2000
par Frank Arnaud
Renaud est devenu en quelques années le porte-parole de toute une génération de Français. Un peu écolo, un peu anar, un peu alcoolo, Renaud a réussi à retranscrire l’ambiance des banlieues avec réalisme et poésie…
Renaud Séchan est né le 11 mai 1952 à Paris dans le XIVème arrondissement. Son père est professeur d’allemand et auteur de romans policiers. Sa mère est originaire d’un milieu prolétaire du nord de la France. Ils vivent à Paris avec leur six enfants dans un appartement modeste mais confortable.
«Anar» en herbe
Elève indiscipliné, la scolarité de Renaud n’est pas brillante. Son père, « anarcho-socialiste », comme le dit le chanteur lui-même, lui inculque une méfiance certaine envers les forces de police, les militaires et l’ordre en général. Les choses vont se bousculer en 1968 lors des événements de mai. Pendant un mois, il participe activement au mouvement des étudiants et vit dans l’Université de la Sorbonne. C’est à cette occasion qu’il écrit sa première chanson avec sa guitare pour tout accompagnement.
Après cette période d’illusions, Renaud quitte définitivement le système scolaire. Ses parents le somment de se mettre à travailler : il est tour à tour magasinier, vendeur de livres de poche… C’est au hasard d’une rencontre estivale avec le comédien Patrick Dewaere, qu’il est embauché dans la troupe de Romain Bouteille, constituée entre autres, des comédiens Miou Miou et Coluche. L’aventure dure cinq mois.
En 72 et 73, avec un de ses amis accordéoniste, Michel, il commence à faire la manche dans les rues de Paris. Ils rencontrent un franc succès auprès des jeunes et même d’un public plus âgé qui voit dans ce duo le renouveau de la chanson de rue.
Chanteur ou acteur ?
Le producteur de Coluche, Paul Lederman, les remarque. Il les embauche sous le nom des « Trois P’tits Loulous » (un autre compère est venu renforcer le duo) comme attraction au Caf’Conc. Leur répertoire est constitué de chansons réalistes. Michel doit rejoindre l’armée et abandonne Renaud qui continue seul avec ses propres compositions : Hexagone ou Camarade Bourgeois.
Pas spécialement destiné à une carrière de chanteur, Renaud se fait pourtant remarquer par une maison de disques indépendante qui lui propose d’enregistrer un 33 tours. En 1975, sort donc le premier album du chanteur âgé de 23 ans. Amoureux de Paname rassemble des chansons qu’il chantait jusque-là dans la rue.
Le titre Société tu m’auras pas résume bien l’état d’esprit de Renaud mais aussi celle d’une certaine jeunesse qui ne se retrouve pas dans les valeurs inculquées par leurs parents.
Laisse béton
Malgré ce succès naissant, Renaud rêve toujours de faire l’acteur. En 77, il joue tous les soirs une pièce de Martin Lamotte en même temps qu’il continue de chanter aux Blancs-Manteaux.
En octobre, il sort son second album Laisse béton. En 78, ce titre devient un tube et le révèle au grand public. Avec cette chanson, le parler « verlan » devient un phénomène de société. Sa notoriété grandissant, Renaud triomphe au festival du Printemps de Bourges. Il est accompagné pour la première fois par un groupe de « vrais » musiciens.
Janvier 79 voit la sortie du troisième album du chanteur, Ma gonzesse. Plus tendre que les précédents, cet opus semble plus intimiste.
L’année 80 est marquée par la sortie d’un 33 tours, Marche à l’ombre qui contient des titres devenus aussi célèbres que Dans mon HLM ou Les aventures de Gérard Lambert. Il se produit ensuite un mois entier à Bobino en mars. Ces concerts donnent lieu à l’enregistrement du spectacle : le double 33 tours Live à Bobino et aussi Le p’tit bal du Samedi soir où il reprend les chansons réalistes qu’il chantait à ses débuts.
Renaud fait maintenant partie de la nouvelle génération montante de la chanson française. Atteignant la trentaine, le chanteur prend quand même un peu de recul. Avec l’album qui sort en 81, Le retour de Gérard Lambert, il dénonce tour à tour la drogue (La Blanche), la bêtise humaine (Mon beauf’) et rend hommage avec tendresse à son grand-père « Oscar », mineur de fond.
Morgane de toi
L’évolution de l’artiste est incontestable. Il est maintenant marié avec Dominique qui en août 80, lui donne une petite fille, Lolita. Il découvre ainsi la vie de famille et s’éloigne de la vie de bohème.
En 83, il sort un album différent des précédents. La pochette elle-même est moins dure et agressive. Du coup les chansons paraissent aussi plus tendres : Morgane de toi et En cloque. Cet album connaît un succès sans précédent dans la carrière du chanteur. Dès que le vent soufflera est un énorme tube qui passe sur toutes les radios, avec près d’un million d’exemplaires vendus en quelques mois. Renaud est d’ailleurs en fin de contrat chez Polydor et ce succès lui permet de signer un contrat extrêmement avantageux avec sa nouvelle maison de disques Virgin.
Véritable vedette hexagonale, Renaud investit une nouvelle salle parisienne, le Zénith du 17 janvier au 5 février 84. Il effectue ensuite une tournée qui le conduit jusqu’au Québec.
Ses activités ne se relâchent pas pour autant après la sortie du disque. En 85, il écrit avec son ami Franck Langolff, l’hymne des Chanteurs pour l’Ethiopie. Il est en effet l’initiateur de cette opération qui est destinée à récolter des fonds pour lutter contre la famine en Ethiopie. Plus d’un million de 45 tours sont vendus.
La même année il sort un autre album Mistral Gagnant qui est enregistré aux Etats-Unis sous la férule de Jean-Philippe Goude. C’est le temps des illusions perdues et des constats amers.
Au faîte de sa gloire, Renaud trouve pourtant des détracteurs de plus en plus nombreux au fur et à mesure que sa notoriété et son compte en banque augmentent. Exaspéré par cet acharnement essentiellement dû aux médias, et bouleversé par la mort de son ami Coluche en juin 86, Renaud décide de ne faire aucune promotion pour son nouvel album qui sort en avril 88. Putain de Camion en hommage à l’ami disparu, est un succès relatif : 600.000 exemplaires seront quand même vendus. La beauté et la qualité de l’album lui donnent l’occasion de recevoir plusieurs prix, celui de la Ville de Paris, du Ministère de la Culture et de la SACEM.
L’âge de raison
En 91, après la guerre du Golfe, Renaud sort un nouvel album intitulé Marchand de cailloux. Entre tendresse et coup de gueule, le chanteur est fidèle aux thèmes qui lui sont chers : l’enfance, l’amour et l’injustice.
La même année, Renaud accepte de jouer le rôle d’Etienne Lantier dans Germinal adapté du roman d’Emile Zola. Emballé par l’ambiance et l’état d’esprit des habitants de cette région, le chanteur décide de sortir en 93 un disque entier consacré au folklore local, Cante el’nord qui est chanté dans le patois chtimi. Il reçoit la Victoire de la musique du meilleur album de musique traditionnelle à cette occasion.
Dès 94, il se remet à écrire des chansons et enregistre cette fois, chez lui. L’album A la Belle de mai, du nom d’un très ancien quartier marseillais est un hommage poétique à la cité phocéenne. Même si le chanteur vend moins qu’auparavant, il reste une valeur sûre de la chanson française. En mai 95, Renaud s’installe tout le mois de mai à la Mutualité, célèbre salle parisienne généralement réservée aux manifestations politiques et sociales. Il part ensuite en tournée dans toute la France.
Brassens
Imprégné de l’œuvre de Georges Brassens dès son plus jeune âge, il décide, la quarantaine passée, de reprendre 23 chansons de l’artiste disparu. Cette année 96 est aussi marquée par une grande tournée qui se termine par l’Olympia à Paris pendant une semaine en décembre. Le succès est toujours présent.
Son projet le plus important mais encore un peu secret reste l’écriture d’un roman. La chanson des rues mènerait-elle à la littérature ?
Sources : WattMusic et Le HLM des Fans de Renaud