Boys et Girls
N° 212, du 19 au 25 janvier 1984
ON NE COMPTE PLUS LE NOMBRE DE MILLIERS DE DISQUES VENDUS AUJOURD’HUI PAR RENAUD. IL EST APPARU UN BEAU JOUR SUR TON ECRAN DE TELEVISION AVEC SES CHEVEUX DECOLORES, SON FOULARD DE TITI, SES YEUX BLEUS DELAVES ET UN TITRE EN ACIER : « LAISSE BETON ».
Avec son vocabulaire des quartiers chauds de la proche banlieue de Paris, ses textes n’en sont pas moins le point de référence de certains professeurs de français de Copenhague et d’ailleurs. Ses allures de loubard ne sauraient dissimuler longtemps la qualité de ses chansons réalistes, savoureux cocktail d’ironie, de dérision, de gouaille, de tendresse et d’humour. Son langage direct, simple et vivant, est truffé d’images et d’expressions argotiques, ce qui donne à ses textes ce ton acide, corrosif et grinçant qui font toute sa personnalité.
DES MELODIES PARFAITES
On ne dirait pas, à le voir, qu’il possède un esprit méthodique et rationnel et que c’est précisément ce qui lui permet d’écrire ses chansons selon des règles et des structures de construction logiques. C’est probablement ce qui fit dire à un maître de la chanson, Georges Brassens, pour ne pas le citer, que les mélodies de Renaud étaient remarquablement bien écrites. Rassure-toi, la reconnaissance de son talent ne perturbe en rien les qualités foncières de ce jeune chanteur qui sont l’humilité, la pudeur, la timidité et la discrétion. De lui-même, pour tenter de se définir, il dit : « Auteur par plaisir, compositeur par nécessité, interprète par provocation ». Il n’y a peut-être pas là de quoi résumer la personnalité toute entière de ce garçon hyper sensible et qui, comme tout artiste digne de ce nom, possède plus d’une facette. Cela te donneras quand même une idée de l’image de marque qu’il lui tient à cœur de représenter. Ses sources d’inspiration, il les reconnaît : « A la maison, y’avait deux musiques, Vivaldi et Mozart, (mes préférés avec Malher) et Brasses ; ma mère, elle, écoutait de vieux disques de Maurice Chevalier, Piaf, d’accordéon musette, etc…. que mon père n’appréciait pas particulièrement. De dix à seize ans, j’ai complètement rejeté l’accordéon en découvrant les Beatles, Claude François et Johnny Hallyday… Ce n’est que par la suite que j’ai fait la synthèse entre toutes ces tendances… ». Comme pas mal de ses congénères, Renaud élève peu assidu, commence dans la chanson par la « petite porte ». Entends par là en faisant la manche. Puis il fait un tour au café théâtre, après avoir fait la connaissance, par hasard, de l’un de ses plus célèbres disciples, Patrick Dewaere. Puis c’est l’enregistrement de son premier disque. On est en 1975 et Renaud, pas très à son aise dans ce monde redoutable du show business, est sur le point de faire demi tour. Mais c’est trop tard et si lui doute encore de ses capacités à exercer ce métier, les gens qui l’entourent ont d’ores et déjà compris qu’ils avaient misé sur le bon numéro : Renaud a du talent, de la personnalité ; ça doit marcher !
ET ÇA MARCHE !
Premier succès « Laisse béton » séduit immédiatement le public qui flaire dans ce nouvel arrivant de la chanson au visage de poulbot, un chanteur de talent. Et les disques suivants confirment l’impression première : « Ma gonzesse », « Les aventures de Gérard Lambert », « Mon beauf », « Manu », sont autant de succès pour Renaud qui fait ainsi la preuve de son talent. Son dernier disque, enfin son dernier tube, « Dès que le vent soufflera », c’est aux États-Unis, à Los Angeles exactement qu’il l’a enregistré. Le vent du l’Amérique lui a-t-il soufflé dans les voiles ? Toujours est-il qu’à peine sorti, le voilà propulsé au top des hit-parades. Décidément, Renaud, que tu le veuilles ou non, la chanson, c’est vraiment ton métier !
Elisabeth Chamak
Source : Boys et Girls