MUSIQUE. Le chanteur se confie dans son livre «Comme un enfant perdu», paru jeudi.
Renaud ne parlera pas. Son autobiographie, parue jeudi, parle pour lui. Cet homme de 64 ans se livre — avec la complicité de l’écrivain Lionel Duroy — comme jamais. Ses amis, ses amours, ses emmerdes, Renaud en a déjà fait le sel de ses chansons, mais il solde noir sur blanc ses comptes avec les démons qui lui ont pourri la vie : ses secrets de famille, sa culpabilité vis-à-vis de son père, écrivain au passé douteux, sa paranoïa, l’alcool… Comme on se débarrasse d’un fardeau pour mieux avancer.
Il défend son père traité de « collabo »
Première phrase, premier choc : « Je suis né dans une famille heureuse et dont j’ai longtemps ignoré les secrets. Ces secrets qui m’ont plus tard arraché des larmes, m’ont précipité dans la culpabilité. » A 12 ans, Renaud, cinquième enfant d’une famille de six, découvre que sa grande sœur Christine est en fait sa demi-sœur et que son père, Olivier, a été marié une première fois avec une femme disparue, ainsi que leur fils, le 7 juin 1944, dans un bombardement allié en Normandie.
Le second secret est encore plus lourd. Le gamin de la porte d’Orléans a alors 18 ans. Il a quitté le lycée et travaille dans une librairie du quartier Latin, lorsqu’un jour, un cousin le traite de « fils de collabo ». Il découvre que son père, Olivier Séchan, a travaillé pendant la guerre à Radio Paris, organe de la propagande allemande, et que son grand-père, Oscar, a été membre du Parti populaire français, parti fasciste sous l’Occupation, et a été emprisonné plusieurs mois à la Libération. Renaud prend leur défense : « Mon père ne prend aucune part à la propagande, se contente de traduire les dépêches en provenance d’Allemagne […] D’ailleurs, arrêté à la fin de la guerre, il ne sera retenu qu’une seule journée et aussitôt blanchi de tout soupçon par le tribunal. » Il n’empêche : « Fils de collabo, petit-fils de collabo, ai-je lu dans certains journaux. Je porte ces mots comme une croix sur mes frêles épaules. »
Autre croix, la culpabilité vis-à-vis de son père. « Le succès de mon fils me tue. » Cette phrase, Renaud la découvre dans le journal intime de son père, alors que lui-même fête le succès de son cinquième album, « le Retour de Gérard Lambert ». Il a toujours considéré son père, écrivain de romans policiers et de livres pour enfants, père « aimant, austère et pudique », comme un héros. Ce jour-là s’insinue en lui une immense culpabilité, qui ne l’a jamais quitté.
Victime d’un « délire paranoïaque »
« Mon couple avec Romane se fracasse sur les mêmes écueils que celui que nous formions avec Dominique : ma paranoïa, ma peur des Cubains, ma souffrance, mon angoisse, que je noie sous des flots d’alcool pour supporter le quotidien. » Renaud est allé deux fois en terres communistes, à Moscou en 1985 puis à Cuba en 1997. Il en est revenu les deux fois avec l’impression d’avoir été piégé. Pis, il se dit menacé de mort et restaure un vieux fusil au cas où. « Les communistes me veulent du mal, sans que je sache ce que j’ai commis pour mériter ce châtiment, écrit-il. J’ai peur pour Dominique et Lolita. En fait de protéger Dominique, je la rends folle. » Ce « délire paranoïaque », ainsi qu’il le nomme, s’est estompé depuis qu’il s’est récemment guéri de l’alcoolisme.
« Dominique, on se remarie ? »
C’est en substance ce que Renaud a demandé il y a peu à son ex-femme, qui lui disait son bonheur de le « revoir bien vivant ». Elle a éclaté de rire et ne lui a pas répondu, mais cet éternel amoureux n’abandonne pas l’idée. « Qui sait ce que les dieux nous réservent ? » écrit-il. En épilogue, il annonce son prochain album pour l’automne 2017. Un disque pour enfants, encore une première.
Source : Le Parisien