Renaud au Casino

Télérama Junior

N° 17, 16 au 22 mai 1992

MARDI 19 MAI
FR3 • Une Pêche d’enfer • 18h00

Depuis le 11 mai, Renaud chante tous les soirs au Casino de Paris. Rédacteur en chef d’Une Pèche d’enfer cette semaine, il parlera de son dernier album : Marchand de cailloux. Nous l’avons rencontré entre deux coulisses.

– Renaud, ce nouveau spectacle, qu’a-t-il de particulier ?

– C’est un spectacle plutôt sobre, sans ef­fets spéciaux. Je l’ai voulu ainsi. Je pense que c’était aussi le désir d’une partie de mon pu­blic. C’est peut-être l’âge, mais, aujourd’hui, j’ai envie de me produire dans des salles plus petites, de retourner à des spectacles plus intimes. Bref, j’ai envie que le public me revoit en gros plan…

Votre public, c’est qui exactement ?

– Mon public est très varié dans les âges. Ce qui prouve que je suis un vrai chanteur populaire. Exactement ce que je voulais. Mon ambition a toujours été d’être le « Tintin de la chanson de 7 à 77 ans ». Les compliments d’un jeune de 10 ans ou d’une grand-mère de 75 ans me touchent plus que ceux des ados de 18 ou 20 ans, qui constituent la plus grande partie de mon public.

Ce public, il vous donne le trac ?

– Le public, c’est vrai, ça fait peur. Comment est-ce qu’il va accepter ma dégaine, mes arrangements, mes musiciens, mon spectacle ? Je ne sais pas… Ça fout le trac, mais, en tout cas, quel pied ! Ça fait deux ans que je n’ai pas chanté sur scène en France. Il était temps.

– Dans vos chansons, vous dites ce qui ne va pas dans le monde…

– L’Irlande, la Palestine, le Moyen-Orient, l’Afrique du Sud, les Pays de l’Est, l’Amérique Latine, il y a presque un quart de la planète qui vit sur la misère des trois autres quarts, et ça me fait gerber.

La planète, c’est mon pays. Je ne me limite pas au coin de la rue, au type qui souffre en bas de chez moi, ou à l’arbre arraché sur le trottoir d’en face. Les arbres qu’on arrache dans la forêt amazonienne, c’est mon paysage que l’on abîme et c’est mon oxygène qu’on élimine. Je suis concerné, c’est mon monde. Je n’arrive pas à me désintéresser du sort de mes compatriotes terriens. C’est pourquoi je suis à l’affût de tout ce que je peux défendre, dénoncer, critiquer ou aimer. Je n’ai pas de frontière et pas de drapeau.

Emmanuelle Béart avec Renaud, dans son dernier clip : Le P’tit Voleur.
Claude Gassian

– Ça veut dire que vous écrivez vos chan­sons en gardant un œil sur l’actualité…

– Je n’aime pas trop subir le monde à tra­vers la télévision ou les journaux, ils me pol­luent un peu intellectuellement. Alors, de temps en temps, j’ai besoin de me vider la tête en regardant des choses poétiques, belles et silencieuses… comme un poisson rouge qui tourne dans son aquarium. C’est d’ailleurs le sujet d’une des chansons de mon dernier album.

– Ecrire une chanson, c’est beaucoup de travail ?

— C’est un effort solitaire, c’est vrai, mais c’est aussi un plaisir. Il y a des chansons dont je suis simplement content, et puis il y en a d’autres dont je suis assez heureux, presque fier. Quand j’ai terminé des chansons comme Dans ton sac ou Morgane de toi, j’ai le sentiment d’avoir bien travaillé. Morts les en­fants et quelques autres aussi, une ou deux par album… allez trois.

Après, il y a l’arrangement, la musique. Je fais ce que je peux, ce que j’aime, avec l’aide de musiciens, de potes, et après, je jette en pâ­ture au public. S’il en veut, tant pis; s’il en veut pas, j’le remets dans ma culotte.

J’écris ce que j’ai sur le cœur et dans les tripes, sans me soucier de comment ça va être interprété. Jusqu’à maintenant, ça s’est plutôt bien passé… Ça m’a valu aussi quelques ennemis, j’en suis ravi. Je ne vois pas pourquoi il faudrait que tout le monde m’aime. Moi, je n’aime pas tout le monde.

Propos recueillis par Karim-Pierre Chabane

Dernier CD : Marchand de cailloux, Virgin.
Au Casino de Paris, à partir du 11 mai

  

Source : Télérama Junior