Dans le cadre de notre série sur l’histoire des chants lensois, on se penche aujourd’hui sur Hexagone, chanté en tribune lensoise depuis le milieu des années 2000, symbole aussi de la sympathie qu’a souvent exprimée le chanteur pour le club artésien.
Il fait chaud sur Nantes, en ce samedi 30 juillet 2005. Coincée entre les deux matchs de Coupe Intertoto face à Wolfsburg (0-0 ; 4-0), cette rencontre à la Beaujoire n’est pas franchement une réussite pour les joueurs de Francis Gillot, malmenés (2-0). Pourtant, la soirée n’est pas inutile pour tout le monde. Avant la rencontre, dans le parcage, des supporters lensois ont distribué des petits papiers avec les paroles d’un nouveau chant, pensé pendant l’été.
L’air est connu, c’est celui d’Hexagone, chanson sortie en 1975, trente ans plus tôt, par Renaud dans l’album Amoureux de Paname, celui qui l’a révélé au grand public. Les paroles revisitées à la lensoise évoquent le passé minier du territoire. Cinq mois après la mort de Pierre Bachelet, qui a entraîné l’automatisation des Corons à la mi-temps des matchs, le public de Bollaert apprécie ces références. À Nantes, avec leurs antisèches, les fans sang et or s’appliquent. Le chant claque vite et est hurlé quasiment sans discontinuer pendant une mi-temps. Il reste aujourd’hui fréquemment entonné.
Renaud et le football, c’est une longue histoire. En 1981, il avait notamment écrit J’ai raté télé-foot, comme un premier clin d’œil à un sport qui n’avait alors pas les faveurs des élites intellectuelles hexagonales. Sur Radio France, Pierre-Etienne Minonzio, auteur du livre Le Petit Manuel Musical du Football, avait un jour décrit le contexte de sortie de ce morceau : « C’était une période où le football était généralement considéré par les élites comme une activité sans intérêt, qui drainait dans son sillage des hooligans écervelés. Peu de chanteurs français se risquaient alors à afficher leur intérêt pour ce sport. » Pour autant, Renaud n’a jamais idéalisé le monde des tribunes. Ainsi, en 1985, dans Miss Maggie, écrit dans l’émotion du drame du Heysel, il pointait les incidents autour des stades : « Y a pas de gonzesse hooligan, imbécile et meurtrière, y’en n’a pas, même en Grande-Bretagne, à part, bien sûr, Madame Thatcher… »
Renaud : « Ça me rend très heureux »
Ce rapport au football, fait d’attraction et de répulsion, le natif de Paris l’a cultivé. Lors de la saison 1992-1993, alors qu’il est un suiveur régulier des matchs de l’OM en route pour le titre de champion d’Europe, il tombe sous le charme d’un autre club : le RC Lens. Venu dans la région pour le tournage de Germinal, Renaud s’amourache du club au blason à la lampe de mineur. S’il suivra des matchs de l’OM dans le virage des South Winners, groupe ultra phocéen, il sera un visiteur moins régulier de Bollaert.
On l’a pourtant croisé en octobre 2022 pour une victoire lensoise face à Lyon (1-0). Quelques mois auparavant, lors d’un Lens – Monaco (2-2), il avait vu un tifo fleurir en tribune Delacourt avec sa tête coiffée d’un casque de mineur. Comme pour rappeler ces paroles dans Mon amoureux, sorti en 1994 : « T’en fais pas Papa, mon amoureux tu l’aim’ras (…), n’empêche qu’en championnat, il aime que Lens et Marseille comme toi ». Quant au chant Hexagone à la lensoise, il l’avait découvert en 2019 en échangeant avec David Derieux, journaliste de La Voix du Nord : « Vous me l’apprenez et ça me rend très heureux ! J’avais chanté dans Mon Amoureux que j’étais supporter de Lens, et je le suis toujours. Je me rappelle qu’ils chantaient aussi La Ballade nord-irlandaise, c’était magnifique ! »
Les paroles à la lensoise :« Depuis toujours dans nos corons, Le seul espoir c’est ce blason, Et nos grands-pères étaient mineurs, Et déjà fiers de nos couleurs, Et du haut de leurs chevalets, ils chantaient Lens allez, allez… » |
Source : La Voix du Nord