes acérés, parfois engagés, aux thèmes tantôt légers, tantôt graves, font également de lui l’un des chanteurs français les plus prolifiques : près d’une vingtaine d’albums studios pour plus de vingt millions d’exemplaires vendus.
Mais pas question pour Renaud de s’arrêter là : après avoir sorti en 2019 son album Les mômes et les enfants d’abord, son 17e disque, le chanteur annonce, deux ans plus tard, son successeur ! Sortie prévue : début 2022. Et si les succès sont nombreux, les parts d’ombres du « chanteur énervant » le sont tout autant. Retour sur la vie et les secrets de l’un des monstres sacrés de la chanson française.
Une enfance tiraillée
Renaud Séchan naît le 11 mai 1952 à Paris. Son père, Olivier, était un intellectuel, professeur, traducteur et écrivain. Sa mère, Solange, était ouvrière à Saint-Étienne, puis femme au foyer après son mariage, à ses 20 ans. « Fait de ces deux héritages, j’ai passé ma vie à aller de l’un à l’autre. Tantôt passionné par les mots et recherchant le silence pour écrire, tantôt rattrapé par le goût de l’engagement, le besoin de solidarité et la colère contre tous nos égoïsmes », écrit Renaud dans son autobiographie « Comme un enfant perdu ». Un livre sorti en 2016 dans lequel l’artiste se dévoile comme jamais, appuyé par la plume de l’écrivain Lionel Duroy.
Alors qu’il a 64 ans, le chanteur raconte son enfance, sa relation avec ses parents, les secrets bien enfouis de sa famille, les démons qui le hantent toujours.
Des secrets de famille enfouis
Renaud a deux frères : son faux jumeau David, et Thierry, écrivain mort en janvier 2019, ainsi que trois sœurs : Nelly, Sophie et Christine. Mais la famille a des secrets. « Mon frère Thierry m’annonce un matin que Christine n’est pas la fille de notre mère, qu’elle n’est en somme que notre demi-sœur. Cela ne change rien à l’amour que je porte à Christine, mais quelque chose en moi commence alors à se détricoter. Quoi, notre père aurait donc connu et aimé une autre femme avant notre mère ? », écrit Renaud dans son autobiographie.
En 1964, à 12 ans, Renaud découvre en effet que son père a été marié une première fois. Une femme qui est décédée avec leur fils, Nicolas, des années plus tôt. Lors de l’enterrement de son frère Thierry en 2019, il découvre également l’existence d’une autre demi-sœur, Catherine, morte quant à elle en 1939, d’une maladie infantile.
« Fils et petit-fils de collabo »
L’autobiographie de Renaud débute sans détour : « Je suis né dans une famille heureuse et dont j’ai longtemps ignoré les secrets. Ces secrets qui m’ont plus tard arraché des larmes, m’ont précipité dans la culpabilité ». L’un de ces fameux secrets continue de hanter le chanteur. À ses 18 ans, Renaud travaille dans une librairie à Paris, quand son cousin le traite de « fils de collabo ». Il découvre rapidement pourquoi. Dans les années 1940, son grand-père aurait adhéré à un parti fasciste, le PPF (Parti populaire français).
Le père de Renaud travaillait quant à lui pour Radio Paris, épinglé pour propagande et taxé de collaboration. Un héritage difficile pour l’artiste. « Renaud, fils et petit-fils de collabo, ai-je lu dans certains journaux. Je porte ces mots comme une croix sur mes frêles épaules », déplore-t-il dans son livre, défendant son père des accusations portées contre lui.
Renaud, ce révolutionnaire
Mai 68. En France en général, et à Paris en particulier, les voix étudiantes s’élèvent. Et les barricades fleurissent. À l’origine d’une révolte qui enflammera tout l’Hexagone, des manifestations étudiantes contre le capitalisme, le consumérisme et le pouvoir en place. Et sur les barricades parisiennes, il n’y a pas que les slogans qui unissent les manifestants, mais aussi plusieurs chansons, entonnées en chœurs par les contestataires.
Parmi les hymnes des événements de mai 68, on trouve la toute première chanson de Renaud, « Crève Salope », qui épingle l’autorité, celle « du père », « du flic » ou « du curé ». Le chanteur, encore anonyme, n’a que 16 ans quand il escalade les barricades pour jeter des pavés aux CRS. Sa chanson est rapidement adoptée par les étudiants révoltés, notamment ceux de la Sorbonne.
Des débuts de comédien
Si Renaud a vendu des millions de disques durant sa carrière, ses débuts se sont faits au hasard des rencontres. Et dans la rue. Dans les années 1970, le jeune artiste enchaîne les petits boulots à Paris, comme magasinier ou vendeur dans une librairie du boulevard Saint-Michel. Tout bascule quand il fait la connaissance de l’acteur Patrick Dewaere, qui le fera rentrer, en tant que comédien remplaçant, au Café de la Gare à Paris. À l’époque, s’y produisent Coluche, Miou-Miou ou Romain Bouteille.
Après quelques représentations de « Robin des quoi ? », pour Renaud, la vocation est toute trouvée : il sera comédien. Un hasard d’une rencontre dans une soirée, mais qui mettra le jeune homme sur la voie artistique et finalement, celle de l’écriture de ses premières chansons.
Quand les radios boycottaient Renaud
Si désormais aucune radio ou presque ne passe à côté de la diffusion de l’un des nombreux titres de Renaud, cela n’a pas toujours été le cas. En 1975, alors que le tout jeune chanteur sort son premier disque, « Les Amoureux de Paname », certains programmateurs musicaux font grise mine : certains titres, notamment « Hexagone » ou « Société, tu m’auras pas », qui épinglent le conservatisme de la France de l’époque (qu’il va jusqu’à qualifier de fasciste), dérangent.
Pire : la radio Europe 1 refuse toute diffusion du disque, et même, France Inter en interdira la programmation lors du passage du pape Paul VI en France cette même année. N’en déplaise au public français qui lui, réserve un bon accueil à ce premier 33 tours.
Renaud, le succès coupable
Dans les années 1970, la carrière de Renaud décolle. Après le Café de la Gare, il est repéré par des producteurs parisiens, et sort son premier 33 tours, « Amoureux de Paname », en mars 1975. S’il enchaîne toujours les petits boulots, il commence à vivre de la musique. Le grand public le découvre en 1978, grâce au titre « Laisse béton » qui fait exploser sa notoriété. Les médias s’intéressent à lui, les salles de concert se remplissent.
Ce succès fera naître chez lui une culpabilité vis-à-vis de son père, comme il le raconte dans son autobiographie. Un jour, dans le journal intime de son père, il tombe sur ces mots : « Le succès de mon fils me tue ». À cette époque, Renaud fête son cinquième album, « Le Retour de Gérard Lambert ». Pendant toute sa carrière, après tous ses succès, cette culpabilité ne le lâchera pas.
Le « petit con » de Coluche
Au tout début des années 1980, Renaud rencontre Coluche. Entre les deux hommes, les débuts sont délicats : le chanteur venait de rencontrer Dominique Lanvin, l’épouse de Gérard Lanvin, lui-même grand ami de l’humoriste. Coluche « n’était pas très content parce que j’étais la femme de Gérard. Son complice de virées, aussi. Il connaissait tout des écarts de Gérard, mais il n’acceptait pas que je m’en éloigne », confiait Dominique dans une biographie sur Renaud. Coluche qualifiait le chanteur de « petit con », selon Erwan d’Éléouet, auteur de « Renaud, Paradis perdus ».
Mais les deux hommes vont lier une amitié forte, jusqu’à la mort de Coluche en 1986. Renaud, pour qui cette disparition fut un traumatisme, lui dédiera sa chanson et son album « Putain de camion » en 1988.
Renaud ministre de l’Intérieur
Avant sa tragique disparition en 1986, Coluche s’était lancé en politique. En 1981, il se présente aux élections présidentielles. Et Renaud, son grand ami, n’est évidemment pas bien loin. A tel point que l’humoriste lui proposera même un poste dans le gouvernement qu’il imagine : celui de ministre de l’Intérieur. Et ce, avec un programme bien défini.
« Abolition du travail, abolition de l’argent… Revenons au troc : je te file du pain, tu me files de la viande, je te file de la viande, tu me files de la bière (…) Création d’une république des enfants, c’est-à-dire abolition du gouvernement, de toute forme de pouvoir et d’État. Et comme les enfants ont toujours raison, ils décident de tout », peut-on lire à ce propos dans l’ouvrage d’Alain Wodrascka : « Renaud, le Rimbaud des faubourgs ».
Mistral vraiment gagnant
En 1985, Renaud dévoile « Mistral Gagnant ». Une chanson qui figure sur l’album éponyme, sorti l’année suivante. Le titre du morceau fait allusion à une ancienne confiserie, symbole de la nostalgie du chanteur pour son enfance, même si sa chanson est à l’origine destinée à sa fille Lolita, née en 1980.
Renaud écrit « Mistral Gagnant » un soir de mélancolie, alors qu’il est à Los Angeles, loin de sa femme et de son enfant. Et si le chanteur a hésité à dévoiler cette chanson, qu’il jugeait « trop personnelle », la garder pour soi l’aurait privé d’un incroyable succès. En 2015, « Mistral Gagnant » décroche même le titre de « chanson préférée des Français », devant « Ne me quitte pas » de Jacques Brel ou « L’Aigle Noir » de Barbara. Et depuis sa sortie, la chanson n’a de cesse d’être reprise par de nombreux artistes inspirés par son succès.
« Les communistes me veulent du mal »
Dans les confidences faites par Renaud dans son autobiographie « Comme un enfant perdu », sortie en 2016, le chanteur évoque un autre mal qui le ronge : sa paranoïa. « Mon couple avec Romane se fracasse sur les mêmes écueils que celui que nous formions avec Dominique : ma paranoïa, ma peur des Cubains, ma souffrance, mon angoisse, que je noie sous des flots d’alcool pour supporter le quotidien », explique le chanteur, parti en 1997 sur les traces du Che Guevara à Cuba.
De ses deux visites en terres communistes, à Moscou puis à Cuba, il raconte ce qu’il appelle son « délire paranoïaque » : « Les communistes me veulent du mal, sans que je sache ce que j’ai commis pour mériter ce châtiment, écrit-il. J’ai peur pour Dominique et Lolita. En fait de protéger Dominique, je la rends folle ». Un « délire » qu’il explique par sa consommation d’alcool.
Renaud et son combat pour Ingrid Bétancourt
Parmi les combats de la vie de Renaud, il y aura bien sûr celui pour la libération d’Ingrid Bétancourt. Durant toute la captivité de la franco-colombienne, enlevée par les FARC entre 2002 et 2008, le chanteur n’a eu de cesse d’agir pour faire bouger les autorités en faveur de sa liberté. Renaud a même écrit une chanson, « Dans la jungle », et a organisé plusieurs événements et concerts de soutien, notamment au Zénith de Rouen en 2006 ou au Zénith de Paris en 2007.
Et si, à la libération d’Ingrid Bétancourt en juillet 2008, l’absence de l’artiste sur la scène médiatique avait suscité bon nombre de questions, il avait tout de même assuré lui avoir parlé pour lui faire part de « son bonheur indicible » de la voir libre, sans souhaiter s’exprimer publiquement, « pour faire briller l’adage pour vivre heureux, vivons cachés ! », disait son entourage à l’époque.
Renaud, les femmes de sa vie
Sa première grande histoire d’amour, Renaud la vit avec Dominique, mariée à Gérard Lanvin, dont elle divorce pour épouser le chanteur le 1er août 1980. Leur fille, Lolita, naît 8 jours plus tard. Mais l’alcool aura raison de leur amour et Dominique quittera le chanteur en 1999. Il rencontre, en 2000, Romane Serda, alors jeune chanteuse. Renaud se remarie en 2005 et parvient à arrêter de boire. En 2006 naît leur fils Malone. Mais il replonge et le couple divorce en septembre 2011.
« La vie de couple, je ne suis pas doué pour ça. J’ai perdu deux épouses. Enfin, perdu… Je me suis séparé de ma première épouse au bout de vingt ans pour cause d’alcoolisme. Et j’ai perdu la seconde au bout de dix ans pour cause d’alcoolisme. Mais Dominique et Romane sont toujours là, elles me soutiennent », déclarait Renaud dans Le Parisien.
Sa fille Lolita, son « bébé »
Lolita Séchan est née le 9 août 1980 à Paris. Fruit de l’amour entre Dominique Quilichini et Renaud, elle est également la filleule de Coluche. Après des études à Montréal, Lolita Séchan s’illustre en écrivant des livres pour enfants et des bandes dessinées. Proche de son père, elle participe à quelques tournages de clips. Renaud lui écrira d’ailleurs plusieurs chansons, comme « Morgane de toi », « Mistral Gagnant » ou « L.O.L.I.T.A » sur l’album »Les mômes et les enfants d’abord », sorti en 2019. A cette époque, il confie au Parisien : « À chaque disque, je lui écris une chanson. Celle-ci date d’il y a vingt ans. Mais elle ne valait pas « Mistral Gagnant » et « Morgane de Toi » alors je ne l’avais pas mise sur l’album. » Et d’ajouter : « Lolita, pour moi, c’est le bonheur, la fidélité, le talent. Je n’arrive pas à réaliser qu’ elle a 39 ans, c’est toujours mon bébé. »
Romane, Thierry et Renaud, l’histoire d’une brouille
Dans la famille Séchan, les relations n’ont pas toujours été au beau fixe. En 2012, sur NRJ Paris, Thierry, le frère du chanteur, avait même des propos très durs concernant Romane Serda, la femme de Renaud. « Personne ne l’aime dans la famille. Tout le monde la déteste (…) Romane est inexistante. C’est une fille. C’est un pou. Elle est plutôt mignonne. C’est tout. C’est une fausse blonde », lançait-il.
Et de renchérir dans Le Parisien : « Ils n’avaient rien à faire ensemble. Lui est sensible, cultivé, elle était une petite midinette. Personne ne croyait en leur mariage ». Des propos qui vont susciter une réponse aussi franche de Romane Serda : « Renaud est très en colère, affecté et humilié par les propos de son frère. De toute façon, ils ne se voient jamais, et Renaud est en guerre avec lui. Et comment peut-il parler de moi ? On ne se connaît même pas… ».
Le choc de la mort de Thierry Séchan, son frère
Le 8 janvier 2019 survient un nouveau drame dans la vie de Renaud : la mort de son frère, Thierry. « Renaud et David Séchan, ses frères, ainsi que ses trois filles Olivia, Lou et Lila me chargent de vous annoncer avec une grande tristesse que Thierry Séchan est décédé à l’âge de 69 ans à son domicile parisien », écrivait dans un communiqué l’avocat de Renaud.
« Notre famille est effondrée ! Thierry n’était pas seulement mon frère aîné, il était vraiment le noyau central de notre clan. C’est une mort tellement bête, tellement injuste. 69 ans, c’est encore jeune. Mais voilà, il fumait beaucoup trop, il avait souvent très mal à la tête et il a fait un AVC massif. C’est exactement le terme employé par le docteur qui a délivré son certificat de décès… On l’a retrouvé chez lui dans son salon et voilà… », ajoutait David, le frère jumeau du chanteur.
De l’alcool à l’eau gazeuse
Très jeune, Renaud raconte avoir découvert les effets désinhibiteurs de l’alcool. « C’est après avoir arrêté mes études que j’ai commencé à boire. En fait, je buvais comme de nombreux jeunes : pas comme un ivrogne, mais je buvais tous les jours et je prenais une ou deux muflées par semaine », écrit-il dans son autobiographie. Mais l’année 2019 semble synonyme de renouveau pour le Phoenix.
A l’occasion de la sortie de son 17ème album « Les Mômes et les enfants d’abord », Renaud explique au micro de RTL : « Je n’ai plus touché une goutte d’alcool depuis dix mois. La dernière cure de désintoxication que j’ai faite dans une clinique du sud de la France a réussi. J’aime pas l’alcool, j’aime plus l’alcool, j’ai pas envie, j’ai décroché complètement ». Désormais, il l’assure, il ne tourne qu’« au Bitter San Pellegrino ».
Cinq paquets de cigarettes par jour
Après des années à lutter contre ses démons de l’alcoolisme, à la fin de l’année 2019 pour la sortie de son album « Les mômes et les enfants d’abord », Renaud tente de rassurer ses fans : il va mieux. Assurant être sobre depuis plusieurs mois, le chanteur confie toutefois ne pas avoir réussi à arrêter la cigarette. « Reste la cigarette. J’essaye tous les jours d’arrêter et tous les jours j’échoue. Depuis deux mois, je suis à trois paquets par jour… C’est nerveux. J’essaye la cigarette électronique, j’en ai trois. Mais ce n’est pas très efficace », confie l’artiste dans une interview accordée au journal Le Parisien, datée du 28 novembre 2019. A Paris Match à la même époque, il confiait s’être réfugié dans le tabagisme pour compenser le manque d’alcool.
Le flop du « Corona Song »
Bandana rouge sur la bouche en guise de masque, veste en cuir sans manche, voix chevrotante et mains tremblantes… Le 8 juillet 2020, le chanteur Renaud prend tout le monde de court et publie « Corona Song », une chanson et un clip évoquant la pandémie de Covid-19. Un titre écrit par son ami Thierry Geoffroy, dans lequel il défend le controversé professeur Raoult, et qui sera rapidement taxé de raciste pour ses paroles. « T’as débarqué, un jour de Chine. Retournes-y, qu’on t’y confine. Dans ce pays, où on bouffe du chien. Des chauves-souris, du pangolin », chante notamment Renaud d’une voix abîmée.
Source : Linternaute.com