« Renaud dégage une émotion incroyable »

Le Télégramme

Publié le 21 juin 2020 à 11h12 Modifié le 21 juin 2020 à 17h29


La p’tite Karine

Mickaël Coton, alias Morgan Renaud, vient d’enregistrer un titre signé Sabine Paturel, accompagné d’un clip tourné à Morlaix, sa ville natale. Interview lacrymale et sans filtre d’un fan ultime.

C’est quoi l’histoire de cette chanson avec Sabine Paturel ?

Sabine Paturel a écrit un texte pour moi. C’est un texte qui nous ressemble, à tous les deux. En fait, mon manager Jean-Michel Gaudet a organisé la rencontre téléphonique. Il a expliqué un peu mon histoire à Sabine. Sur la chanson « Les Bêtises », elle ne touche pas de royalties, rien du tout. Moi, je me suis déjà fait avoir deux fois avec des producteurs à la c… Mon histoire l’a un peu touchée, elle se voyait un peu là-dedans aussi. Du coup, elle a écrit une chanson qui s’appelle « La p’tite Karine », qui parle un peu des producteurs qui ne pensent qu’au pognon. Elle comptait sur nous pour qu’on trouve un musicien. On a fait appel à un ami, Christian Plassart, qui est de Guerlesquin. C’est un artiste qui a l’oreille absolue. De nos jours, des oreilles absolues, il n’y en a pas beaucoup. Du coup, il a fait un petit truc en studio, il nous a balancé la musique, géniale et tout. J’ai balancé ma voix dessus. C’est vrai qu’on n’avait pas eu trop de répétitions, je ne connaissais pas trop le texte, j’ai fait un peu ma « fainéantise ». Et puis on l’a balancé sur la toile.

De voir les gens qui adhèrent, qui se foutent dans le show, dans ma tête, c’est wow !

Quels sont les retours après la sortie du clip ?

C’est phénoménal, hallucinant ! Je ne touche rien dessus, j’ai balancé ma voix, c’est tout. On l’a fait un peu à l’arrache, on va réenregistrer en studio pendant deux jours en Normandie. Après, moi le pognon, je m’en fous… C’est de faire plaisir aux gens, même quand je fais un spectacle. De voir les gens qui adhèrent, qui se foutent dans le show, dans ma tête, c’est wow ! Et quand les deux alchimies se rencontrent, là t’envoies du steak, c’est génial. Quelque part, les soucis, moi je les oublie et eux aussi. On passe un super moment, voilà.

C’est la première fois que vous chantez autre chose que du Renaud ?

Sur ce que je mets sur le tableau, ouais. Autrement, chez moi, je fais un peu de tout, du Thiéfaine, du machin… J’ai essayé du Céline Dion mais quand il faut monter haut… Je préfère les chanteurs à textes genre Thiéfaine, Castelhemis. « Les Centrales », ça m’a piqué, c’est une chanson que j’adore. « L’Armée » aussi, tout ça… Toutes les chansons un peu engagées, j’ai toujours aimé.

Il est toujours là, il est debout. Et il va mieux, il est au Perrier fraise.

Comment est née votre passion pour Renaud ?

Quand j’avais 3 ans, mon parrain, qui était militaire, a appelé ma mère pour lui dire : « Je viens boire un jus à la maison ». Il devait m’entendre couiner derrière le téléphone. Ma mère lui a dit : « Mickaël il m’énerve, il ne veut pas faire sa sieste et tape son lit à barreaux contre le mur ». Il lui a répondu : « Bouge pas, j’ai un remède ». Il a posé le petit poste autoreverse, avec la cassette « Mistral Gagnant » 85. Apparemment, j’ai mis mon pouce dans la bouche et c’est resté. Ma mère a continué à mettre Renaud, même si elle n’aimait pas. Après, c’est venu tout seul, ça ne m’a jamais lâché.

Quand on est Renaud, c’est pour la vie ?

Oui. C’est comme mon pote Gérard Louviot, qui a écrit un bouquin chez XO (« L’orphelin des mots ») parce qu’il ne savait ni lire ni écrire. Il est passé chez Drucker et il y avait Renaud. Gégé, il a fait plus de 50 concerts pour aller voir Renaud. Le dernier que j’ai fait avec lui, c’est le « Phenix tour » à Brest, j’ai passé un moment mémorable. Tu vois, je n’ai fait que deux concerts de Renaud, parce que mes parents étaient ouvriers et que j’étais un peu petit. Le premier, c’était en 2003, quand il est venu à Morlaix pour « Boucan d’enfer ». Quand je l’ai vu arriver, j’étais en pleurs ; c’était la première fois que je le voyais en vrai. Après, quand je l’ai vu à Brest en 2016 : pareil. Pourtant, je m’étais dit : « Je suis plus grand, je suis plus vieux ». Je le vois arriver… Il dégage une émotion ce mec-là, c’est incroyable. Après, j’ai vu le déclin, vocalement aussi, ça fait mal. Mais il est toujours là, il est debout. Et il va mieux, il est au Perrier fraise.

On traînait devant le bouchon où il traîne souvent ; il faisait 40, j’avais mon perfecto, la guitare dans la sacoche. J’en pouvais plus, j’étais en nage

Vous êtes même descendu dans le Vaucluse pour le voir. Comment cela s’est-il passé ?

Avant son décès, mon parrain m’a dit : « Va vivre ton rêve, le mien aussi ». Du coup, je suis allé à l’Isle-sur-la-Sorgue et j’ai rencontré Renaud. Je ne faisais pas ce que je fais maintenant ; j’ai commencé en février 2019, je faisais du smule, une espèce de karaoké. On traînait devant le bouchon où il traîne souvent ; il faisait 40, j’avais mon perfecto, la guitare dans la sacoche. J’en pouvais plus, j’étais en nage… Ma copine de Tarascon va voir le serveur et lui dit : « Est-ce qu’il est là ? » Le mec la regarde et lui dit : « À cette heure-ci, le vieux, il est au lit ». On a alors vu Bloodi (l’un des fans devenu secrétaire particulier de Renaud, NDLR) qui promenait la moto. On file à la Prêvoté, un restau où il a ses habitudes. Je dis : « Il est là ? » Elle me fait : « Ouais ». Je me suis mis à pleurer contre la gouttière. Je ne pouvais pas.

C’est votre copine qui fait le premier pas…

Alors, elle est partie direct le voir… J’entends « Nan ! ». Elle lui dit : « Je te promets qu’il n’y aura pas de photo, juste une poignée de main ». Il fait : « Juste ça alors… ». On y va. Je discute pendant un quart d’heure, vingt minutes avec Renaud. J’te jure, mon pote, la prestance qu’il a… Je montre mon tatouage, le portrait de Renaud que j’ai sur le bras gauche. Il chope mon bras, j’étais presque à tomber sur ses genoux. Je raconte mon histoire, je lui dis que je viens de Bretagne. Il me fait : « 1 200 bornes pour venir me voir ? » Ouais. Je lui demande : « Est-ce que tu pourrais signer ma guitare ? » Je lui file ma guitare, il me sort un marqueur indélébile de sa poche. Il me signe ma guitare, je sentais ma main moite sur le cul de la guitare qui glissait et je me disais : « Tout à l’heure, il va faire une rature ». J’étais l’homme le plus heureux.

  

Source : Le Télégramme