Nous avons écouté son album. Il est fort et vrai : « On va pas s’laisser pourrir par cet alcool à la con »
Charlotte Vanbever
28 Novembre 2019
La Meuse – Basse Meuse
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un beau nouvel album vendredi
Demain sortira « Les mômes et les enfants d’abord ». Un disque inspiré de l’enfance, où la plume de Renaud – qui a écrit 11 des 12 titres – se fait touchante, directe et amusante. Comme un autoportrait sans filtre dans la bouche d’un enfant très, très doué. À mille lieues des inquiétudes, souvent sans fondement, dit-il, sur son état de santé.
Il y a trois ans, Renaud était « toujours debout » (et parmi le public, ils étaient 700.000 à se lever pour se procurer l’album). Il l’est resté, même s’il le dit sans détour : « Chanter m’est de plus en plus difficile ». Pourtant, ce n’est pas sa voix ou la difficulté qu’il a à la mettre en œuvre – elle est plus grave que jamais –, qu’on retiendra de ce nouveau disque.
Non, ce qui ressort de ce « Les mômes et les enfants d’abord », c’est le côté enfantin, joueur de l’artiste qui s’amuse avec la langue française sur le déjà diffusé « Animals » et rêve devant un camion de pompier sur le très drôle « Pin-Pon » : « C’est un petit pompier ; Qu’on appelait Pin-pon ; Qui passait ses journées ; À briquer son.putain con… » Du Renaud sans « vilains mots » comme disent les petits, ce ne serait plus du Renaud.
Le chanteur énervant respecte donc sa belle réputation et se veut sale gosse qui n’aime rien.
Grincheux un jour, grincheux toujours, sur « J’aime rien », un vrai petit bijou d’écriture comme né dans la tête d’un môme : « J’aime pas mon père l’est trop sévère ; Et pis ma mère qui fait mégère… » Puis, plus loin dans la chanson, il y a tous les autres : « J’aime pas les fachos ni les socialos ; Ces pauvres écolos qui roulent à vélo ; Pis surtout j’aime pas ma chanson ; C’est pas Ferrat, pas Aragon… »
Renaud au cœur d’enfant, Renaud, fier papa aussi. Sur son précédent opus, il avait écrit « Ta batterie » pour Malone. Là, c’est sa fille qui a droit à sa chanson, « L.OL.I.T.A », : « Ce petit tas de bois qui réchauffe mon toit ; Pour toi ma Lolita je serai toujours là ».
Comment passer à côté de ce titre, assurément le plus puissant de l’album (et quelle musique !) « On va pas s’laisser pourrir ». Il y parle de clopes et de mort… et d’alcool aussi. Il donne une leçon, ou tout du moins des conseils : « On va pas s’laisser pourrir ; Par cet alcool à la con ; … J’connais un pote chanteur ; Qu’a paumé dix ans d’sa vie ; Dix ans d’errance, de malheur ; Dépression, hypocondrie ; Tout ça à cause du pastis ; Le seul poison de Marseille ; À cause d’une vie bien trop triste ; À cause d’une vie sans soleil… »
sans alcool depuis 10 mois
Alors, la question évidemment : comment va vraiment Renaud ? Sa plume est en verve, mais sa santé ? Ses très rares confidences, il vient de les faire au « Figaro » et au « JDD ». « Depuis dix mois, je suis débarrassé de l’alcool à vie. Ce n’est pas la première fois mais en général je tenais quinze jours et je replongeais (…) La prochaine étape, c’est la cigarette. J’en suis à trois paquets par jour. Il faut que j’arrête avant que mon stent soit bouché par la nicotine. J’ai essayé la vapoteuse, ça n’a pas marché. »
On le pensait diminué, certains n’étaient pas rassurés en l’apercevant au récent concert de Dave (dont il a produit le dernier album), mais Renaud infirme. Ce qui lui a fait mal ces derniers mois, c’étaient les rumeurs sur son état de santé alarmant. « Je n’ai pas été épargné ni par la presse people, ni par la presse de caniveau. Elle m’a attribué une cirrhose et donné six mois à vivre il y a un an, ensuite la maladie de Parkinson. On a écrit que j’étais SDF, que je dormais sur un banc, que je ne pesais plus que 40 kg. Que des conneries. J’ai eu le malheur de parler de ma petite opération : on m’a posé un stent sur une carotide. ».
Voilà Renaud qui, à 67 ans, revient en force. Mais pas débarrassé de ses doutes. Cet album, il a fallu le convaincre de l’achever, même si son but à lui, à travers cette musique, était « d’aller de l’avant après les disparitions successives de mon frère et de ma mère au début de l’année. Travailler m’a permis de chasser mes idées noires ». Il l’avoue, au moment de poser sa voix sur les premiers morceaux, ça n’allait pas. Ses collaborateurs l’ont convaincu « de chanter et rechanter jusqu’à ce que j’arrive à un niveau de voix tolérable sans machines (…) Je n’avais pas envie de chanter. Je n’aime pas ça. Être sur scène, ça va, mais chanter, c’est de plus en plus dur. J’ai un peu aimé ça à une époque, mais j’en suis revenu. » Le public, lui, n’est certainement pas près d’en revenir.
Charlotte Vanbever
Source : La Meuse