Québec, samedi 25 janvier 1986
CAHIER E
ARTS ET SPECTACLE
♦ Le chanteur français Renaud était déjà une grande vedette dans son pays quand les Québécois ont eu une première occasion de l’entendre sur scène au Festival d’été de Québec de 1984, mais une de ses nouvelles chansons est en train de faire de lui un personnage politique.
par Louis TANGUAY
Pourtant, pour lui, la chanson qui fait scandale et le spectacle qui éclabousse n’est pas un phénomène nouveau, qu’il s’agisse de politiciens de droite ou de gauche.
Qu’on se souvienne de sa version du « Déserteur » de Boris Vian pour mettre en perspective son attaque à fond de train contre la première ministre britannique Margaret Thatcher. Ou encore du récent passage du chanteur à Moscou où il a aussi manqué par peu de faire un scandale.
Et comment, à travers une carrière qui le mène de succès en polémiques, l’artiste a-t-il évolué depuis son dernier séjour au Québec depuis 1984?
Assez bien merci, si on en juge d’une part par son attitude en interview et d’autre part par le nouveau microsillon qu’il vient de nous apporter.
Un peu moins nerveux qu’il y a un an et demi, il demeure aussi simple, aussi disponible pour les gens des médias, mais il ne fait pas d’effort inutile pour cacher combien ça l’ennuie de revenir, en interview et particulièrement à la télévision, toujours sur le même sujet: sa chanson Miss Maggie, celle qui faisait dire à la sérieuse Agence France-Presse que les journaux britanniques y ont vu une insulte et un danger pour les relations Londres-Paris, juste avant la signature d’un accord sur la construction d’un tunnel sous La Manche.
L’accord a tout de même été signé lundi dernier, jour même de la présence à Québec de l’auteur de la chanson à « scandale ».
Et une fois accepté le fait que cet « hymne aux femmes » n’est ni raciste ni xénophobe et vise non pas à attiser les haines franco-anglaises mais à faire rire les Français d’une femme politique dont le comportement est souvent plus masculin que celui des hommes, il parlera beaucoup plus volontiers des autres sujets qui le préoccupent, la drogue, la pollution, de sa passion pour sa fille et pour la pèche à la ligne.
Chanteur essentiellement urbain, au début de sa carrière, il a encore besoin de la ville pour vivre, mais il a découvert la mer et la campagne pour refaire ses forces.
Et si son nouveau disque se termine sur une chanson intitulée « Fatigué », elle n’annonce pas un arrêt prochain mais constate simplement l’envie que la vedette a parfois de tout laisser tomber.
« Ecrire, chanter, parler en interview de tout cela, est-ce que ça sert à quelque chose », en vient-il à se demander.
« Je ne sais pas, mais la chanson c’est toujours plus agréable que le discours politique. Il y a la musique au moins. »
Source : Le Soleil