Renaud au paradis

Le Progrès

Le 7 avril 2003
Par Françoise Delbecq

Ce soir, après trois concerts lyonnais, près de 23000 spectateurs auront applaudi le retour sur scène de Renaud, qui reviendra deux fois cet été et deux fois à la rentrée. Succès fou pour un spectacle si chaleureux qu’on lui pardonne ses petits bémols.

« QUELLE AMBIANCE ! On se croirait au Stade de Vélodrome… » Rien de tel qu’une bonne petite provocation footballistique pour chauffer les 7500 gones de la Halle Tony Garnier. « Vous faites les malins parce que vous êtes provisoirement en tête du championnat, mais dans deux heures Marseille aura battu Guingamp et vous serez troisième ! » rajoute le traître avant de conclure : « Non, je rigole, c’est juste pour vous énerver ». Avant son entrée en scène, Renaud le chanteur énervant avait proposé une version algérienne d’Hexagone, le temps pour le public de voir comment son idole avait planté le décor de sa tournée aussi énorme que thérapeutique.

Une place de village à la Pagnol, ambiance bal populaire et époque « Jour de fête » avec son platane, son banc public, ses guirlandes de lampion, sa mairie-école, son « hôtel de la nuit », un quatre étoiles dont trois filantes et… son bar « Chez Renard » d’où sort enfin, en perfecto et jean noir, le docteur Renaud, puisque c’est par ce titre schizophrène qu’il rentre dans le vif de son concert. Deux heures et demi sans répit pendant lesquelles le quinqua rebelle alternera les titres de « Boucan d’enfer » l’album de sa résurrection, « Cœur perdu », « Baltique », « Mon bistrot préféré » et même « Manhattan-Kaboul », avec 7500 chœurs pour remplacer la seule voix d’Axelle Red – et ses « vieilles chansons » comme il dit : « En cloque », « Laisse béton », « Manu », « Marchand de cailloux », « Mrs Thatcher », « Dans mon HLM », « Dès que le vent soufflera » etc.

Les bons et les méchants.

A cinquante balais comme à ses débuts, la vie selon Renaud c’est plutôt simple : les bons d’un côté, les méchants de l’autre, lui inspirant des chansons entre fiel et miel. Il aime toujours pas les chasseurs, les va-t’en-guerre, les hordes de supporters, les décolorées, les machos, les troupeaux, le Club Med, le Paris-Dakar, les nouveaux philosophes, les anciens militaires et, plus généralement, tous ceux qui jouent à celui qui pisse le plus loin. Sa tendresse va spontanément aux femmes, aux opprimés, aux obscurs, aux sans-grades, à tous les enfants et même aux chiens, surtout quand on les laisse sous la pluie pendant les funérailles de leur maître.

Manichéen ? Certes, mais sincère. Pourtant en un quart d’heure, l’idéaliste rebelle en a rabattu. Revenu de tout, du bateau en solitaire, de la génération Mitterrand, de l’amour toujours, et paraît-il, de tous les produits frelatés. Autoflagellation ou méthode de Coué, il en parle beaucoup, de son désert traversé, mais pas sans munitions liquides. « Enterré le Renard, a plus… J’en ai fait du sport, des bars parallèles et même des bars asymétriques » avant d’entonner « Pochtron ».

Aujourd’hui, c’est de l’amour de son public qu’il s’enivre jusqu’à plus soif. Et de l’amitié fidèle de ses 7 musiciens, dont on regrette que les prestations dominent souvent la voix du chanteur, qui de son côté, a tendance à flancher. Mais des fois, ça fait même pas mal, surtout quand il reprend assis sur un banc, avec son seul pianiste, la toujours émouvante « Mistral gagnant ».

Gagnant… pas comme Marseille, battu ne lui en déplaise, par Guingamp, tandis que l’OL devient leader. Désolé Renaud, mais au foot c’est comme dans la vie, ce n’est pas ceux qu’on préfère qui gagnent.

  

Source : Le HLM des fans de Renaud