Pleins feux sur… Renaud

Bonne Soirée

1978

La mode est aux anti-héros et, il n’y a plus de doute possible, nous venons de nous trouver une nouvelle forte person­nalité capable de se faire entendre et même de bien se faire entendre. Renaud, puisque c’est de lui qu’il s’agit, s’est imposé en quelques mois comme la nouvelle idole du disque, avec son ton nouveau qui, pourtant, replonge féroce­ment dans le passé des guinguettes.

Renaud a vingt-six ans, le cheveu long et blond décoloré, l’œil vif et rigolard… Il a une image. Et quand il fait chaud et qu’il se balade en t-shirt blanc, on peut voir sur ses biceps deux somptueux tatoua­ges en couleurs. Le premier le représente, lui, le deuxième, c’est un aigle et un cœur dédiés à Dominique, la femme de sa vie.

— Mes tatouages, je les ai légués d’ores et déjà par testament, dit-il. Le « Renaud » sera pour ma mère, et l’aigle sera pour Dominique, bien sûr. Il y a déjà longtemps que je les ai… Quand les gens les voient, ils me demandent tous si ça fait mal quand on les fait. Mais non ! Le seul ennui, finalement, c’est que ça ne part plus jamais…

Renaud, l’enfant de la périphérie pari­sienne, n’a pas changé devant le succès. Il garde un regard aigu sur le quotidien et, sous son humour, il cache une tendresse pudique qui ne se dément jamais. Il a des allures de loubard, mais le cœur sensible et un grand sens de la famille. C’est vrai qu’il est né au sein d’une famille de six enfants…

— J’ai eu une enfance mouvementée, mais heureuse. Les six gosses, bien sûr, s’entraînaient les uns et les autres à faire des bêtises ! Il y a prescription mainte­nant, alors je peux en parler, mais nous avions une grande occupation, c’était de piquer des mobylettes… entre autres ! Et puis, il y a eu mai 68… J’ai bien cru que ma pauvre mère allait mourir d’angoisse ! Elle avait ses quatre fils et ses deux filles sur toutes les barricades de Paris ! Mais nous étions une famille très unie, nous étions très proches les uns des autres.

Aussi chez Renaud existe, profonde et résolue, une violente envie d’avoir à son tour un enfant. Il vient, d’ailleurs, d’enre­gistrer une chanson qu’il a intitulée « Chansons pour Pierrot », car Pierrot, c’est l’enfant qu’il veut avoir bientôt.

— Il y a dix ans que je l’attends… Mais Dominique se fait prier. Je la comprends un peu, mais maintenant je lui ai donné un an pour le mettre en route.

Renaud s’est mis à chanter il y a une dizaine d’années… pour ses copains. En même temps, il tâtait de tous les métiers : coursier, plongeur, vendeur de fringues… Et puis, il s’est mis à chanter dans les rues, avec à ses côtés un accordéoniste, et il s’est très vite aperçu qu’il gagnait fort bien sa vie ainsi.

— Jusqu’à 50.000 balles en une heure ! Mais il faut savoir où et quand chanter… Je chantais des chansons musette : Piaf, Bruant, « La Java bleue »… J’ai grandi dans cette musique bien avant de connaître Dylan et les Beatles ! Je chantais dans les cours, sur les marchés… Les gens aimaient bien entendre deux petits jeunes à cheveux longs qui chantaient des choses de leur jeunesse… Et nous, on avait repéré qu’entre sept et huit, le soir, toutes les femmes s’ennuyaient dans leur cuisine et que ces cuisines, dans les grands ensem­bles autour de Paris, donnaient toutes sur cour. Alors, l’argent pleuvait !

Renaud, maintenant, ne chante plus dans les cours. Depuis le succès de « Laisse Béton », il avale quelque 30.000 km par mois, d’un gala à l’autre… Alors, il vient de s’offrir une superbe BMW qu’il conduit lui-même.

— Mais les gens râlent… Ils me disent « Tu roules en BMW et tu chantes les mobylettes, ça ne va plus ! » Ils ne se rendent pas compte que c’est ma vie que je joue en continuant à courir les galas en moto. C’est uniquement pour le côté pratique que je me suis offert une super voiture. Et puis, la moto que j’avais avant, valait bien aussi cher que cette voiture. ∎

  

Source : Bonne Soirée