Renaud : A la belle de mai

Télérama

Janvier 1995

Le disque est emballé dans une boîte métallique, comme des crayons de couleur. Ça donne une bonne idée du contenu, pour une grande part voué à l’enfance. Et même si Renaud, sur le couvercle, semble tenir un stand de tir, il ne tire pas sur grand monde ; comme le dit la pancarte : « Tir Renaud. 3 ballons crevés gagnent un transistor. » Les ballons du titi sont crevés, on l’entend pleurer dans le transistor.

Il ne pleure pas tout le temps : A la belle de mai, en parler marseillais et en musique mariachi, met en scène un Tartarin-Tapie dont rigolent les autochtones : Cheveu blanc moque le quadra effondré devant son miroir ; Devant les lavabos s’interroge sur les mystères féminins. Et avec Mon amoureux, le narrateur joue le rôle de sa fille, alarmée à l’idée de présenter son petit ami au jaloux auteur de ses jours…

A plusieurs reprises, Renaud adopte le point de vue de l’enfant. Notamment, et curieusement, celui d’un petit Colombien qui cultive la coca avec son papa sur un air de samba. Celui des écoliers aussi : Julien Clerc a signé la musique de ces deux chansons, C’est quand qu’on va où et Le Sirop de la rue, pleines de tendresse et de vraies beauté d’écriture. Mais ce portrait d’homme en nostalgique de l’enfance qui passe à sa fille, dans Lolito Lolita, le relais de la révolte sonne étrangement. Comme un retour en arrière : « Après l’enfance c’est/quasiment fini »… Comme si le citoyen se mettait en préretraite. Les beaux arrangements de l’accordéoniste Jean-Louis Roques, tout en douceur et en mineur, participent de cette mélancolie remâchée. Que l’on a envie de secouer en réécoutant le dernier Souchon, qui a choisi de ne plus se dépeindre, et nous dépeindre, en hommes-enfants.

  

Source : HML des fans de Renaud