Renaud, du verlan à « Mistral gagnant »

RTS – Musique

1er novembre 2020

– Introduction – 

Renaud, dont la popularité est restée intacte depuis plus de quarante ans, est à l’honneur d’une rétrospective intitulée « Putain d’expo! », à la Philharmonie de Paris jusqu’au 2 mai 2021. Gros plan sur un chanteur énervant.

© Daniel Janin – AFP

– Chapitre 01 –

Renaud dans le rétro

© Jacques Loew – AFP

« Putain d’expo! », clin d’oeil à la chanson « Putain de camion » (1988) écrite après la mort de son ami Coluche, est à voir à la Philharmonie de Paris jusqu’au 2 mai 2021. Une rétrospective imaginée comme « une célébration » de la vie du chanteur de 68 ans dont les apparitions publiques sont désormais rares.

« C’est pas un Olympia pour moi tout seul, mais une « putain d’expo! » juste pour mézigue que vous allez zieuter… Et au Musée de la musique, s’il te plaît! Moi qui connais trois accords de guitare je trouve ça zarbi, mais bon, j’dis rien. »

– Renaud, juin 2020 –

David Séchan, frère jumeau du chanteur et co-commissaire du projet avec l’agrégée de lettres modernes Johanna Copans, auteure d’une thèse sur le chanteur, offre plus qu’une exposition: cette rétrospective est un événement en soi. Et pour cause: peu d’artistes peuvent se vanter d’avoir fait l’objet d’une telle célébration de leur vivant.

David Séchan pose pour l’ouverture de l’exposition « Putain d’expo! » à la Philarmonie de Paris. [Stéphane de Sakutin – AFP]
Renaud n’est pas n’importe quel artiste: une vingtaine d’albums vendus au total à plus de vingt millions d’exemplaire, des chansons entonnées par plusieurs générations, de « Laisse béton » à « Manhattan-Kaboul », dont certaines désormais enseignées à l’école.

Quarante-cinq ans après ses débuts, « sa liberté, son impertinence parlent toujours aux Français », estime son frère. Renaud est l’un des chanteurs les plus populaires, quasiment « porté » par la tendresse et l’affection qu’il inspire. Pourquoi lui? « Parce qu’il comprend les jeunes et dit la vérité », paroles de fans.

>> A voir, une interview des fans de Renaud en 1989:


Télé journal – Publié le 22 mars 1989

– Chapitre 02 –

Le chanteur de toutes les générations

© Jacques Loew – AFP

« Putain d’expo! » explore les différents répertoires de l’artiste: Renaud le révolté, Renaud le poète-portraitiste, Renaud l’engagé et Renaud l’amoureux de l’enfance.

Une scénographie de Gérard Lo Monaco, auteur de nombreux décors de scène de Renaud, habille ces différents univers. Des documents rares sont présentés: archives familiales, manuscrits, objets de la collection personnelle du musicien, dessins, planches de bande dessinée et maquettes de décors. De nombreux entretiens et archives audiovisuelles complètent le parcours, qui se poursuit dans le Musée de la musique avec une projection de Renaud en concert.

Une photo de l’exposition « Putain d’expo! ». [Stéphane de Sakutin – AFP]
L’exposition plonge le visiteur dans « l’univers coloré et enfantin » de l’artiste, « gaulé comme un moineau », selon ses propres mots.

« On a imaginé le parcours avec des éléments visuels graphiques qui puisent dans l’imaginaire de Renaud », explique Gérard Lo Monaco.

>> A voir, le documentaire « Renaud, toujours debout » diffusé sur la RTS:


Divertissement\Achats – Publié le 31 octobre 2020 

– Chapitre 03 –

Renaud et sa « dualité sociale »

© Michel Gangne – AFP

L’exposition ne suit pas la chronologie mais elle débute par des photos de famille jaunies. « La famille, ça n’explique pas tout Renaud mais une bonne partie de lui », souligne son frère jumeau.

Né le 11 mai 1952 à Paris, Renaud est issu d’une famille d’intellectuels côté paternel et d’ouvriers côté maternel. Il développe très vite une conscience politique. Cette « dualité sociale » va « l’ancrer » et développer chez lui un goût pour le militantisme qui l’emmènera, lors du mouvement étudiant de mai 1968, à la Sorbonne, témoigne son frère.

Là-bas, il adhère au comité Gavroche, un groupe révolutionnaire, il écrit, il dessine et découvre l’écriture de chanson. Il fonde un groupe anarchiste avec quelques amis. Le jeune Renaud est en plein bouillonnement. Il fête ses 16 ans sur les barricades et écrit « Crève salope », sa première chanson.

« Amoureux de Paname »

En 1969, il arrête ses études et s’installe dans une chambre de bonne. Il travaille comme vendeur, puis magasinier. Grâce à ces emplois, il s’achète sa première moto et rencontre ses premiers amis « loubards ». Avec eux, il découvre les bagarres, les petits larcins, mais revient rapidement dans le droit chemin. En 1975, il sort son premier album « Amoureux de Paname ».

Toute l’œuvre de Renaud s’articule autour de la disparition de l’enfance. Face à l’adversité, à tous les combats, l’enfance apparaît comme un refuge nécessaire. A travers ses albums, Renaud fait revivre sa propre enfance, celles de ses enfants Lolita et Malone, mais aussi la nôtre, dans toute la beauté de sa fugacité.

>> A voir, le clip « Morgane de toi »:

– Chapitre 04 –

Renaud, chanteur engagé

© Patrick Hertzog – AFP

L’exposition à la Philharmonie de Paris évoque aussi les combats qu’a menés Renaud: justice sociale, antiracisme, lutte contre l’apartheid… Hyperactif, Renaud est de toutes les luttes, notamment dans les années 1980 et 1990.

Renaud en 2008 lors d’une manifestation de soutien pour l’otage Ingrid Betancourt. [François Guillot – AFP]
Touchant et timide, Renaud n’a pourtant pas la langue dans sa poche et il le prouve dans ses chansons notamment. Car chanter, c’est crier sa révolte contre un monde « dégueulasse » avec des titres comme « Dans mon HLM » (1980), « Banlieue rouge » (1981) ou « Deuxième génération » (1983), mais aussi en personne, en soutenant des causes chères à son coeur.

Tout l’engage: ce qui se déroule en bas de chez lui aussi bien qu’à l’autre bout de la planète. Cette largeur de vue nourrit ses chansons et donne à son œuvre toute sa cohérence: l’artiste se définit comme « citoyen du monde ». Caisses de résonance de « cette putain d’humanité » , ses chansons constituent une mémoire vive des combats collectifs de cette fin du XXe siècle.

>> A voir, une interview de Renaud dans l’émission « Profil » en 1988:

Profil – Publié le 27 avril 1988

L’exposition apporte aussi un éclairage sur ses rapports « forts » avec François Mitterrand. « Il y avait un attachement entre les deux. Renaud adorait la politique. C’est un homme de gauche », souligne son frère David. Mais ces deux figures se brouillent en 1989 lors de l’organisation du G7 à Paris, qui coïncide avec le bicentenaire de la Révolution française.

Vieil ami du journal et de la rédaction de Charlie Hebdo, qu’il avait aidé à financer en 1992, plusieurs de ses chroniques et des unes du journal sont mises en valeur dans un espace dédié au journal.

>> A voir, une interview de Renaud à Paléo en 1983:


L’actu en vidéo – Publié le 7 avril 2016

– Chapitre 05 –

Renaud et la langue française

© Geneviève Van Haecke – AFP

L’exposition met encore en valeur le rapport à la langue française de cet amoureux des mots. « Le verlan, l’argot, il a créé tout un langage qui est aujourd’hui repris par les rappeurs », pointe David Séchan. Comme Booba qui a repris une boucle extraite de « Mistral gagnant » (1985), la ballade phare de Renaud, pour sa chanson « Pitbull » (2006).

>> A voir, Renaud chante « Mistral gagnant » dans l’émission « Profil » en 1987:


Profil – Publié le 11 octobre 1987

Grâce à l’emploi de l’argot et du verlan, les chansons de Renaud manifestent une relation permanente à la société, en même temps qu’elles font preuve d’une extraordinaire créativité linguistique. « J’aime la langue française. C’est pour ça que je me permets parfois de la maltraiter comme une vieille dame un peu trop rigide ».

Contre le langage institutionnalisé, Renaud impose le langage oral entre parodie, transformations lexicales, jeux de mots et registre de langue. Cette subversion linguistique et sa dimension ludique font la griffe du Renaud parolier. De « Laisse béton » (1977) à « Marche à l’ombre » (1980), le succès de ses chansons a popularisé de nombreuses nouvelles expressions.

>> A voir, Renaud interprète « Laisse béton » dans l’émission « Lucarne ovale » en 1978:

Lucarne ovale – Publié le 14 avril 1978

 

 

Crédits

Sources:

Les Archives de la RTS

La Philharmonie de Paris

Réalisation web:

Lara Donnet

RTS Culture

Octobre 2020

  

Source : RTS