Renaud célébré au Musée de la musique avec une « Putain d’expo ! », ta ta tin

20 Minutes

A PARIS Jusqu’au 2 mai 2021, le Musée de la musique accueille une rétrospective de la carrière du chanteur aux santiags et au cuir « un peu zone »

Fabien Randanne

Publié le 15/10/20 à 17h31 — Mis à jour le 16/10/20 à 16h46

Une mobylette ayant appartenu à Renaud attend les visiteurs sur le parcours de l’exposition Putain d’expo! au Musée de la musique. — STEPHANE DE SAKUTIN / AFP
David Séchan, frère jumeau de Renaud est, avec Johanna Copans, l’un des commissaires de l’exposition Putain d’expo ! STEPHANE DE SAKUTIN / AFP
Une affiche et des photos du concerts organisé place de la Bastille, le 8 juillet 1989 en signe de protestation envers le sommet du G7 accueilli par Paris au même moment. STEPHANE DE SAKUTIN / AFP
Un dessin réalisé par Renaud, inspiré par la sortie du film Germinal en 1993. STEPHANE DE SAKUTIN / AFP
Des instruments de musiques et un perfecto appartenant à Renaud. STEPHANE DE SAKUTIN / AFP
    • L’exposition Putain d’expo ! se poursuit au Musée de la musique (Paris 19e) jusqu’au 2 mai 2021.
    • De nombreux dessins, manuscrits et objets personnels du chanteur, sont exposés tout au long du parcours qui suit une logique thématique plutôt que chronologique.
    • Cette rétrospective met en avant le talent du chanteur pour chroniquer la société française ainsi que ses engagements multiples.

Corona Song, sa dernière chanson dans laquelle il s’en prend au « coronavirus, connard de virus », tout en défendant « le brave docteur Raoult » n’a pas résisté aux gestes barrières. Elle ne figure pas dans la Putain d’expo ! – c’est son nom – que le Musée de la musique (Paris 19e) consacre à Renaud à partir de ce vendredi et jusqu’au 2 mai. Pas de trace non plus de ses propos en faveur de François Fillon, qu’il qualifiait en 2016 de « mec bien, honnête », en voyant en lui le meilleur candidat du parti Les Républicains pour la présidentielle.

En revanche, J’ai embrassé un flic, écrite en réactions aux attentats de janvier 2015, apparaît dans la playlist qui rythme la visite. Un carton précise que « le chanteur prend le contre-pied de ses orientations en affichant son soutien aux forces de l’ordre dans ce contexte si particulier. »

Cette rétrospective, organisée de manière thématique plutôt que chronologique, s’attache à représenter l’aura de Renaud telle qu’elle est ancrée dans la mémoire collective française. Celle des santiags, du « cuir un peu zone » et du bandana rouge, ses accessoires fétiches que Frank Margerin n’a pas oublié de représenter sur l’affiche de l’exposition. Celle des « ta-ta-tin » et de la syntaxe malmenée sous couvert de licence poétique. Celle de son caractère frondeur, révolté, engagé.

« Un joli gâteau : Paris en flammes »

De nombreux dessins, manuscrits et objets personnels du chanteur, jalonnent le parcours qui commence par Mai-68, l’événement fondateur de la conscience politique du minot, fils d’une mère à l’ascendance ouvrière et d’un papa intello. Le 11 de ce « joli mois », il fête ses 16 ans sur les barricades. « Toute la nuit, j’avais soufflé les bougies d’un joli gâteau : Paris en flammes », écrira-t-il, en 1988, en légendant le livre de photos de Claude Raimond-Dityvon. Le cliché est accroché en grand format sur le mur : grilles d’arbres arrachées et voitures renversées, le boulevard Saint-Michel au petit matin porte les stigmates des troubles nocturnes. C’est à cette époque qu’il écrit sa première chanson : Crève salope.

Par la suite, Renaud ne lancera plus de pavé mais continuera à le battre : il commence sa carrière dans la rue, interprétant avec sa gouaille des chansons réalistes. En 1975, Coluche l’invite à assurer sa première partie au Café de la gare. Tremplin. Il signe la même année Hexagone, premier titre marquant de son répertoire. Qu’il pourfende le « camarade bourgeois », fasse l’état des lieux de son « blême » HLM, décrive le quotidien d’une habitante d’une « banlieue rouge » – on peut voir dans l’exposition les paroles rédigées à l’encre carmin sur une page de cahier d’écolier – ou s’agace des « bobos », il a pendant des années, avec plus ou moins d’inspiration, chroniqué la société française sans perdre totalement de vue sa conscience de classe.

Le parcours amène les visiteurs à s’attarder dans une alcôve où sont évoqués les empêcheurs de tourner en rond des années Giscard et Mitterrand. Un peu anars, jamais bégueules, ils faisaient partie de l’entourage plus ou moins proche de l’artiste : les Coluche, Desproges, Dewaere et Gainsbourg. Lorsque ce dernier meurt, en 1991, Renaud, sous le coup de l’émotion, se fend d’un fax, exposé sous verre : « Ce monde est ignoble qui fait mourir les poètes et les fous et vivre les présidents assassins. »

« Cher tonton » Mitterrand

Dès l’année suivante, sa plume éditorialisée déboule dans les pages de Charlie Hebdo. En l’espace de quatre ans, il signe une centaine de chroniques au diapason des combats de l’hebdomadaire contre le FN, le nucléaire, la guerre en Bosnie-Herzégovine… Ce qui ne l’empêche pas de se faire tacler par l’équipe. « Il est quand même moins énervant quand il chante que quand il vote Mitterrand », se moque Charb dans une caricature. « Oui, j’aime ce bonhomme, je l’assume, je le revendique », a déclaré le chanteur en 1993 à Globe-Hebdo, au sujet du président pour la réélection duquel il s’est activé en 1988.

Mais l’admiration n’était pas totalement béate. L’exposition montre ainsi une lettre manuscrite de 1989 adressée à François Mitterrand : « Cher tonton, (…) Puisque la France a pris l’initiative de réunir à Paris le sommet des Maîtres du Monde à l’heure où elle fête les sans-culottes, ce que nous sommes nombreux à juger déplacé, voire scandaleux, puisse au moins, de ce sommet se dégager les voies et les marges d’aider réellement des peuples exsangues à se relever, leurs économies à se redresser. » Renaud n’a peut-être jamais envoyé cette missive, retrouvée dans ses archives personnelles, mais le 8 juillet de l’année du bicentenaire de la Révolution française, il était à l’affiche d’un concert de protestation à la Bastille contre le G7.

« Mistral gagnant » gagnant

C’est là l’un des nombreux engagements concrets du chanteur qui de chansons, en tribunes et lettres ouvertes, s’est impliqué aussi bien dans la lutte contre l’Apartheid en Afrique du Sud qu’en faveur de la libération d’Ingrid Betancourt otage des Farc en Colombie au début des années 2000.

L’exposition se referme sur des notes consensuelles. bouclant la boucle par un retour vers l’enfance, « paradis perdu » de Renaud qui chante « J’ai eu dix ans, je n’les ai plus et je n’en reviens pas. » Aux côtés d’imageries de fêtes foraines, on le découvre tintinophile. Alors que sa musique résonne à nos oreilles : les carambars d’antan, les coco boers et les vrais roudoudous qui coupaient les lèvres et niquaient les dents. La nostalgique Mistral Gagnant, élue « meilleure chanson française de tous les temps » et son émotion fédératrice, a de quoi mettre tout le monde d’accord et même le pouvoir de ramener les détracteurs à la bienveillance. Que la Corona Song aille marcher à l’ombre !

  

Source : 20 Minutes