Après le succès de « Boucan d’enfer », retrouvailles avec le public parisien.
Jusqu’au 23 décembre, la scène du Zénith accueillera chaque soir les auteurs des deux plus gros tubes de l’été 2002, Renaud et Mickaël Furnon. Le premier a renoué avec le succès de masse. L’album Boucan d’enfer s’est écoulé, depuis le 28 mai, à plus de 1,6 million d’exemplaires. Le second a écrit J’ai demandé à la lune pour le groupe Indochine, qui a fait de cette comptine l’instrument de son grand retour. Mickaël Furnon continue néanmoins d’officier derrière son propre combo folk-rock, Mickey 3D, accueilli par Renaud en première partie de son triomphe programmé. Les spectateurs reçoivent chaleureusement les ritournelles enfantines et acides de ces Stéphanois.
L’ovation qui salue Renaud est de celles qu’on réserve à ceux ancrés dans la mémoire collective, à ceux aussi qu’on retrouve avec un enthousiasme proportionnel à la crainte que l’on a eue de les perdre. Renaud n’a rien caché de ses récents déboires. Un amour brisé, une plongée destructrice dans l’alcool sont la matière première de Boucan d’enfer et cette nouvelle tournée, qu’il annonce (faut-il le croire ?) comme ses « adieux au music-hall », ressemble à une thérapie de groupe. Dans le remarquable portrait réalisé par Eric Guéret et Didier Varrod, diffusé sur France 3, le chanteur confiait qu’il avait « des millions d’épaules sur lesquelles pleurer ».
CONFIDENCES ET CLINS D’ŒIL
Loin de la banlieue qui a peuplé son imagerie, le décor de scène reproduit une place de village aux allures de villégiature méditerranéenne. Une mairie, un hôtel, un bistrot, Chez Renard. Si son célèbre bandana rouge est en vente à l’entrée (10 euros), Renaud préfère aujourd’hui une veste de velours vermillon, un tee-shirt et un jean noir à son ancienne panoplie de loubard. « Comme y’a eu Gainsbourg et Gainsbarre/Y’a le Renaud et le Renard ». Le premier quart du concert penche dangereusement vers cette comparaison. Entre brame et borborygmes, le titi parisien déraille comme le grand Serge, quand il se laissait porter par l’amour du public plus que par ce qui lui restait de voix.
Renaud mise d’abord sur une ambiance de « balloche » et un orchestre œuvrant avec plus de bonne humeur que de conviction. Puis la voix réchauffée investit mieux les chansons, entraînant à sa suite plus de subtilités instrumentales. En grande forme, le chanteur multiplie confidences et clins d’œil, coups de gueule et autodérision. Les fractures sont exposées. Les mots touchent juste.
Certaines cibles d’aujourd’hui – BHL, la Star Academy (« Je ne veux pas que ces abrutis touchent à mes chansons ») – n’ont plus le panache de celles d’antan. Mais Renaud sait encore se nourrir de l’actualité, comme le prouve la densité émotive de Manhattan-Kaboul, interprété sur scène comme sur le disque en duo avec Axelle Red. Pour remercier la chanteuse, Renaud la laisse interpréter seule au piano sa propre chanson, Je me fâche. Si la voix fait des étincelles, le texte de cette bluette paraît d’une totale banalité en regard des titres les plus sentimentaux de son hôte. Mistral gagnant, Morgane de toi, Manu, Cœur perdu – ou le don toujours impressionnant de planter des personnages, un décor, une histoire , des fêlures en adéquation avec un timbre et une mélodie. Coups de blues ou hymnes festifs (Dès que le vent soufflera, Marche à l’ombre) sont systématiquement entonnés en chœur. Jusqu’à ce que Renaud rentre dans son HLM au dernier rappel.
Stéphane Davet
Zénith, Paris , le 19 décembre. Jusqu’au 23 décembre. Et du 28 janvier au 1er février et du 25 au 28 mars, les 31 mars et 1er avril. Complet.
Source : Le Monde