Renaud en voie de réinsertion…

Midi Libre

Le Par J-F Bourgeot

Le piètre état du sympathique chanteur populaire nous avait laissé triste et amer. Le bonhomme revient avec quatorze nouvelles chansons. Il ne sait toujours plus chanter mais sait encore écrire.

On ne parlera pas du Phénix renaissant de ses cendres. Mais au moins de Rocky reprenant de l’entraînement pour un combat qui ne sera pas le combat de trop. Franchement ça fait plaisir. Renaud on l’aime bien. De tous bords. Comme de tous bords la France a su aimer Brassens ou Gainsbourg. Il fait partie de ces voix qui mine de rien, même quand ça sonne plus balloche que révolution artistique, empêchent ou tentent d’empêcher que notre Hexagone tourne un peu trop en rond. Un Hexagone qui ne va pas trop bien non plus, merci.

C’est donc en polytraumatisé déçu de l’amour (ben oui, au bout d’un certain temps « les files elles se cassent ») que Renaud repasse au peigne fin ses plaisirs de toujours : la liberté, l’insolence, la chasse aux cons et les bons copains. Il y a donc encore de quoi faire, quitte à se pâmer un peu devant la nouvelle icône des soixante-huitards orphelins d’idéologie sûre (José Bové, vous l’avez reconnu dans un coin de « Je vis caché ») et d’aller chercher comme d’autres avant lui dans le règne animal l’exemplarité des sentiments (« je sais qu’un jour Dieu reconnaîtra les chiens… »). Il y a évidemment les tours infernales de Manhattan pour un écho d’injustice partagé avec Axelle Red (« Manhattan-Kaboul »), il y a la Corse inexplicable et ses cagoulés, il y a surtout ce boucan d’enfer qui s’appuie sur cette belle image sonore « le bonheur se reconnaît au bruit qu’il fait quand il s’en va… ».

Couleur annoncée dès l’ouverture avec le masque assumé d’un Janus un peu fragile.

C’est Mister Hyde qui a été plaqué et Docteur Jekyll semble y croire encore, un peu. Mais pas beaucoup.

Avant de rejoindre son panthéon personnel dans un coin de paradis où René Fallet taquine le poisson au milieu d’autres divinités de la chanson (« Mon bistrot préféré »), Renaud prend comme d’habitude le temps de rire un peu. Avec Elle a vu le loup, dédramatisation rigolarde d’un dépucelage féminin (une chanson qu’il avait testée avec succès lors de ses dernières tournées), avec toujours au rayon de l’adolescence la difficulté d’être homosexuel (« Il fait pas bon être pédé / Quand t’es entouré d’enculés… »), avec le rapt d’un nain de jardin aussi sur un mode musical un poil country et surtout un règlement de comptes à Saint-Germain-des-Prés, qui après la crème Chantilly, met carrément le goudron et les plumes sur la chemise blanche de qui vous savez…

Bref, si les mélodies de Bucolo ou d’Alain Lanty ne sont pas toujours au rendez-vous et si un ressort semble s’être définitivement cassé au niveau de la voix, Renaud revient sur le devant.

Ça s’arrose ! Ben quoi, qu’est-ce que j’ai dit ?

J-F Bourgeot

  

Source : Le HLM des fans de Renaud