RENAUD

Les Nouvelles littéraires

N° 2731, du 3 au 10 avril 1980

RENAUD

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RENAUD

« Santiags » aux pieds et « verlan » à la bouche, Renaud est devenu, en 33 tours et en quatrième vitesse, le porte-voix des zonards, loubards et autres citoyens turbulents des banlieues de béton. Il aime pas les « cognes » qui le lui rendent bien. Il marche à côté des passages cloutés. Il pique la bouffe de son clebs chez Fauchon. Il ne met pas de gants pour boxer les cons. Il crache sa bile et reprend ses billes quand c’est les bourgeois qui mènent le jeu. La syntaxe des adultes le débecte. Alors il parle à côté de la plaque. Il jette un bonnet noir-rouge à la gueule du vieux « dico » Larousse. Il saute sur sa bécane et prend du large, avec sa môme, en fredonnant Damia, Fréhel, Lys Gauty, Montéhus, Bruant, Piaf ?

Sans haine et sans « surin » dans la poche des jeans, Renaud ! Toute tendresse, au fond ! Un crazy dog affamé de grosses caresses, un « voyou » aux manières délicates et il n’y a que les « frapadingues » de la légitime défense pour s’y tromper. Renaud, lui, est plutôt partisan de la légitime défonce. Rodeur de barrières, de terrains vagues, il z’yeute, il escourde ses « potes » paumés. Et il chante les matins blêmes de ceux qu’ont plus de pognon, plus d’espoir, plus d’illusions. Mais qui gardent un cœur tendre comme une feuille de chou.

  

Source : Les Nouvelles littéraires