VENDREDI 06 MAI 2022 15:15
Pure Charts passe en revue trois albums phares de ce début mai. Renaud déniche des trésors de la chanson française sur « Métèque », Arcade Fire revient vers la lumière avec le somptueux « WE » et Ibeyi nous fait voyager grâce à l’ensorcelant « Spell 31 ». Critiques, en quelques lignes.
Renaud | « Métèque »
Qui qui dit mieux ? Il y a toujours quelque chose d’émouvant à découvrir un nouvel album de Renaud. Plume majeure de la chanson française dans tout ce qu’elle a de plus poétique et engagée, l’artiste met de côté, à quelques jours de ses 70 printemps, sa fine écriture pour se réapproprier les mots des autres, avec sa voix inimitable, par ailleurs plus claire et vibrante que sur ses derniers projets (il a réduit la cigarette et arrêté l’alcool) même si sa fragilité se fait épisodiquement ressentir. Sorte de malle à souvenirs renfermant 13 pépites oubliées, « Métèque » jette la lumière sur quelques-unes des chansons qui ont marqué le musicien : « Le Métèque » de Georges Moustaki, dont les arrangements plus rock effacent quelque peu la douceur du titre original, « Si tu me payes un verre » de Serge Reggiani mais aussi « Nuit et Brouillard » de Jean Ferrat, « La tendresse » de Bourvil (superbe) ou « La folle complainte » de Charles Trénet. Le travail de l’arrangeur Michel Coeuriot est particulièrement remarquable sur « Le temps des cerises », merveille saisonnière empruntée à Yves Montand à laquelle on pardonne son interprétation fébrile, et « L’amitié » de Françoise Hardy, à qui Renaud confère une profondeur touchante. Son public sera conquis, d’autant que l’artiste indique qu’un volume 2 est déjà en chantier…YR
Arcade Fire | « WE »
Here comes the light time. Arcade Fire était-il en pleine impasse ? Cinq ans ont passé depuis « Everything Now », dernier album reçu très tièdement par la presse. Déstabilisé, le groupe canadien a mis le confinement à profit pour se remettre en question, thématiquement et musicalement. Le résultat: « WE », 40 minutes et un concept de chansons découpées en plusieurs parties. Les premières critiques ne mentaient pas : Arcade Fire retrouve bel et bien son mojo sur ce disque aussi puissant que touchant qui semble dresser un premier bilan de la carrière de la bande. Histoire de raccrocher les wagons avec les fans de chaque album ? Possible, car la formation de Win Butler convoque tour à tour la folie baroque de « Funeral » (« The Lightning I, II »), la puissance émotionnelle de « The Suburbs » (« Unconditional I », quelle beauté !) ou l’électro-dark de « Reflektor » (les deux « Age of Anxiety » dont le second, « Rabbit Hole », fait des ravages sur scène). Même la pop faussement commerciale de « Everything Now » refait son apparition sur « Unconditional II (Race and Religion) », tube new-wave en puissance interprété par Régine Chassagne et sur lequel plane l’ombre et la voix du grand Peter Gabriel. Mais c’est souvent dans sa simplicité et sa sobriété que cet album, produit par Nigel Godrich (Radiohead), nous touche en plein coeur comme dans les 4 mouvements de ce « End of the Empire » long de 10 minutes. Construit comme un véritable chemin vers la lumière, davantage folk que rock ou électronique, « WE » débute sur une partie plutôt sombre, où Win Butler chante l’ère de l’anxiété et du doute puis la fin de l’empire, avant de retrouver la lumière sur le bien-nommé « The Lightning » et offrir un message d’espoir à travers « Unconditionnal I (Lookout Kid) », superbe titre pop où il s’adresse directement à son fils de 9 ans. Ainsi, si « WE » répondait à une expression, c’est à celle de se perdre pour mieux se retrouver. Car en 40 minutes, Arcade Fire touche à nouveau les cieux musicaux avec un disque somptueux qui se place déjà parmi les chefs-d’oeuvre musicaux de 2022 et prouve, s’il en était encore besoin, qu’il s’agit d’un des plus grands groupes du monde. TB
Ibeyi | « Spell 31 »
Moutains of Gold. Ibeyi fait partie de ces nombreux artistes français dont le talent est davantage reconnu en dehors de nos frontières. Espérons que « Spell 31 », troisième effort discographique du duo en 10 ans de carrière, change la donne. Car les deux soeurs jumelles proposent ni plus ni moins qu’un des plus beaux albums de l’année, un de ceux qui vous envoûtent dès les premières notes pour ne jamais vous lâcher. Certes, le voyage est très court (10 titres, 26 minutes de musique), mais il vous fait ressentir tant d’émotions diverses qu’il est difficile de rester indifférent. Des chants aux allures d’incantations de « Sangoma », « Los Muertos » ou « Made of Gold » à ce magnifique hymne à la sororité qu’est « Sister 2 Sister », Ibeyi relève la tête après deux années difficiles sur ce disque, que les deux soeurs nous ont décrit comme « thérapeutique », et affiche haut et fort sa volonté de clamer à la fois sa différence et son unicité. Car pour Ibeyi, c’est de cela dont il est question dans « Spell 31 » : célébrer fièrement ses racines et le fait d’être des soeurs jumelles et femmes aux croisements des cultures. Conçu aux côtés de leur fidèle producteur Richard Russell, « Spell 31 » est l’album le plus aventureux du tandem, qui nous fait voyager tour à tour dans des sonorités cubaines, orientales, pop, urbaines ou électroniques. Le tout avant que Lisa et Naomi ne mêlent leurs voix à celles de Jorja Smith sur l’incroyable « Lavender & Red Roses », tel un choeur antique dont les chants sont prêts à nous marquer à jamais. Sur le puissant et formidable « Creature (Perfect) », elles chantent ne plus vouloir chercher la perfection. Leur album, lui, l’est de bout en bout. TB
La Rédaction
Source : Charts in France