N’est pas Sardou qui veut
Il faut d’abord évacuer certains clichés. C’est vrai, la plupart des chanteurs et chanteuses français à succès sont à l’abri des problèmes financiers et peuvent couler des jours heureux de retraités. Pour d’autres, c’est plus compliqué. Si les mastodontes tels que Goldman, Cabrel, Hallyday ou Souchon sont ou étaient financièrement hors catégorie, il faut comprendre qu’un artiste comme Frédéric François, par exemple, qui a vendu environ 15 millions de disques en France, déclare toucher une retraite de 330 euros nets par mois. « La Sacem (Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique) nous donne 4000 euros tous les trois mois, détaillait-il en 2023 dans l’émission Chez Jordan sur C8. Divisé par trois, ça fait 660 euros. L’État prend 50 %. »
Autre exemple, celui du chanteur néerlandais Dave, 80 ans, qui continue de se produire en complément d’une retraite de 1700 euros bruts par mois. Le 12 mai dernier, il qualifiait ce montant de « retraite de merde » dans les colonnes du Figaro. Ces sommes sont évidemment à ajouter à d’autres sources de revenus, ainsi que, souvent, un patrimoine conséquent. Mais les chiffres sont là et ne permettent pas toujours aux artistes de vivre dix, quinze, ou vingt ans sans travailler, d’autant que nombre d’entre eux ont acquis au fil de leur carrière des frais de fonctionnement, un train de vie parfois, et subviennent aux besoins de leurs proches. Ces deux exemples ne sont pas à plaindre, mais il est aisé de comprendre pourquoi ils rechignent à raccrocher. Tout le monde n’a pas eu la carrière de Michel Sardou, qui peut envisager sereinement d’arrêter à 77 ans. « Normalement, c’est ma dernière date », disait-il à propos de son concert brestois le 30 mars 2024.
Respecter son corps
Souvent, c’est bien évidemment la passion qui l’emporte et qui pousse à reprendre inlassablement la route. Alain Chamfort, plus de cinquante années de musique au compteur, vient de publier ce qui sera, selon lui, son ultime album, et déclarait à Télé-Loisirs : « Je veux continuer à être actif, profiter de ce qui se présente à moi. Ça ne m’empêche pas d’être responsable de mes proches. Je ne veux pas arrêter. Mais je sais respecter mon corps et ralentir le rythme quand il le faut. Il est normal de ne pas avoir la même vitalité à cet âge. » Car même si certains artistes stoppent les tournées, parfois éreintantes, les sorties d’albums comportent elles aussi leurs lots d’efforts, avec la promotion, les interviews télévisées ou radio qui ont généralement lieu tôt le matin.
Voilà peut-être pourquoi certains musiciens et musiciennes peuvent donner l’impression de tirer sur la corde. Ils n’ont pas le choix, ou tout simplement pas l’envie. Mais le seul appât du gain, après des dizaines d’années de carrière, semble être une explication simpliste. Comme d’autres, Renaud est de ceux qui peinent très grandement à faire honneur à leur stature passée, qui ont aussi, c’est vrai, dilapidé d’importantes sommes d’argent durant leur pic de popularité, n’ayant pas toujours correctement assuré leurs arrières. Il y a, bien souvent, un peu de tout cela à la fois.