Chanson
30 novembre 95
Par : Boris SENFF
Donnant au passage un coup de pouce à Sarclo, il a donné un concert fleuve devant 5000 fidèles. Drapeaux rouges au vent, balade dans la zone, clin d’œil à Brassens et tendresse omniprésente.
Cela faisait une paie que Renaud, le petit prince des pavés, n’avait pas fait un crochet par la Suisse romande. À part un passage à Morges, au début des années 90, cela faisait sept ans que l’on attendait ce gavroche des banlieues et sa poésie argotique dans une grande salle.
Alors forcément, jeudi soir à l’Arena, c’était une foule serrée -petits voyous venus voir le grand frère, potes de longue date, amateurs de rimes qui font chaud au cœur- qui se pressait pour ce rendez-vous exceptionnel. Pas d’accès au poulailler, puisque la salle modulable de l’Arena était coupée en deux par des rideaux noirs comme l’anarchie, mais le parterre débarrassé de ses sièges pour l’occasion, était couvert d’une foule compacte qui patientait en tanguant d’enthousiasme. En tout 5000 personnes attendaient le chanteur aux santiags et au foulard rouge.
Les lumières s’éteignent et la voix de Renaud retentit dans la salle. « Salut Genève, c’est Renaud. Ce n’était pas vraiment prévu au programme, mais il va y avoir une première partie. Un chanteur que les Genevois connaissent bien. Le genre de type qui, s’il avait lancé un pot de fleurs sur les flics, ne les aurait pas ratés. Mon pote Sarcloret. » Et Sarclo de débouler sur scène avec le guitariste Denis Margadant pour un petit tour de chant à brailler J’en ai marre et Du brun, en assurant à ceux qui réclament Renaud que « ça sera vite fini ».
Joli geste spontané de Renaud, les organisateurs n’ont appris qu’une demi-heure avant le début du concert.
Touchante comédie humaine
Un peu plus tard, c’est sous les cris que le chevalier Renaud, grand pourfendeur d’injustices sociales, aux tatouages comme des baisers de parpaing mouillé, débarque sur scène au milieu de ses musiciens, à grands pas frêles et mesurés, modeste devant les acclamations qui tonnent. Avec La ballade de Willy Brouillard, Renaud, en marin de la chanson qui a mis plus d’une fois son bateau en bouteille, affrète son concert comme capitaine au long cours. Les paysages traversés seront ceux de la rue (La chanson du loubard), de la mer (Dès que le vent soufflera) des banlieux « achèlème » (Deuxième génération) et des révoltes qui grondent (Où c’est qu’j’ai mis mon flingue ?), les souvenirs d’enfance (Le sirop de la rue) et les sentiments qui font mal. L’occasion de dérouler une galerie de personnages aux traits typés, de la pute au malfrat, en passant par le révolutionnaire et le curé, l’ouvrier et la femme. En cloque qui forment la touchante comédie humaine du Séchan, visant les tripes là où elles sont tendres.
Fragile et survolté, Renaud aura fait s’enchaîner plus de 35 chansons (dont deux de Brassens) sans rien renier de son engagement anarcho-communiste (Hexagone, Société tu m’auras pas : le Che était d’ailleurs dans la salle, sur un drapeau). Seul sur scène avec sa guitare en bandoullière comme le premier des chanteur de rue, ou s’amusant à un duo d’accordéons avec son complice Jean-Louis Roques, Renaud a traversé son répertoire avec une superbe chaleur humaine, plein d’humour avec ses musiciens et en accointance parfaite avec un public reconnaissant qui lui lançait des roses qu’il ne manquait jamais de ramasser respectueusement. Après plus de deux heures et demie d’émotion et des rappels comme des ouragans, Renaud terminait son concert avec Manu. À la sortie, les mistrals étaient gagnants.
Source : Le HML des fans de Renaud