Renaud applaudi et ovationné malgré tout…

Le Soleil

Arts

Renaud il y a quelques jours lors de son passage à la maison de la culture de Gatineau. (Simon Séguin-Bertrand/Archives Le Droit)

Après les critiques de ses quatre précédents spectacles au Québec et les captations de ses prestations en France, le public qui avait rempli la Salle Albert-Rousseau mardi pour la tournée Dans mes cordes de Renaud savait assurément à quoi s’attendre. On n’a vu personne quitter avant la fin et le chanteur français a même été applaudi plusieurs fois en plus de recevoir de nombreuses preuves d’amour.

On a vite réalisé que les gens venaient davantage visiter un vieil ami que voir un artiste au sommet de son art. Le poète de 72 ans, chandail rayé, veston noir et santiags aux pieds, a en effet livré une performance de deux heures inégale où il déclamait davantage ses vers qu’il ne les chantait. Oui, on peinait parfois à saisir les mots qui se bousculaient dans sa bouche, paroles de pièces pourtant archiconnues.

On comprenait tout de même bien ses interactions avec le public, notamment quand il a souligné qu’il n’avait pas bu d’alcool depuis trois ans ni fumé une cigarette depuis un an et deux mois avant de se lancer dans Mon Amoureux ou quand il a demandé aux spectateurs s’ils comprenaient bien les paroles, rappelant que pour son spectacle à Gatineau, un journaliste avait écrit qu’on comprenait un mot sur trois. Ou alors quand il a blagué en parlant de Patrick Bruel, lançant: «la prochaine fois qu’il vient chez vous, gardez-le!»

Il faut aussi le dire, l’enrobage musical du spectacle était excellent, Renaud étant très bien accompagné d’un ensemble à cordes (guitare, violons, altos, violoncelle) qui incluait quelques musiciennes du Québec, dont un pianiste et un accordéoniste.

Grand âge

Dans leur grand âge, tous les artistes n’ont pas encore la santé, l’énergie ou les facultés allumées du regretté Leonard Cohen, qui donnait encore des spectacles de trois heures à 78 ans, ou d’un Gilles Vigneault, qui avait conquis les plaines d’Abraham en 2010 lors du Festival d’été de Québec à 81 ans bien sonnés. Ou encore de Daniel Auteuil, qui à 74 ans a offert une solide prestation lors de son passage à Québec il y a quelques semaines.

Il y a malheureusement des histoires tristes, comme celle de Charles Aznavour, nonagénaire, qui oubliait les paroles de ses chansons lors de son dernier spectacle au Centre Bell, ou de Jean Lapointe, poursuivi au civil par un homme d’affaires déçu de la piètre performance offerte lors d’un «party» de Noël pour ses employés et fournisseurs, ou alors le grand B.B. King, épuisé et incohérent à ses derniers spectacles, lors desquels il quittait parfois la scène après avoir interprété à peine trois ou quatre pièces.

Il y a aussi plusieurs artistes plus jeunes qui n’ont plus leur voix ou leur verve d’antan. Comme Paul «H.R.» Hudson des Bad Brains, jadis le chanteur le plus intense et le plus spectaculaire sur scène qui n’est maintenant plus l’ombre de lui-même en raison de problèmes de santé graves, ou alors le regretté Scott Weiland des Stone Temple Pilots qui n’arrivait plus à se souvenir des chansons qu’il avait composées au Festival d’été de 2008. Pour ces derniers et les précédents, il y a eu la tournée de trop.

Amour inconditionnel

C’est probablement aussi le cas de Renaud, mais force est d’admettre que le public qui assistait à son spectacle mardi, qui l’a ovationné et a chanté Ma Gonzesse, Morgane de Toi, Mistral Gagnant ou Sur mon épaule des Cowboys Fringants avec lui toute la soirée, n’est pas de cet avis.

Il y avait quelque chose de beau dans cet amour inconditionnel du public envers un artiste dont les plus belles années sont clairement derrière lui. Il y a tout de même aussi quelque chose de triste à voir une légende être ainsi diminuée, surtout un vieux pirate comme Renaud dont on a projeté une image de sa fière jeunesse sur le rideau en fin de performance.

  

Source : Le Soleil