Renaud, adulé par le public, couronné par ses pairs

Ouest-France

Le 17 février 2003
Par Michel Troadec

Renaud, 28 ans de carrière, une descente aux enfers et un formidable retour couronné samedi soir par trois Victoires de la musique.

Il y a eu la voix du public. Une voix amoureuses qui s’est exprimée en tendant quelque 1.7 millions de mains vers Boucan d’enfer, son dernier album, et en courant à ses concerts. Samedi soir, il y eu le voix des professionnels, respectueuse au point de lui offrir les trois Victoires pour lesquelles il était nominé. « J’espérais à peine en avoir une pour Manhattan-Kaboul, vu son succès public et radio », confiait l’artiste à la veste rouge. « Et puis voilà. Je n’ai plus le droit maintenant d’attendre sept ans et demi avant un prochain disque. De toute façon, plus je travaille, plus je suis en forme. Ce soir est un jour de grand bonheur », répétait Renaud peu après la cérémonie.

Interrogés, les artistes présents aux Victoires y allaient de leur mot gentil, pas trop gentil d’avoir été oublié : « Je suis très heureux pour lui. C’est un retour fracassant. Un moment très important. Cela prouve qu’il est indispensable, parce qu’il est l’un des plus grands auteurs de la chanson. » Tout bonnement. Axelle Red, sa duettiste, ne dit pas autre chose : « il est pour moi l’un des meilleurs paroliers, avec un côté tellement franc et fragile. Voilà pourquoi il touche autant de gens. »

Bénabar applaudit ce retour gagnant en parlant de Renaud comme d’une influence majeure et en insistant sur sa manière de savoir faire simple, même sur des sujets qui ne le sont pas. « Malgré tous ses problèmes, il n’a pas déçu. Ses chansons sont comme avant, toujours très bien », complète Sanseverino. Vincent Derme, primé pour l’album révélation de l’année, va dans le même sens, tout en précisant : « J’aime les chanteurs qui ont des voix un peu difficiles parce qu’elles sont porteuses de tout ce qu’ils ont vécu, de leur personnage en totalité. Renaud, tu suis sa vie au fur et à mesure de ses albums. Par exemple, son désir d’enfant, sa femme enceinte, sa fille qui grandit… Moi, j’adore ça. Il fait partie de ces chanteurs qui accompagnent la vie. Là, on va continuer à le suivre vers une nouvelle évolution. » En réalisant un documentaire très réussi sur Renaud, Didier Varrod, également programmateur aux Francofolies de La Rochelle, a pris le temps de se pencher sur « le chanteur énervant ». Son retour triomphant ne l’a guère surpris : « Le facteur de l’absence a beaucoup joué. Cela fait un septennat que Renaud n’avait pas vraiment donné de nouvelles. Involontairement, il a créé le manque. » Il pense aussi que sa tournée acoustique, en province, a joué un rôle. « Son public de base a pu voir à quel point il était déchiré par ses démons. » Il s’en est suivi Boucan d’enfer comme « une confession d’ordre thérapeutique dont la sincérité de ton a beaucoup touché ».

Le dernier des « enragés »

Didier Varrod avoue avoir failli appeler son documentaire Renaud, une histoire de France. « Car peu d’artistes sont, comme lui, en phase avec l’évolution de la société. » Renaud a commencé a chanté au début des années 70. « Et il a cristallisé les utopies de ces années-là. Puis, le chanteur d’opposition s’est retrouvé, en 1981, dans la majorité. Son histoire est symétrique à la montée des utopies, aux espoirs, et aux renoncements successifs. Tout cela doublé d’un drame personnel. »

Didier Varrod enfonce le clou en estimant que Renaud est le dernier survivant des « enragés », une catégorie que « les Français aiment bien », et cela après les disparitions de Daniel Balavoine, Coluche, Pierre Desproges. « Renaud a la force de ces grands artistes qui dépassent leur création. Il est à l’avant-garde de beaucoup d’engagements. Enfin et c’est un facteur important pour expliquer son particularisme, il est l’homme d’une seule femme, ce qui est complètement antinomique de notre époque. Et il s’accroche à ce romantisme échevelé. » Didier Varrod termine par un hommage : « Je pense aussi, tout simplement, que Renaud est un bonhomme formidable ».

Michel TROADEC.


[le plus]

1952 : Le 11 mai, naissance à Paris des jumeaux Renaud et David Séchan. Olivier, le père, est enseignant, écrivain et traducteur. La maman s’occupe des six enfants.
1968 : Quitte le lycée sans diplôme. Fait des petits boulots, songe à devenir acteur, commence à écrire.
1973 : Chante à la terrasse des cafés parisiens.
1975 : Premier album, Amoureux de Paname.
1977 : Sortie de Laisse Béton. Immense succès.
1980 : Épouse Dominique. Naissance de sa fille Lolita. Elle sera dans les bras de son père sur la pochette de Morgane de toi, sorti en 1983.
1985 : Mistral gagnant.
1993 : En hommage à son grand-père, mineur et ouvrier, joue dans Germinal, d’après Zola.
1998 : Alcool. Séparation. Dépression…
2002 : Boucan d’enfer.

  

Source : Le HLM des fans de Renaud