Quand Renaud chante Santoni, rebelle « encagoulé » contre un « putain d’Etat »

Le Monde

Par ARIANE CHEMIN
Publié le 31 mai 2002 à 00h00, modifié le 31 mai 2002 à 00h00

C’EST un étrange hommage, celui d’une amitié parisienne scellée autour d’un verre – deux, trois 8, le soir, à la Closerie des Lilas, où les deux hommes s’attablaient en voisins. La treizième chanson du dernier album de Renaud, Boucan d’enfer, qui signe la renaissance d’un chanteur amateur de vapeurs d’alcool, mais passé par plusieurs cures de désintoxication, est un hommage à François Santoni, l’ancien chef nationaliste d’A Cuncolta.

Corsic’armes est dédiée à « Christelle » – elle préfère écrire « Christel » -, sa compagne. Santoni est tombé devant elle, criblé de balles, le 17 août 2001, à la sortie d’un mariage à Monica d’Aullène, en Corse-du-Sud, alors que le couple allait rejoindre la maison familiale de Giannucciu.

A la Closerie, une célèbre brasserie parisienne, donc : « Il m’expliquait sa terre, son peuple, son pays / J’écoutais en silence, attendri / Me parlait d’Ajaccio, de Calvi, de Bastia/Des corrompus notoires, des élus, des mafias/Et des encagoulés réunis au fond des bois/Pour défier la justice et ce putain d’Etat (…) »

Renaud l’anar a toujours aimé « tous les Robin des Bois, les peuples insoumis » . Santoni jouait au romantique, « jusque tard dans la nuit ». Il était bon compagnon de bar et de whisky, un de ces aventuriers comme on n’en fait plus. Renaud ne veut pas en savoir davantage. « S’est fait buter un soir aux abords du maquis/S’est fait flinguer, pourquoi ? Et par quel ennemi ?/Avait-il tué d’abord pour être tué aussi ?/ Etait-il un rebelle, était-il un bandit ? »

Une semaine avant la sortie de l’album, le 28 mai, Corse-Matin a donné une large publicité à Corsic’armes. « J’ai voulu lui tirer un coup de chapeau. On va me le reprocher. Tant pis. Je suis un farouche partisan de la non-violence, mais j’aime les insoumis qui résistent au jacobinisme, à l’autorité de l’Etat, et qui militent pour protéger des spéculateurs. Pour que ce beau pays ne devienne pas le bronze-cul de l’Europe », a expliqué le chanteur à l’unique quotidien insulaire. Il a raconté que Christel – qui a préfacé la nouvelle édition de Contre-enquête sur trois assassinats dans son édition de « poche » (Folio documents) – « avait pleuré » en entendant, la première : « Tu me manques ce soir et je parle de toi/A ta douce compagne qui pleure près de moi/Les mots qu’elle ne dit pas c’est la loi de l’Omerta. »

Renaud a expliqué à Corse-Matin qu’il n’avait « pas peur » de venir en Corse : « S’ils se mettent à flinguer tous ceux qui ont aimé Santoni, ça fera du monde. » Les Corses, que cet assassinat n’avait guère émus, ont souri. Les nationalistes soixante-huitards ont soupiré, un peu « déçus » par leur idole. La nouvelle génération d’Indipendenza s’est gardée de tout commentaire. Certains des représentants du « putain d’Etat », enfin, se sont très sérieusement souvenus qu’IAM, dans ses clips, avait mis en scène des « encagoulés » d’Indipendenza. Au fond, si le nationalisme devient folklore, pourquoi pas…

  

Sources : Le Monde et Le HLM des fans de Renaud