27 avril 2002
Le premier votera blanc. Le second n’hésite pas : ce sera Chirac.
« Je suis effondré et je me sens responsable, car si on m’avait dit que Jospin arriverait derrière Le Pen, j’aurais voté pour lui. Même si je trouve que Jospin manque de charisme et qu’il a mené une politique sans ambition. »
Le chanteur Renaud reste un nostalgique de Mitterrand.
« Je suis un incorrigible tonton maniaque, précise-t-il, tout en ayant la fibre écolo depuis plus de 15 ans. Au premier tour, j’ai voté Mamère » Et au second que fera-t-il ? « Je voterai blanc. Je vais laisser la droite républicaine se battre contre l’extrême droite… »
Les temps ont changé. Renaud, chanteur énervé et anar engagé des années 80, a mis de l’eau dans son vin « je suis devenu plus désillusionné et désabusé » Il chantera à sa manière sur son prochain album Boucan d’enfer, qui sortira le 28 mai : « Bouger mon cul, m’engager c’est pas d’main que vous m’y reprendrez ».
« …Les pétitions c’est plutôt bien mais vous n’y verrez plus mon blaze. »
Cependant, lui qui est né et a grandi dans une famille de gauche, dit avoir vécu, dimanche soir, « comme un tremblement de terre. C’est la honte pour la France… » Le vote pour Le Pen le trouble. Il pressent que les artistes devraient peut-être se bouger : « Je vais téléphoner à Bruel pour lui demander s’il pense organiser quelque chose. »
Dimanche dernier, 20 heures, devant la télévision, Renaud est, comme des millions de Français, « effondré, effondré pour la gauche, pour la France, pour l’Europe, pour la démocratie ». Lui qui, à 16 ans en 1968, a fait les barricades, n’en revient pas encore du séisme. Sans renier son choix – Noël Mamère -, le chanteur estime faire partie des gens qui ont dispersé leurs votes au premier tour : « Si les sondages avaient marqué plus précisément le danger en montrant Le Pen et Jospin au coude à coude, j’aurais évidemment voté pour faire barrage à l’extrême droite. Tout le monde pensait que Le Pen plafonnerait à 10-12 pc comme d’habitude… » Pointant du doigt l’abstention, il invoque aussi la malchance, le fait que les vacances scolaires ont tenu beaucoup de gens éloignés de leurs bureaux de vote. Mais une chose est sûre : « Les électeurs de Le Pen, eux, ne s’abstiennent pas, jamais ! » Plus généralement, Renaud voit dans le désintérêt pour la politique le signe de la désillusion : « Les gens ne voient rien changer dans leur vie quotidienne, ils sont perdus, ne croient plus à la gauche ni à toutes ces promesses ; ils ont été trop souvent trahis et déçus. » Des déçus dont il fait partie, et un plébiscite pour Chirac au second tour ne l’amuse pas non plus : « Je laisserai la droite et l’extrême droite se battre entre elles, mais je ne pense pas que j’irai voter pour Chirac. C’est au-dessus de mes forces. » Sauf s’il y avait un réel danger… Même déçu, il se réjouit des jeunes qui manifestent leur mécontentement dans la rue, eux qui, pour la plupart, ne se sont jamais intéressés à la politique. Sa fille de 20 ans y était, et lui ? « C’est plus de mon âge. Je suis bien trop désillusionné pour aller gueuler sous des banderoles. »
Source : Le HLM des fans de Renaud